Notes sur quelques ornements de pirogue de la Nouvelle-Guinée hollandaise, baie de Walkener - article ; n°5 ; vol.5, pg 105-115

Mme Marielaroche

Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1949 - Volume 5 - Numéro 5 - Pages 105-115
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: JOURNAL_DE_LA_SOCIETE_DES_OCEANISTES
• Publié le: 01 janvier 1949
• Nombre de lectures: 9
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Mme Marie-Charlotte Laroche
Notes sur quelques ornements de pirogue de la Nouvelle-
Guinée hollandaise, baie de Walkener
In: Journal de la Société des océanistes. Tome 5, 1949. pp. 105-115.
Citer ce document / Cite this document :
Laroche Marie-Charlotte. Notes sur quelques ornements de pirogue de la Nouvelle-Guinée hollandaise, baie de Walkener. In:
Journal de la Société des océanistes. Tome 5, 1949. pp. 105-115.
doi : 10.3406/jso.1949.1629
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1949_num_5_5_1629NOTES
SUR QUELQUES ORNEMENTS DE PIROGUE
DE LA NOUVELLE-GUINÉE HOLLANDAISE,
BAIE DE WALKENER
Cette collection d'ornements de pirogues appartient au Musée de
l'Homme : elle fut rassemblée par le Prince Roland Bonaparte qui
en fit don au Musée d'Ethnographie en 1887 et 1888.
En Nouvelle-Guinée hollandaise, comme dans la plupart des îles et
archipels du Pacifique, l'oiseau est associé aux embarcations. Les
exemples abondent en Océanie : aux Marquises, à Hawaï, aux Nouv
elles-Hébrides, aux Salomon, les figures d'oiseaux servent à la déco
ration des pirogues et sont liées non seulement au culte des esprits
de la mer, mais aussi aux techniques de la pêche et semblent en rap
port avec nombre de rituels de la pêche et du voyage.
Dans l'organisation sociale de la Nouvelle-Guinée le clan a toujours
pour totem un oiseau, un poisson ou un serpent, mais l'oiseau est de
beaucoup le totem le plus important.
La plupart des ornements de pirogues de la collection Roland Bona
parte proviennent de l'île Mérat (Jamna) située dans la baie de
Walkener, au nord-est de la baie de Geelwink.
Ces sculptures polychromes sont taillées dans un bois léger et
s'adaptent à la pirogue par leur extrémité inférieure : celle-ci, de sec
tion ronde ou carrée, est en forme de sifHet plus ou moins pointu; sur
le côté un ou deux crans servent de crochets tandis qu'au milieu, un
trou (parfois deux) généralement triangulaire, permet de cheviller le
tenon au bateau.
Parmi les ornements qui figurent sur les planches ci-jointes, il en
est de deux sortes :
— les fafore, qui sont placés à l'arrière de l'embarcation;
— les mani qui sont des pièces surajoutées à l'avant du bateau.
1a. 106 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES.
Planche I.
Fafore de l'île Mérat :
Les fafore sont sculptés en forme de double croix dont les extré*
mités se terminent le plus souvent par des figures humaines : la face
est ovale, les yeux ronds, le nez pointu dessine un triangle ou plutôt
une flèche au milieu de la figure, la bouche largement ouverte laisse
apercevoir la langue. Ce détail mérite d'être noté : en Nouvelle-
Zélande, aux Nouvelles-Hébrides et en Nouvelle-Calédonie, la langue
sert de thème à de nombreux effets décoratifs : c'est le symbole de la
force de la pensée et de l'action exprimée par la parole (voir détail
pi. II, fig. C).
Certaines de ces figures portent sur les joues des triangles en
creux (I et F) . La plupart sont coiffées d'ornements, sorte de tiare à une
ou deux pointes : les figures C et K portent cette caractéristique
coiffure à une branche tandis que celle de la planche I J semble plutôt
ornée d'une queue de poisson. Les figures I, D. F, portent la coiffure
à deux antennes. Le fafore H est surmonté d'un petit person
nage à haute coiffure; ses mains sont indiquées d'une façon schématique.
Le fafore D, qui est surmonté d'une statuette commemorative d'ancêtre
« korwar », forme réduite de sculptures destinées à recevoir le crâne
d'un ancêtre notoire, semble indiquer que ces ornements auraient un
lien avec le culte des ancêtres d'une grande importance dans la région
de Geelwink.
Ces sculptures sont loin d'être symétrique et la plus grande fantaisie
règne dans leur composition. L'artiste donne libre cours à son imagi
nation : figure humaine, oiseau, poisson, il passe d'un thème à l'autre
avec virtuosité et nous laisse souvent hésitants devant l'interprétation
que nous devons donner aux pièces que nous avons sous les yeux. Cette
virtuosité devient encore plus audacieuse dans les ornements décoratifs
des mani, que domine toujours un oiseau en ronde-bosse. ORNEMENTS DE PIROGUE. 107
Planche I. — Ornements de pirogues (fafore) de Tile Mérat (Jamna). Les séries de chiffres qui
suivent la lettre de référence indiquent la cote de l'objet au Musée de l'Homme. A (87.31
6a), B (détail du A), G (87.31.61), D (87.31. 63), E (détail du D, réduction de statuetta
korwar), F (87.31. 64), G (détail du F, pattes surajoutée à la sculpture), H (87.31.60),
I(a8. a5.4), J (87.31.88), K (87.31. 65), L (détail de K montrant la coiffure à deux
antennes). 108 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES.
Planche IL
Mani de l'île Mérat :
L'étagement architectural des mani est le même que celui des fafore :
croix aux extrémités sculptées en forme de figures humaines, sur
montées d'oiseaux à becs pointus. Des effets décoratifs surprenants sont
obtenus par l'allongement, retirement des becs qui se déforment, se
recourbent, se rejoignent pour s'arrondir en volutes et spirales d'une
grande variété, où se confondent becs d'oiseaux et tête de poisson
« serabache » à gueule allongée.
Le mani A est remarquable par son étagement de volutes en
accordéon, figurant le motif classique un bec de frégate; au sommet
de l'ensemble un petit oiseau est perché.
Dans le mani B, des têtes de poisson (?) à trompes allongées rem
placent les têtes d'oiseaux; aux F, G, H des enroulements variés,
dérivés du bec de l'oiseau soutiennent l'oiseau du faîte, tandis que
les volutes moins exubérantes des mani D et E sont une stylisation
extrême du bec de l'oiseau et aboutissent à un simple motif décoratif.
La richesse de ces effets décoratifs, le thème de l'oiseau associé au
poisson, l'étagement architectural de ces ornements les apparentent
aux avants de pirogue du district de Massim (Nouvelle-Guinée), mun-
kuris, remarquables par l'abondance et l'équilibre de leur décoration,
volutes et spirales, où s'entremêlent oiseaux et poissons. Certains auteurs
ont voulu voir dans les mani une forme archaïque des munkuris, dont
le style moins sobre se serait enrichi d'apports polynésien et mélanés
ien. Cependant dans la région qui sépare Massim de la baie de Wal-
kener — environ 500 kilomètres — on ne relève aucun type d'orne
ment qui puisse être rapproché de ceux-ci. DE PIROGUE. 109 ORNEMENTS
Planche IL — Ornements de pirogue (mani) de Tile Mérat (Jamna). A (88.5.5), B (88. 5. ai),
G (détail de la tête humaine sculptée à l'extrémité de la barre transversale de B), D (87.31 .56),
E (88.5.19), F (88.5.18), G(88.5.i5), H(88.5.i6). SOCIÉTÉ DES OCEANISTES. 110
Planche III.
Les oiseaux polychromes qui dominent les mani sont sculptés au
repos, ailes repliées. Ils semblent posés sur le haut de la sculpture sur
laquelle ils sont représentés sans pattes. Ces oiseaux sont de deux
sortes :
— les uns, du type perroquet, ont de gros becs crochus : tels sont les
oiseaux des mani A et G ;
— les autres, à becs courts, semblent appartenir à la famille des
oiseaux de mer, dont le D est le plus représentatif.
À noter quelques pièces caractéristiques de la planche III :
T- le mani A : des poissons sculptés supportent l'oiseau du faîte
et le relient à la barre transversale; une petite patte est sculptée autour
du trou du tenon. Sur le corps de l'oiseau, un animal en forme de
lézard épouse complètement la place de l'aile;
— le mani C présente un motif de mâchoire à dents apparentes
qui se superpose au motif ajouré;
— le mani D : deux figures affrontées soutiennent l'oiseau sculpté;
— le mani F est particulièrement intéressant : deux oiseaux à
longs becs se font vis-à-vis, ils reposent sur une barre transversale sur
laquelle se détachent en relief plat deux oiseaux à becs crochus et à
œil rond dont l'un pourrait rappeler les représentations de l'homme-
oiseau de l'île de Pâques;
— dans le mani E, un effet décoratif est obtenu du bec de l'oiseau
allongé en forme de trompe pour rejoindre le bec d'un autre oiseau
qui surmo