Ordres, classes, Etat chez Marx - article ; n°1 ; vol.171, pg 117-135
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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1993 - Volume 171 - Numéro 1 - Pages 117-135
Dans cet article on démontre que le concept de «classe» revêt dans l'œuvre de Marx deux sens distincts, et même opposés : un sens spécifique, un sens générique. Le sens spécifique de classe désigne des groupes sociaux qui occupent une place distincte dans le procès de production et de répartition des moyens de subsistance et des richesses matérielles et ceci pour des raisons strictement économiques. Certains groupes ont la propriété des moyens de production, les autres en sont privés. Mais par ailleurs, les individus appartenant à ces groupes inégaux économiquement peuvent être égaux juridiquement devant la loi. Cette situation correspond exclusivement aux sociétés modernes et particulièrement aux sociétés capitalistes occidentales. En revanche Marx emploie métaphoriquement ce terme de classe pour désigner d'autres formes de hiérarchie sociale, par exemple les ordres caractéristiques des sociétés antiques et médiévales. Cet emploi métaphorique ou générique du concept de classe par Marx crée communément beaucoup de confusion théorique aussi bien parmi ceux qui acceptent le concept de classe que ceux qui le rejettent. L'article montre que cet emploi générique a sa source dans la volonté de Marx de montrer que les ordres de l'Antiquité et du Moyen Age étaient comme les classes de la société moderne - mais différemment - des structures sociales impliquant domination politique et exploitation économique. L'article démontre également que contrairement à la tradition marxiste, Marx ne concevait pas l'esclavage et le servage comme deux formes sociales de production qui devaient se succéder nécessairement dans l'histoire, mais comme deux formes nées simultanément de la décomposition d'anciennes structures tribales et communautaires qui n'avaient joué un rôle dominant dans certaines sociétés qu'exceptionnellement et tardivement. Pour Marx en effet l'esclavage et le servage avaient été précédés par l'apparition des ordres dont il n'explique pas l'origine et qui, en Occident, se combinèrent soit à l'esclavage, soit au servage.
19 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Maurice Godelier
Ordres, classes, Etat chez Marx
In: Visions sur le développement des États européens. Théories et historiographies de l'État moderne. Actes du
colloque de Rome (18-31 mars 1990). Rome : École Française de Rome, 1993. pp. 117-135. (Publications de
l'École française de Rome, 171)
Résumé
Dans cet article on démontre que le concept de «classe» revêt dans l'œuvre de Marx deux sens distincts, et même opposés : un
sens spécifique, un sens générique. Le sens spécifique de classe désigne des groupes sociaux qui occupent une place distincte
dans le procès de production et de répartition des moyens de subsistance et des richesses matérielles et ceci pour des raisons
strictement économiques. Certains groupes ont la propriété des moyens de production, les autres en sont privés. Mais par
ailleurs, les individus appartenant à ces inégaux économiquement peuvent être égaux juridiquement devant la loi. Cette
situation correspond exclusivement aux sociétés modernes et particulièrement aux sociétés capitalistes occidentales. En
revanche Marx emploie métaphoriquement ce terme de classe pour désigner d'autres formes de hiérarchie sociale, par exemple
les ordres caractéristiques des sociétés antiques et médiévales. Cet emploi métaphorique ou générique du concept de classe par
Marx crée communément beaucoup de confusion théorique aussi bien parmi ceux qui acceptent le concept de classe que ceux
qui le rejettent. L'article montre que cet emploi générique a sa source dans la volonté de Marx de montrer que les ordres de
l'Antiquité et du Moyen Age étaient comme les classes de la société moderne - mais différemment - des structures sociales
impliquant domination politique et exploitation économique. L'article démontre également que contrairement à la tradition
marxiste, Marx ne concevait pas l'esclavage et le servage comme deux formes sociales de production qui devaient se succéder
nécessairement dans l'histoire, mais comme deux formes nées simultanément de la décomposition d'anciennes structures
tribales et communautaires qui n'avaient joué un rôle dominant dans certaines sociétés qu'exceptionnellement et tardivement.
Pour Marx en effet l'esclavage et le servage avaient été précédés par l'apparition des ordres dont il n'explique pas l'origine et qui,
en Occident, se combinèrent soit à l'esclavage, soit au servage.
Citer ce document / Cite this document :
Godelier Maurice. Ordres, classes, Etat chez Marx. In: Visions sur le développement des États européens. Théories et
historiographies de l'État moderne. Actes du colloque de Rome (18-31 mars 1990). Rome : École Française de Rome, 1993.
pp. 117-135. (Publications de l'École française de Rome, 171)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1993_act_171_1_3035MAURICE GODELIER
ORDRES, CLASSES, ÉTAT CHEZ MARX
Je remercie les organisateurs de m'avoir invité à participer à
cette rencontre bien que je ne sois pas historien et que je n'aie rien
de particulier à dire sur les conditions de la naissance de l'Etat mo
derne en Europe.
En fait, si j'ai été invité c'est parce qu'on a désiré que je porte à
votre connaissance quelques résultats d'une recherche que j'avais
faite sur les différentes significations et les usages des mots Ordre
(Stand) *, Classe (Klasse) et Etat (Staat) dans l'œuvre de Marx. A l'i
ssue de cette recherche il m'est apparu qu'il existait deux sens et deux
usages du mot classe chez Marx et que l'ignorance de cette dualité
avait entraîné beaucoup de confusion et de polémiques stériles par
mi les spécialistes des sciences sociales, aussi bien chez les histo
riens que chez les juristes, chez les anthropologues que les socio
logues.
Pour les uns, le concept de classe, conçue comme une réalité
distincte des ordres, devait éclairer les logiques profondes des socié
tés antiques et médiévales par-delà les représentations que les
membres de ces sociétés s'en faisaient. Pour les autres, au contraire,
pour rester fidèles aux faits, il fallait absolument éviter d'utiliser
dans leur analyse le concept de classe.
La bonne méthode m'a semblé de revenir aux textes mêmes de
Marx et d'établir les sens des mots d'après leurs contextes. J'ai utilisé
comme textes de référence la série des œuvres majeures depuis L'I
déologie allemande (1845-1846), Le Manifeste (1848), les Grundrisse,
la Contribution à la critique de l'Economie politique (1859) et bien sûr
les différents volumes du Capital. J'y ai ajouté Y Anti-Dühring (1877)
d'Engels mais qui comporte un chapitre sur Quesnay et les Physio-
crates, rédigé par Marx. J'ai examiné également l'Origine de la fa
mille, de la propriété privée et de l'état (1884) mais je n'en tiendrai pas
compte ici. Une remarque d'ensemble : les sens de ces mots chez
Marx sont fixés dans la période 1846-1859. On ne trouve par la suite
aucun changement notable, y compris dans le Capital.
* Stand signifie normalement état, condition et peut servir à désigner ce que
les Français ont appelé «Tiers Etat». 118 MAURICE GODELIER
Nous avons sélectionné un ensemble de citations qui font appar
aître clairement que Marx, dans certains contextes, distingue so
igneusement les deux notions d'ordre et de classe alors que dans
d'autres, appartenant aux mêmes ouvrages, il ne fait pas cette dis
tinction. De ce fait, la notion de classe chez Marx revêt un double
sens, l'un spécifique qui la distingue de la notion d'ordre et l'autre
générique (voire métaphorique) qui subsume à la fois les réalités dé
signées par la notion de classe au sens spécifique et celles que re
couvre la notion d'ordre.
L'Idéologie allemande (1845-46). Paris, Editions Sociales, 1968.
«Ce n'est que très lentement que la classe bourgeoise se forma à
partir des nombreuses bourgeoisies locales. L'opposition entre les
rapports existants et aussi le mode de travail que cette opposition
conditionnait transformèrent en même temps les conditions de vie de
chaque bourgeoisie en particulier pour en faire des de vie
communes à tous les bourgeois et indépendantes de chaque individu
isolé [. . .] Avec la liaison entre les différentes villes, ces conditions se transformèrent en conditions de classe. . .» (p. 92).
«Du seul fait qu'elle est une classe et non plus un ordre, la bour
geoisie est contrainte de s'organiser sur le plan national, et non plus
sur le plan local, et de donner une forme universelle à ses intérêts
communs» (p. 105).
«La différence de la classe avec l'ordre apparaît surtout dans l'o
pposition entre bourgeoisie et prolétariat» (p. 95).
Misère de la philosophie (1847) Paris, Editions Sociales, 1961.
«Les conditions économiques avaient d'abord transformé la
masse du pays en travailleurs. La domination du capital a créé à cette une situation commune, des intérêts communs. Ainsi
masse est déjà une classe vis-à-vis du capital, mais pas encore pour elle-
même. Dans la lutte, dont nous n'avons signalé que quelques phases,
cette masse réunie, elle se constitue en classe pour elle-même. Les in
térêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe. Mais la lutte de
classe à classe est une lutte politique.
«Dans la bourgeoisie, nous avons deux phases à distinguer : celle
pendant laquelle elle se constitua en classe sous le régime de la féodal
ité et de la monarchie absolue, et celle où, déjà constituée en classe,
elle renversa la féodalité et la monarchie, pour faire de la société une
société bourgeoise. La première de ces phases fut la plus longue et né
cessita les plus grands efforts. Elle aussi avait commencé par des coa
litions partielles contre les seigneurs féodaux.
«On a fait bien des recherches pour retracer les différentes phases
historiques que la bourgeoisie a parcourues, depuis la commune jus
qu'à sa constitution comme classe» (p. 177-178).
Manifeste du Parti communiste (1848) Paris, Editions Sociales -
édition bilingue (avec quelques modifications) : CLASSES, ÉTAT CHEZ MARX 119 ORDRES,
«La bourgeoisie est elle-même le produit d'un long processu

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