Métaphore et référence dans la poétique de Jakobson - article ; n°36 ; vol.77, pg 509-527
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Métaphore et référence dans la poétique de Jakobson - article ; n°36 ; vol.77, pg 509-527

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1979 - Volume 77 - Numéro 36 - Pages 509-527
Can the referential function of language as it appears in the poetics of R. Jakobson be reconciled with the phenomenological attitude according to which language always knows itself as related to the « thing itself »? In such a way that the reference would permit one, within the polysemy inherent to language, to ground specific discourses, including that of philosophy.
Combining the notion of doubled reference, which according to Jakobson pertains to the poetic aspect of language, with the distinction of two levels of analysis — semiotics and semantics — which E. Benveniste defends, P. Ricoeur considers that the metaphor, if it is putting aside of meaning on the level of system, is, on the level of discourse, that which allows language to situate itself in regard to isotopes of different meaning.
Can one maintain on the one hand the essential ambiguity of language — its openness to itself — and, on the other hand, affirm a surpassing of meaning, and hence a mastery of polysemy, without laying down in advance a positivity, an Identity, which annuls by right this ambiguity and sucks in the metaphor in its reduction to a Same?
It would seem that Jakobson's doubling of the reference is sollicited in the sense of a surpassing towards a surplus which is the negation of it. Can one clear phenomenology of all suspicion of idealism?
La fonction référentielle du langage telle qu'elle apparaît dans la poétique de R. Jakobson est-elle conciliable avec l'attitude phénoménologique selon laquelle le langage se sait toujours rapporté à la « chose même »? De sorte que la référence permettrait, au sein de la polysémie inhérente au langage, de fonder des discours spécifiques, dont celui de la philosophie.
Combinant la notion de référence dédoublée, qui appartient selon Jakobson à l'aspect poétique du langage, avec la distinction de deux niveaux d'analyse — le sémiotique et le sémantique — que défend E. Benveniste, P. Ricœur estime que la métaphore, si elle est écart de sens au niveau du système, est, au niveau du discours, ce qui permet au langage de se situer par rapport à des isotopies de sens différents.
Peut-on maintenir d'une part l'ambiguïté essentielle du langage — son ouverture à lui-même — et, d'autre part, affirmer un dépassement de sens, et donc une maîtrise de la polysémie, sans poser à l'avance une positivité, une Identité, qui annule en droit cette ambiguïté et aspire la métaphore dans sa réduction à un Même? II semblerait que le dédoublement jakobsonnien de la référence soit sollicité dans le sens d'un dépassement vers un surplus qui en est la négation. Peut-on affranchir la phénoménologie de tout soupçon d'idéalisme?
19 pages

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Luce Fontaine-De Visscher
Métaphore et référence dans la poétique de Jakobson
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 77, N°36, 1979. pp. 509-527.
Citer ce document / Cite this document :
Fontaine-De Visscher Luce. Métaphore et référence dans la poétique de Jakobson. In: Revue Philosophique de Louvain.
Quatrième série, Tome 77, N°36, 1979. pp. 509-527.
doi : 10.3406/phlou.1979.6070
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1979_num_77_36_6070Abstract
Can the referential function of language as it appears in the poetics of R. Jakobson be reconciled with
the phenomenological attitude according to which language always knows itself as related to the « thing
itself »? In such a way that the reference would permit one, within the polysemy inherent to language, to
ground specific discourses, including that of philosophy.
Combining the notion of doubled reference, which according to Jakobson pertains to the poetic aspect
of language, with the distinction of two levels of analysis — semiotics and semantics — which E.
Benveniste defends, P. Ricoeur considers that the metaphor, if it is putting aside of meaning on the
level of system, is, on the level of discourse, that which allows language to situate itself in regard to
isotopes of different meaning.
Can one maintain on the one hand the essential ambiguity of language — its openness to itself — and,
on the other hand, affirm a surpassing of meaning, and hence a mastery of polysemy, without laying
down in advance a positivity, an Identity, which annuls by right this ambiguity and sucks in the metaphor
in its reduction to a Same?
It would seem that Jakobson's doubling of the reference is sollicited in the sense of a surpassing
towards a surplus which is the negation of it. Can one clear phenomenology of all suspicion of idealism?
Résumé
La fonction référentielle du langage telle qu'elle apparaît dans la poétique de R. Jakobson est-elle
conciliable avec l'attitude phénoménologique selon laquelle le langage se sait toujours rapporté à la «
chose même »? De sorte que la référence permettrait, au sein de la polysémie inhérente au langage,
de fonder des discours spécifiques, dont celui de la philosophie.
Combinant la notion de référence dédoublée, qui appartient selon Jakobson à l'aspect poétique du
langage, avec la distinction de deux niveaux d'analyse — le sémiotique et le sémantique — que défend
E. Benveniste, P. Ricœur estime que la métaphore, si elle est écart de sens au niveau du système, est,
au niveau du discours, ce qui permet au langage de se situer par rapport à des isotopies de sens
différents.
Peut-on maintenir d'une part l'ambiguïté essentielle du langage — son ouverture à lui-même — et,
d'autre part, affirmer un dépassement de sens, et donc une maîtrise de la polysémie, sans poser à
l'avance une positivité, une Identité, qui annule en droit cette ambiguïté et aspire la métaphore dans sa
réduction à un Même? II semblerait que le dédoublement jakobsonnien de la référence soit sollicité
dans le sens d'un dépassement vers un surplus qui en est la négation. Peut-on affranchir la
phénoménologie de tout soupçon d'idéalisme?Métaphore et référence
dans la poétique de Jakobson
L'amplitude, la profondeur, la diversité des recherches de R.
Jakobson ne cessent d'émerveiller quiconque jette un regard rétrospectif
sur l'étonnante activité de ce savant venu de l'Est, et qui a fécondé tant de
courants de la pensée occidentale du langage, tant en Europe qu'aux
États-Unis.
L'étude récente de P. Ricœur sur la métaphore1, qui recueille une
série de leçons du maître de la phénoménologie française, est un nouveau
témoignage de l'apport de la linguistique du Cercle de Prague, que
Jakobson incarne d'ailleurs d'une manière très personnelle par rapport
au positivisme qui le marqua à ses débuts. P. Ricœur poursuit ainsi le
dialogue avec les sciences du langage inauguré par Merleau-Ponty, et il
faut admirer la compétence et la richesse d'information avec lesquelles il
rend à la philosophie l'incomparable service de vivifier le contact avec les
sciences humaines, dans ce domaine si controversé de la linguistique.
Rappelons brièvement le thème et le parcours de l'ouvrage de P.
Ricœur, afin de situer la rencontre avec Jakobson, et le parti que l'auteur
va s'efforcer d'en tirer au bénéfice de la phénoménologie.
D'abord pourquoi la question de la métaphore? Pourquoi a-t-elle
un tel impact philosophique? Parce que le structuralisme constitue la
menace pour tout langage de se trouver enfermé dans une structure
relative, et donc pour le discours philosophique d'apparaître comme une
métaphore parmi d'autres. Le but de Ricœur est, d'une part, de rendre
justice à une théorie de la métaphore comme processus essentiel de
langage; et, d'autre part, de nous montrer que nous n'avons rien à
craindre pour le discours spéculatif; bien au contraire, la métaphoricité
du langage est la condition de sa polysémie, c'est donc elle qui nous
permet de créer des niveaux, des surplus de sens ; et donc, finalement, de
maîtriser le sens, tout en restant, au niveau du système, pris dans une
structure de signes. On reconnaît ici le schéma sur lequel P. Ricœur s'est
1 P. Ricœur, La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975. 510 Luce Fontaine-De Visscher
expliqué à maintes reprises : si l'on veut éviter l'équivoque latente dans
beaucoup de théories linguistiques, il faut distinguer deux niveaux de
description du langage: celui du système et celui de l'emploi du système2.
La question que nous voudrions poser est celle-ci: la pensée du
langage qui habite le structuralisme linguistique est-elle vraiment conci-
liable avec la phénoménologie? Peut-on lui emprunter impunément le
bénéfice de son expérience sans compromettre une certaine idée de la
philosophie comme discours spécifique? Peut-on vraiment tenir les deux
bouts de la chaîne? Et transporter tranquillement la métaphore dans
l'Être?
Parti d'Aristote et de l'ancienne rhétorique, P. Ricœur nous montre,
au cours d'un long et sinueux itinéraire, comment la métaphore paraît
cristalliser toutes les figures de style en tant que «figure» au sens
eminent, se révélant ainsi une possibilité essentielle du langage. Mais au
cours du temps la longue décadence de la rhétorique fera perdre de vue la
profondeur et l'impact philosophique du problème, et la métaphore se
trouvera rangée pour des siècles parmi les «figures de style», c'est-à-dire
les procédés, les ornements qui font les discours efficaces ou le langage
recherché des poètes. Ce procédé c'est, pour la métaphore, la substitution
de mots, l'écart qui produit un effet de sens. Et la métaphore ne sera plus
étudiée que dans cette perspective étroite du «mot mis pour un autre»,
quoique quelques précurseurs, au xvne siècle comme Dumarsais3, entre
virent qu'elle réclamait le champ descriptif plus large du discours ou tout
au moins de la phrase. Cette superficialité se retrouverait pour une bonne
part chez les tenants de la «nouvelle rhétorique», et — selon Ricœur —
même Jakobson n'y échappe qu'en partie.
On appréciera la savante patience avec laquelle le philosophe
poursuit son voyage à travers quantité d'auteurs anciens et modernes,
que nous n'énumérerons pas ici pour ne pas alourdir l'exposé, et nous
nous limiterons à traiter seulement de l'aspect philosophique de la
question prise sous un certain angle. Mais nous voudrions néanmoins
souligner comment un œil attentif peut déceler comme en filigrane une
thèse toujours présente dont l'auteur poursuit inlassablement la fonda
tion en faisant flèche de tout bois, non sans d'ailleurs la plus grande
2 On verra plus loin comment E. Benveniste vient à point nommé lui apporter son
appui.
3 Retenu aussi par Tz. Todorov, cfr O. Ducrot et Tz. Todorov, Dictionnaire des
sciences encyclopédiques du langage, Paris, Seuil, 1972, art. «Figures», p. 349. et référence dans la poétique de Jakobson 51 1 Métaphore
honnêteté intellectuelle; et l'on ne sait si l'on doit admirer davantage chez
lui l'habileté ou l'amour de la philosophie.
Parmi toutes ces savantes conversations, nous en

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents