Modernité et postmodernité: un enjeu politique? - article ; n°81 ; vol.89, pg 84-112
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1991 - Volume 89 - Numéro 81 - Pages 84-112
29 pages

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Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 46
Langue Français
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André Berten
Modernité et postmodernité: un enjeu politique?
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89, N°81, 1991. pp. 84-112.
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Berten André. Modernité et postmodernité: un enjeu politique?. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89,
N°81, 1991. pp. 84-112.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1991_num_89_81_6673II. La modernité
Modernité et postmodernité: un enjeu politique?
Le débat sur la «postmodernité» est un débat confus dans la
mesure ou le terme de est utilisé dans des contextes et
avec des acceptions très différents. On pourrait dire néanmoins que
cette confusion est liée à une autre, plus profonde, qui concerne
l'interprétation du sens de la modernité. Si ce qui est «postmoderne» se
définit, en effet, comme ce qui vient après le moderne, cela laisse
entendre une certaine «fin de la modernité» et nous devons nous
demander en quel sens il y a effectivement une «fin de la modernité».
Le présent article ne prétend pas résoudre ces questions. Il se situe dans
la ligne de la critique du modèle industriel de développement et
voudrait éclairer latéralement quelques unes des questions qui ont été
posées sur la société post-industrielle et relever certains aspects de la
critique contemporaine du libéralisme et de la rationalité.
La critique de la modernité a pris, en effet, des formes très
différentes. Que l'on pense aux diverses figures du traditionalisme, du
romantisme, du nietzschéisme, de l'heideggérianisme, etc. D'un point de
vue socio-politique, on peut dire que les deux grandes cibles des
critiques de la modernité furent l'hégéliano-marxisme et la pensée
individualiste-libérale. Ce qui unit ces deux versants de la
moderne, c'est, d'une part, une croyance dans le «progrès» rationnel
(qu'il soit économique, politique, social, culturel ou éthique). C'est
d'autre part une confiance de principe dans les capacités de l'homme —
de l'individu ou de la collectivité — de gérer son destin. La pensée
postmoderne peut alors être définie comme une pensée qui a renoncé
aux philosophies de l'histoire et une critique de toutes les
formes de philosophie du «sujet», individuel et collectif.
En ce sens, on peut opérer un rapprochement entre la critique
communautarienne de la modernité et les critiques postmodernes. C'est Modernité et postmodernité: un enjeu politique? 85
ce que remarque par exemple Seyla Benhabib: «Je voudrais suggérer
que la critique communautarienne du libéralisme, qui a été articulée
avec tant de force dans les pays anglo-saxons ces dernières années,
trouve sa source dans le même sentiment de désenchantement envers le
projet de la modernité que la critique postmoderniste du marxisme sur
le Continent»1. Elle ajoute: «Les communautariens affirment que la
conception libérale du progrès historique est illusoire et que l'histoire a
apporté avec elle des pertes irréversibles, par exemple celle d'un sens
cohérent de la communauté et d'un vocabulaire moral qui faisait partie
d'un univers social partagé. Dans la même veine, les postmodernistes
affirment qu'il n'y a pas de 'métarécits' de l'histoire qui racontent
l'histoire du Geist ou du prolétariat, de la liberté ou d'une émancipation
humaine continue»2.
Une des sources de la réflexion contemporaine sur la postmodern
ité est le jugement de l'un des grands analystes de la modernité: Max
Weber. Le de Weber sur la modernité est un jugement pour le
moins ambigu, dans la mesure où l'analyse percutante des progrès de la
rationalité dans la modernité occidentale s'accompagne d'une analyse
non moins significative du «désenchantement» du monde et d'un
pessimisme sur l'avenir de nos sociétés occidentales. On pourrait dire,
en ce sens, que Weber prophétisa en quelque sorte un monde que les
postmodernes se contentent d'analyser. Weber s'interrogeait en effet sur
l'avenir du capitalisme et constatait que les motivations religieuses qui
avaient été à l'origine de l'éthique de la besogne avaient disparu. Ce qui
ne porte pas à conséquence pour l'avenir du système économique
puisque «le capitalisme vainqueur n'a plus besoin de ce soutien depuis
qu'il repose sur une base mécanique»3. En tant que système écono
mique, le est devenu un système contraignant, une «cage
d'acier». Et Weber d'ajouter: «Nul ne sait encore qui, à l'avenir,
1 Seyla Benhabib, «Autonomy, Modernity, and Community. Communitarian and
Critical Social Theory in Dialogue» in Honneth Axel, McCarthy Thomas, Offe Claus,
Wellmer Albrecht, (eds), Zwischenbetrachtung. Im Prozefi der Aufklàrung. Jiirgen Haber-
mas zum 60. Geburtstag, Frankfurt/M., Suhrkamp Verlag, 1989, pp. 373-394 (ici, p. 373).
2 O.c, pp. 373-374. Sur les critiques communautariennes de la modernité, on
pourra lire, dans cette même série: Iroegbu Pantaleon O., La pensée de John Rawls face
au défi communautarien, Rapport CMID 28, Louvain-la Neuve, Institut Supérieur de
Philosophie, 1989.
3 Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, trad, de l'allemand
par J. Chavy, Paris, Pion, 1964, p. 250. 86 André Berten
habitera la cage, ni si, à la fin de ce processus gigantesque, apparaîtront
des prophètes entièrement nouveaux, ou bien une puissante renaissance
des penser et des idéaux anciens, ou encore — au cas où rien de cela
n'arriverait — une pétrification mécanique, agrémentée d'une sorte de
vanité convulsive. En tout cas, pour les 'derniers hommes' de ce
développement de la civilisation, ces mots pourraient se tourner en
vérité: 'spécialistes sans vision et voluptueux sans cœur — ce néant
s'imagine avoir gravi un degré de l'humanité jamais atteint jusque-là'»4.
Depuis la seconde guerre mondiale, les analyses sociologiques et
socio-économiques se sont multipliées qui tentent de rendre compte des
modifications essentielles que le modèle industriel de développement a
connues dans tous les domaines, que ce soit celui de l'évolution
technique, des relations économiques, des mentalités ou des idéologies5.
Rappelons seulement quelques jalons dans ce champ de recherche.
Un ouvrage pionnier fut certainement celui de David Riesman6
qui, à partir de recherches menées en 1948-1949, diagnostiquait
qu'après le passage des sociétés traditionnelles à la société industrielle
moderne, nous étions en voie de passer à une troisième forme de
société. Riesman se plaçait essentiellement au niveau de ce qu'il appelait
le «caractère social» et proposait une sorte de sociologie des mentalités.
Il décrivait le passage d'un caractère «intro-dé terminé» (correspondant
au capitalisme d'entreprise et de concurrence) à un caractère «extro-
déterminé» (correspondant à un capitalisme d'organisation). Quelles
que soient les critiques méthodologiques que l'on puisse faire à son
ouvrage, le style de ses analyses fut destiné à faire école et, sans aucun
doute, on en retrouve non seulement l'inspiration fondamentale, mais
aussi souvent des éléments identiques de contenu, dans des ouvrages,
d'inégale valeur, comme ceux de Daniel Bell7, Marshal Me Luhan8,
John Kenneth Galbraith9, Alvin Toffler10, Charles Reich11, Christo-
54 Cfr. O.c, ici p. même, 251. André Berten, «Le modèle industriel comme modèle énergétique».
6 David Riesman, The Lonely Crowd, trad. fr. La foule solitaire. Anatomie de la
société moderne, Paris, Arthaud, 1964.
7 Daniel Bell, La société post-industrielle, trad. P. Andler, Paris, Laffont, 1973; Les
contradictions culturelles du capitalisme, trad. M. Matignon, Paris, PUF, 1979.
8 Marshal McLuhan, The Gutenberg Galaxy, 1962, trad, fr., La Galaxie Gutenberg
face à l'ère électronique, Paris, Marne, 1967.
9 John Kenneth Galbraith, The New Industrial State, 1967, trad.fr. Le nouvel Etat
industriel, Essai sur le système économique américain, Paris, Gallimard, 1968.
10 Alvin Toffler, Le choc du futur, trad. S. Roche, Paris, Denoël, 1971.
11 Charles Reich, Le regain américain, tr

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