Pour une sociologie historique de la quantification
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L’Argument statistique I
Pour une sociologie
historique de la quantification COLLECTION SCIENCES SOCIALES
Responsable de la collection : Cécile Méadel
Centre de sociologie de l’innovation (http://www.csi.ensmp.fr/)
cecile.meadel@ensmp.fr
Dans la même collection
Alain Desrosières
Gouverner par les nombres
L’Argument statistique II
Frédéric Le Play et ses élèves
La naissance de l'ingénieur social.
Anthologie préparée par Frédéric Audren et Antoine Savoye
Frédéric Le Play, Parcours, audience, héritage
Coordonné par Antoine Savoye et Fabien Cardoni
Sous la direction d’Anne-France de Saint Laurent Kogan et Jean Louis Metzger
Où va le travail à l’ère du numérique
Bruno Latour,
Chroniques d’un amateur de sciences
Madeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour,
Sociologie de la traduction. Textes fondateurs
Vololona Rabeharisoa, Michel Callon
Le pouvoir des malades
Sophie Dubuisson et Antoine Hennion
Le design : l’objet dans l’usage
Philippe Larédo
L'impact en France des programmes communautaires de recherche
2 Alain Desrosières
Pour une sociologie
historique de la quantification
L’Argument statistique I © Presses de l’Ecole des mines, 2008
60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France
email : presses@ensmp.fr
http://www.ensmp.fr/Presses
© Photo de couverture : D. AKRICH.
ISBN : 978-2-35671-002-4
Dépôt légal : 2008
Achevé d’imprimer en 2008 (Paris)
Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays.
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L’Argument statistique IPour une sociologiehistorique de la quantification
COLLECTION SCIENCES SOCIALESResponsable de la collection : Cécile MéadelCentre de sociologie de l’innovation (http://www.csi.ensmp.fr/)cecile.meadel@ensmp.frDans la même collectionAlain DesrosièresGouverner par les nombresL’Argument statistique IIFrédéric Le Play et ses élèvesLa naissance de l'ingénieur social.Anthologie préparée par Frédéric Audren et Antoine SavoyeFrédéric Le Play, Parcours, audience, héritageCoordonné par Antoine Savoye et Fabien CardoniSous la direction d’Anne-France de Saint Laurent Kogan et Jean Louis MetzgerOù va le travail à l’ère du numériqueBruno Latour,Chroniques d’un amateur de sciencesMadeleine Akrich, Michel Callon, Bruno Latour,Sociologie de la traduction. Textes fondateursVololona Rabeharisoa, Michel CallonLe pouvoir des maladesSophie Dubuisson et Antoine HennionLe design : l’objet dans l’usagePhilippe LarédoL'impact en France des programmes communautaires de recherche2
Alain DesrosièresPour une sociologiehistorique de la quantificationL’Argument statistique I
© Presses de l’Ecole des mines, 200860, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - Franceemail : presses@ensmp.frhttp://www.ensmp.fr/Presses© Photo de couverture : D. AKRICH.ISBN : 978-2-35671-002-4Dépôt légal : 2008Achevé d’imprimer en 2008 (Paris)Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays.4
SommairePour une sociLolAorggiuem heinstt sotraitqisutieq udee  Ila quantification1. La statistique, outil de gouvernement et outil de preuve. Introduction2. L’histoire de la statistique comme genre : styles d’écriture et usagessociaux3. Historiciser l’action publique : l’État, le marché et les statistiques.4. Pour une politique des outils du savoir : le cas de la statistique5. Discuter l’indiscutable. Raison statistique et espace public6. Du singulier au général : l’argument statistique entre la science et l’État7. Classer et mesurer : les deux faces de l’argument statistique8. L'opposition entre deux formes d’enquête : monographie et statistique9. Entre réalisme métrologique et conventions d’équivalence : lesambiguïtés de la sociologie quantitative10. Peut-on tout mesurer ? Les deux sens, technique et social, du verbepouvoir11. Refléter ou instituer. L’invention des indicateurs statistiques12. Comment fabriquer un espace de commune mesure. Harmonisation desstatistiques et réalisme de leurs usages13. Les recherches de Ian Hacking sur l’histoire des usages des probabilitéset des statistiques dans le raisonnement inductif14. Quetelet et la sociologie quantitative : du piédestal à l’oubli15. L’ingénieur d’État ou le père de famille : Émile Cheysson et la statistique16. Bourdieu et les statisticiens. Une rencontre improbable et ses deuxhéritages5
Pour une sociologie historique de la quantificationGoLuvAergrunemre npta srt alteisst inqouem IbIres1. Les mots et les nombres : pour une sociologie de l'argument statistique2. L'administrateur et le savant. Les métamorphoses du métier destatisticien3. Naissance d'un nouveau langage statistique entre 1940 et 19604. Le territoire et la localité. Deux langages statistiques5. Enquêtes versus registres administratifs. Les deux sources de lastatistique publique6. Les qualités des quantités7. La commission et l'équation. Une comparaison des Plans français etnéerlandais entre 1945 et 19808. Du travail à la consommation. L’évolution des usages des enquêtes surle budget des familles9. Démographie, science et société. Le cas français10. Du réalisme des objets de la comptabilité nationale11. Éléments d’histoire d’une Grande École, l’ENSAE12. L’État et la formation des classes sociales. Quelques particularitésfrançaises6
Chapitre 1 La statistique, outil de gouvernementet outil de preuveIntroductionLe gouvernement des hommes et la mise en scène de la nature par lessavants ont, l'un et l'autre, beaucoup recours à l'argument statistique. Laquantification, signe d'objectivité, de rigueur et d'impartialité, est mobilisée dansdes situations fort variées. Pour le sociologue et l’historien des rapports entresciences et sociétés, la statistique est un objet original. De par la grandepluralité des acceptions et des usages de ce mot, elle se prête à des lecturestrès différentes, mais l’articulation de ces lectures est au cœur des questions lesplus intéressantes soulevées par la nouvelle sociologie des sciences. Commentcomprendre, en effet, qu'elle soit convoquée tantôt comme un « outil degouvernement », depuis le XVIIIe siècle (Foucault, 2004), tantôt comme un« outil de preuve », depuis le XIXe siècle, avec le développement de la statistiquemathématique et son association de plus en plus étroite avec le calcul desprobabilités (Stigler, 1986) ? Qu'y a-t-il de commun entre, d'une part, la Statistikallemande, « science de l'État », descriptive, peu quantitative, rassemblant lessavoirs utiles au Prince, et d'autre part, la statistique inférentielle, une branchespécialisée des mathématiques, utilisée pour induire, tester et généraliser desconnaissances à partir de faits observés, dans les sciences de la nature commedans les sciences sociales ? Comment comprendre qu’un même mot, statistique,évoque pour les uns la simple quantification (la transformation de mots ennombres), et pour d’autres l’idée de grands nombres et de régularitéstendancielles appuyées sur le calcul des probabilités (phénomènes aléatoires, ou7
Pour une sociologie historique de la quantificationstochastiques) ? Seule l'histoire des va-et-vient, inextricablement sociaux,politiques et cognitifs, des activités humaines qui se sont appuyées sur une« statistique », dont le sens et le contenu ont évolué avec le temps, permet decomprendre cette multiplicité.Cette histoire est maintenant bien documentée, notamment depuis 1983quand une équipe interdisciplinaire l'a travaillée pendant un an, à Bielefeld enAllemagne, à partir de son versant scientifique et probabiliste (plutôt quepolitique), sous le titre La Révolution probabiliste (Daston, 1989 ; Gigerenzeret alii, 1989 ; Porter, 1986 ; Hacking, 1990 ; Morgan, 1990). Le réseau dechercheurs alors constitué a produit nombre de travaux importants. Cependant,de cette histoire, le groupe de Bielefeld a moins traité le versant« gouvernementalité » que son versant scientifique. Michel Foucault en avaitesquissé les prémisses dans ses Cours de 1977-1978 au Collège de France,publiés en 2004. Plus tard, des spécialistes de sciences politiques, des historienset des sociologues ont commencé à voir dans la statistique autre chose qu'unoutil, neutre, incontournable, indiscutable, et de ce fait ni historicisé niproblématisé puisque l'efficacité supposée de l'argument statistique semblaitreposer sur cette intemporalité (voir par exemple : Anderson, 1988 ; Brian,1994 ; Porter, 1995 ; Szreter, 1996). Des politistes comme Pierre Lascoumes etPatrick Le Galès (2004) ont prôné cette démarche sous le titre : Gouverner parles instruments, mais peu de recherches impliquant les formalismes et lesmécanismes eux-mêmes de ces instruments ont été menées dans cetteperspective de gouvernementalité. Les essais présentés dans ces deux volumes,sous le titre L’Argument statistique, ont été écrits (et pour la plupart déjàpubliés) dans des circonstances et pour des publics très variés. Ils sont repris ici,avec l'aimable autorisation de leurs premiers éditeurs, tels qu'ils avaient étéprésentés entre 1985 et 2007. Une introduction nouvelle rassemble quelques filsconducteurs qui les parcourent.Il y a plusieurs explications au divorce apparent entre les deux histoires,cognitive et politique, de la statistique. La spécialisation des disciplines, l'imaged'un outil mathématique hautement formalisé et donc supposé inaccessible auxchercheurs non formés pour cela, ont de fait contrarié, sinon interdit,l'interpénétration fine entre ces approches. Par ailleurs, les sciences socialesquantitatives, à commencer par l'économie, ont, en s'emparant des outils de lastatistique inférentielle à partir des années 1940, paradoxalement freiné ceteffort de réflexivité. Elles ont érigé, sous le nom de « méthodologie », des8
Introductioncatalogues normatifs de supposées « bonnes pratiques », boîtes à outilsenseignées aux étudiants dans des cours obligatoires mais souvent ennuyeux,car coupés des controverses qui ont émaillé l'histoire de ces outils. L'avènementdes logiciels informatiques prêts à l'emploi n'a rien arrangé.J'ai publié en 1993 un livre, La Politique des grands nombres. Histoire de laraison statistique (La Découverte), sur une histoire (avant 1945) de ces sujets. Ilse voulait, d'une part, une présentation au public francophone et une lecture desrecherches publiées en anglais (telles que celles du groupe de Bielefeld), etd'autre part une reprise de travaux menés en France dans le cadre de l'INSEE,dès les années 1970, sur l'histoire de la statistique du point de vue des bureauxde statistique, des recensements, des enquêtes et des nomenclatures (INSEE,1977). Cet aspect avait été peu traité par les travaux en anglais. Ce livreessayait de pointer les moments où ces deux traditions, institutionnelle etmathématique (notamment probabiliste) s’étaient rencontrées. Mais il n'abordaitpresque pas la période postérieure à 1945 : une étude des développements dela statistique, tant administrative (les anglophones disent official), quemathématique et de ses nombreux usages scientifiques, depuis cette date, seraità faire, bien que démesurée.Divers articles, portant notamment sur la sociologie des usages de lastatistique publique, sont présentés ici. Ils sont rassemblés, pour inaugurer unesérie intitulée L'Argument statistique, en deux volumes, respectivement I : Pourune sociologie historique de la quantification, et II : Gouverner par les nombres.Le premier regroupe des textes plutôt théoriques sur les conditions sociales etles effets de la quantification. Le second contient des études de cas plusprécises, sur la production et les usages des statistiques publiques, en termes degouvernementalité. Le tri entre ces deux volumes est néanmoins assezarbitraire, et nombre de thèmes sont communs aux deux, ainsi regroupés autourde l’idée d’argument statistique, puisqu’il est bien vrai que c’est en tant quepièce argumentative incluse dans des dispositifs plus vastes que la statistiqueprend sens. La grande variété de ces dispositifs donne son relief à la sociologiede la statistique, qui n'est ainsi plus vue seulement à travers son rôle ancillairede méthodologie et de savoir-faire.Les controverses sur les usages des statistiques sont de deux types. Les unesportent sur le fait même de quantifier, de commensurer, de mettre enéquivalence. Les autres, fort différentes, portent sur la légitimité de l’application9
Pour une sociologie historique de la quantificationde la loi des grands nombres, de l’usage des moyennes, du calcul desprobabilités et de la statistique mathématique inférentielle. Cette introductionévoque quelques-unes de ces controverses, dont la récurrence traverse l’histoiredes statistiques. Elles portent soit sur l’aspect quantification (conventionsd’équivalence, commensuration), soit sur l’aspect loi des grands nombres etprobabilité. D’une certaine façon, le modèle de l’urne de Bernoulli (1713), repriset transporté dans les sciences de l’homme par Adolphe Quetelet dans lesannées 1830, établit cependant un lien entre ces deux façons de penser lastatistique, puisque, avant de tirer des boules dans une urne, il faut avoirconvenu du choix des boules à y inclure, et de la nomenclature de leurscouleurs. QUANTIFIER, CEST CONVENIR PUIS MESURER1Pourquoi avoir choisi pour titre du premier volume l’expression « sociologiehistorique de la quantification » ? Ce dernier terme inclut nombre d’autrespratiques que celle de la statistique, notamment la comptabilité d’entreprise 2.Une grille de lecture des procédures de quantification, puis de leurs effetscognitifs et sociaux, est proposée ici. Elle s’écarte quelque peu de l’épistémologienaïvement réaliste, issue des sciences de la nature, qui prévaut souvent dans lessciences sociales et dans les usages sociaux des statistiques. Il faut en effetdistinguer deux idées, trop souvent confondues, celle de quantification et cellede mesure. Le verbe quantifier est employé ici dans un sens large : exprimer etfaire exister sous une forme numérique ce qui, auparavant, était exprimé pardes mots et non par des nombres. En revanche, l’idée de mesure, inspirée del’épistémologie traditionnelle des sciences de la nature, implique que quelquechose existe sous une forme déjà mesurable selon une métrologie réaliste,comme la hauteur de la Tour Eiffel. Dans le cas des sciences sociales ou del’évaluation des actions publiques, l’emploi immodéré du verbe mesurer induit enerreur, en laissant dans l’ombre les conventions de la quantification. Le verbequantifier, dans sa forme active (faire du nombre), suppose que soit élaborée et                                             1 Ce paragraphe reprend en partie un développement figurant dans un texte publié dans unouvrage collectif du Centre Cournot (Desrosières 2007), non repris ici.2 Une comparaison sommaire entre statistique et comptabilité est proposée dans le chapitre 12du volume I. Par ailleurs, une étude plus approfondie des spécificités de ces deux démarchesfigure dans l’article de Chiapello et Desrosières (2006), non repris ici.10
Introduction explicitée une série de conventions d’équivalences préalables3, impliquant descomparaisons, des négociations, des compromis, des traductions, desinscriptions, des codages, des procédures codifiées et réplicables, et des calculsconduisant à la mise en nombre. La mesure proprement dite vient ensuite,comme mise en œuvre réglée de ces conventions. De ce point de vue, laquantification se décompose en deux moments : convenir et mesurer.L’usage du verbe quantifier attire l’attention sur la dimension, socialement etcognitivement créatrice, de cette activité. Celle-ci ne fournit pas seulement unreflet du monde (point de vue usuel), mais elle le transforme, en lereconfigurant autrement. Cette distinction entre quantifier et mesurer n’est pas« relativiste » au sens péjoratif parfois attribué à ce mot. Elle vise à sépareranalytiquement deux moments historiquement et socialement distincts, commeon le voit avec des exemples comme « l’intelligence », quand fut imaginé le« quotient intellectuel », « l’opinion » quand apparurent les enquêtes parsondage de type « Gallup », ou les débats plus récents sur la quantification deseffets de l’action publique. L’invention, au XVIIe siècle, de la notion de probabilité,pour quantifier l’incertain au moyen d’un nombre compris entre 0 et 1, en a étéun illustre précédent. La « réalité » et le statut ontologique de ce concept ontété longtemps discutés, notamment par Cournot (1843), dont la distinction entreprobabilité objective et subjective a été une façon habile de répondre à ce défiépistémologique.Le soupçon de relativisme peut émerger de ce que l’existence réelle del’objet, antérieurement à sa mesure, est mise en doute par certains, pour qui ceserait la mesure elle-même qui créerait l’objet. L’intelligence serait « ce qui estmesuré par les tests du QI ». L’opinion serait « ce qui est mesuré par lessondages d’opinion ». L’hypothèse retenue ici est que la quantification, entenduecomme l’ensemble formé des conventions socialement admises et desopérations de mesure, crée une nouvelle façon de penser, de représenter,d’exprimer le monde et d’agir sur lui. La question récurrente de savoir si unestatistique « reflète plus ou moins bien la réalité » est un raccourci trompeur,contaminé par le réalisme métrologique des sciences de la nature. La statistique,                                             3 Cette notion, sociale et logique, de convention d’équivalence, doit notamment à des travauxdéjà anciens de Bruno Latour (1984) dans le supplément Irréductions au livre sur Pasteur, et deLaurent Thévenot (1983).11
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