Prière et rhétorique en Grèce ancienne - article ; n°1 ; vol.6, pg 147-165
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Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1991 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 147-165
Prière et Rhétorique en Grèce Ancienne (pp. 147-165)
II a longtemps été admis que la prière grecque se pliait à un plan tripartite pour ainsi dire obligé (invocation; arguments; requête), volontiers qualifié de liturgique. Il est vrai que l'épopée offre nombre de prières organisées selon ces trois rubriques . Mais cet usage fréquent doit être relié à des habitudes de la rhétorique, et non à une prétendue nécessité cultuelle: outre que les textes ultérieurs préfèrent souvent une organisation plus souple, on constate que même dans les poèmes homériques, tous les discours tripartites ne sont pas des prières, et toutes les prières ne sont tripartites. Enfin, les prières authentiquement cultuelles ne le sont jamais. Aussi faut-il plutôt mettre ce plan, relevant du souci de persuader (cf. ordre des parties du discours selon Aristote), au compte d'une relation entre prière et plaidoyer.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 83
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Danièle Aubriot
Prière et rhétorique en Grèce ancienne
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 6, n°1-2, 1991. pp. 147-165.
Résumé
Prière et Rhétorique en Grèce Ancienne (pp. 147-165)
II a longtemps été admis que la prière grecque se pliait à un plan tripartite pour ainsi dire obligé (invocation; arguments; requête),
volontiers qualifié de "liturgique". Il est vrai que l'épopée offre nombre de prières organisées selon ces trois rubriques . Mais cet
usage fréquent doit être relié à des habitudes de la rhétorique, et non à une prétendue nécessité cultuelle: outre que les textes
ultérieurs préfèrent souvent une organisation plus souple, on constate que même dans les poèmes homériques, tous les discours
tripartites ne sont pas des prières, et toutes les prières ne sont tripartites. Enfin, les prières authentiquement cultuelles ne le sont
jamais. Aussi faut-il plutôt mettre ce plan, relevant du souci de persuader (cf. ordre des parties du discours selon Aristote), au
compte d'une relation entre prière et plaidoyer.
Citer ce document / Cite this document :
Aubriot Danièle. Prière et rhétorique en Grèce ancienne. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 6, n°1-2,
1991. pp. 147-165.
doi : 10.3406/metis.1991.967
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1991_num_6_1_967PRIÈRE ET RHÉTORIQUE EN GRÈCE ANCIENNE
(jusqu'à la fin du Vème s. av. J.-C): quelques jalons*
Introduction
II a longtemps été admis que la prière grecque se pliait à un plan pour ainsi
dire obligé, composé de trois parties: invocation, arguments (consistant le
plus souvent en un rappel de relations antérieures ou en une promesse
d'offrandes à venir); requête. Certains sont allés jusqu' à qualifier ce plan
tripartite de "canonique" ou de "liturgique". L. Ch. Muellner a même
prétendu que le sens de εύχομαι était intrinsèquement lié à cette structure,
et que εύχομαι signifiait "prononcer un discours ternaire", dont le schéma
original aurait été le schéma par excellence de la prière1. A des degrés
divers, ces différentes analyses induisaient à penser que la prière grecque
offrait, avec cette organisation tripartite, un modèle spécifique d'él
oquence sacrée.
* Cet article constitue la rédaction d'un exposé présenté devant les membres de
l'Association Pro Latinitate lors du colloque Parole sacrée, parole profane, qui s'est tenu
à Luxembourg en juin 1990: une version très abrégée de cette communication a été
publiée dans les Actes de ce colloque, éd. Rosemarie Kieffer, Luxembourg, 1991. En
revanche, le texte représente une synthèse de recherches exposées dans mon livre Prière
et conceptions religieuses en Grèce ancienne, Lyon 1992.
1. La bibliographie de cette question est immense: qu'on me permette, pour gagner de
la place, de renvoyer à mon livre. Citons cependant, entre autres, C. Ausfeld, "De Grae-
corum precationibusquaestiones", Jahrb. f. klass. Philol., Suppl. Bd. 28, Leipzig, 1903,
pp. 505-547: pp. 514-515; F. Schwenn, Gebet und Opfer, Studien zum griechischen Kul-
tus, Heidelberg, 1927: pp. 50-51; J. H. Ramsey , On the Form and Content of Aeschylean
Prayer, Diss. Fordham, 1943, p. 7; F. Chamoux, La civilisation grecque, Paris, 1965
(1ère éd. 1963), p. 196; E. Des Places, La Religion grecque, Paris, 1969, p. 177: "Les
trois parties essentielles à toute prière liturgique en Grèce", cf. encore "La preghiera 148 DANIÈLE AUBRIOT
Cette position traditionnelle est aujourd'hui intenable, principalement
pour deux raisons: la première provient du sens désormais établi pour le
verbe εύχομαι; en effet, J.L. Perpillou a bien montré (grâce au mycénien),
que εύχομαι, porteur d'une signification originelle dont le caractère est
juridique et social et non pas religieux, voulait dire dans tous ses contextes
"proclamer une juste prétention"2. Par conséquent, il est à présent acquis
que le sens de ce verbe n'est pas lié à la structure du discours, mais à la
notion de parole revendicative (ce qui est compatible avec un caractère
agonistique possible de la prière). Notons en passant que cela seul impli
que déjà une certaine "liberté" dans la conception des dieux supposée par
ce type de rapports.
Mais cet aperçu, suggéré par la mise au clair de la signification propre du
verbe εύχομαι, reçoit sa pleine dimension quand on s'avise qu'il est en par»
faite harmonie avec ce que nous pouvons constater en considérant l'orga
nisation formelle des prières grecques. C'est ce deuxième point que nous
voudrions évoquer brièvement ici.
Remarque liminaire
Soulignons d'abord un fait d'expérience: il n'est pas toujours aisé, dans un
texte, d'isoler nettement les prières. Sans parler de l'incertitude qui peut
se glisser devant certaines apostrophes d'interprétation délicate (ΐώ θεοί
est-il une exclamation ou une prière?) ou devant certains souhaits (ô μή
γένοιτο, ολοιο, εύτυχοίην); sans mentionner non plus l'embarras où l'on
se trouve devant les représentations figurées, pour décider si tel geste de
main levée désigne une prière ou une simple prise de parole3, il faut souli
gner qu'une réplique adressée à un autre homme pouvait se terminer — ou
commencer — par une invocation ou par un souhait. Ainsi, au chant XVII
de Γ Iliade, Ajax fait succéder à un long discours (vv. 629-645 = 15 vers)
une brève prière adressée à Zeus (vv. 645-648): "Zeus père, sauve de cette
brume les fils des Achéens, fais-nous un ciel clair; permets à nos yeux d'y
nella Grecia antica", in La Preghiera nella Storia délie Religioni, a cura di R. Bocassino,
Milan/Rome, 1, 1967, pp. 447-522: p. 449, même phrase sous la rubrique: "Preghiere tra-
dizionali"; L. Ch. Muellner, The Meaning of Homeric εύχομαι Through its Formulas
(Innsbrucken Beitràge zur Sprachwissenschaft, 13), Innsburck, 1976 (cf. par ex. p. 31 ou
p. 113).
2. J.L. Perpillou, "La signification du verbe εύχομαι dans l'épopée", in Mélanges de
linguistique et de philologie grecques offerts à Pierre Chantraine, (Études et Commenta
ires, 79), Paris, 1972, pp. 169-182.
3. Ces points sont étudiés dans le chapitre II de mon livre. Prière Et rhétorique en Grèce ancienne 149
voir; et, la lumière une fois faite, eh bien! tu nous détruiras, puisque tel est
ton bon plaisir". Quoique venant clore un discours adressé à d'autres hom
mes, ces trois vers constituent indubitablement une vraie prière; la meil
leure preuve en est que Zeus, apitoyé, exauce cette requête. On peut
observer que cette prière terminale est pour ainsi dire symétrique par rap
port à l'invocation initiale de Ménélas, également adressée à Zeus (au
début de ce même chant: XVII, 20 sq.) qui, elle précédait un discours.
Comment classer ces prises de parole: parmi les prières? parmi les di
scours? parmi les deux? Le caractère composite de ces répliques n'est assu
rément pas le signe d'une spécificité nettement définie de la prière. On voit
que plusieurs types de considérations se conjuguent d'entrée de jeu pour
dérober des marques sûres qui permettraient de distinguer une éloquence
sacrée de l'éloquence profane.
Similitude entre prière et plaidoyer
Toutefois, avant d'affirmer nettement l'identité de l'une et de l'autre, il
convient de se livrer à une enquête plus précise, et d'engager des investiga
tions concernant l'organisation discursive qui préside aux prières grec
ques. Même quand une prière se présente typiquement comme telle (selon
les vues traditionnelles), c'est-à-dire quand elle constitue une prise de
parole dont la divinité est le seul destinataire, et quand elle observe la
structure ternaire prétendument "canonique", est-elle tellement spécifi
que d'un discours de nature particulière, qui serait exclusivement propre à
être adressé aux dieux? N'a-t-on pas lieu plutôt de s'estimer frappé par la
ressemblance qui existe entre son organisation et celle des discours confor
mes à ce qui allait devenir les règles de la rhétorique?
Si l'on prend l'épopée comme texte de réf&

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