Que devient le français quand une langue nationale s impose ? Conditions et formes d appropriation du français en République Centrafricaine - article ; n°1 ; vol.104, pg 89-99
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Que devient le français quand une langue nationale s'impose ? Conditions et formes d'appropriation du français en République Centrafricaine - article ; n°1 ; vol.104, pg 89-99

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1994 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 89-99
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

M. Wenezoui-Déchamps
Que devient le français quand une langue nationale s'impose ?
Conditions et formes d'appropriation du français en République
Centrafricaine
In: Langue française. N°104, 1994. pp. 89-99.
Abstract
Martine Wenezoui-Déchamps : « Que devient le français quand une langue nationale s'impose ? Conditions et formes
d'appropriation du français en République centrafricaine »
In Central African Republic (CAR) several vernaculars spoken by different ethnic groups coexist. But one vehicular dialect, called
Sängö, has spread mainly in cities and is now frequently used for daily communication. This dialect tends to compete more and
more with French which is only used for official matters and is still the teaching language. Because of this contact-situation many
cases of borrowings and code-switching can be observed.
This mixing of languages, sometimes called « franc-sängo » », seems to be the most particule form of the appropriation of french
in CAR.
Citer ce document / Cite this document :
Wenezoui-Déchamps M. Que devient le français quand une langue nationale s'impose ? Conditions et formes d'appropriation
du français en République Centrafricaine. In: Langue française. N°104, 1994. pp. 89-99.
doi : 10.3406/lfr.1994.5741
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_num_104_1_5741Martine WENEZOUI-DÉCHAMPS
Institut de Linguistique appliquée de Bangui
(Centrafrique)
QUE DEVIENT LE FRANÇAIS
QUAND UNE LANGUE NATIONALE S'IMPOSE ?
Conditions et formes d'appropriation du français
en République Centrafricaine
La République Centrafricaine, située au cœur du continent a été, ainsi que le
Tchad, l'un des derniers pays touchés par la colonisation française. La fondation
de sa capitale, Bangui, date de 1889. À cette époque, comme l'a fait remarquer le
géographe C. Prioul (1981 : 29), « le seuil de l'Oubangui (est) occupé par des
ethnies dont les domaines sont bien circonscrits dans l'espace et dont les us et
coutumes diffèrent sensiblement ».
En 1897, fut créé le territoire de l'Oubangui-Chari et la colonisation s'installa,
prenant parfois les formes très dures qu'a dénoncées A. Gide dans le Voyage au
Congo et qui ont fait dire à l'historien P. Kalck que cette région était « la plus
délaissée des colonies » (1976 : 221). Comment la pénétration du français s'est-elle
déroulée dans cette société ?
Historique
Dans la plupart des pays d'Afrique francophone, la pénétration du français
s'est faite essentiellement par deux voies :
— les rapports de l'administration et de l'armée avec les indigènes,
— l'école, qu'elle soit laïque ou contrôlée par les missionnaires.
L'occupation du territoire fut d'abord militaire mais elle se réduisit à l'ét
ablissement de quelques postes le long du fleuve Oubangui et sur la ligne de portage
qui permettait de relier cette région au Chari.
La première division administrative de l'Oubangui-Chari ne fut mise en place
qu'en 1902 et le premier gouvernement fut installé en 1906. La scolarisation débuta
très timidement avec la création du Service de l'Enseignement en AEF en 1911. On
comptait, à cette époque, 269 élèves dans les écoles publiques dispersées dans
quelques « villes » du pays. Quant aux écoles religieuses, le nombre de leurs élèves
atteignait 330 en 1912 l.
1. Chiffres donnés par P. Kalck (1976).
89 Dans son étude intitulée La langue française en République Centrafricaine,
C. Couvert constate :
« Avant la première guerre mondiale, la diffusion du français est effectuée principal
ement par les missions religieuses qui assuraient renseignement des rudiments de fran
çais et Г alphabétisation fonctionnelle touchant aux métiers manuels. Leur action se
limitait à la capitale Bangui » (1983 : 4).
En 1920, un arrêté du Gouverneur Général de l'AEF réglemente l'enseignement et
préconise l'ouverture d'écoles où l'on parlerait français. Une circulaire du 8 mai
1925 institue le français comme seule langue d'usage et interdit aux maîtres d'uti
liser les idiomes du pays.
En 1934, une école, destinée à la formation des cadres, est créée à Brazzaville.
Elle est, en principe, ouverte aux oubanguiens.
Ce n'est qu'après la seconde guerre mondiale que l'enseignement devient
obligatoire. On assiste alors à une progression spectaculaire des taux de scolarisa
tion. L'accroissement pour le primaire est de 12 % pendant la période 1950-56 et de
15,3 % entre 1956 et 1962 (chiffres donnés par J.-P. Caprile 1977 : 114). En 1953
est créé le premier collège d'enseignement secondaire, à Bangui. Les effectifs, dans
ce cycle, connaissent alors un taux d'accroissement annuel moyen de 18,9 %
pendant la période 1950-56 et de 27 % entre 1956 et 1962.
Pendant la période de colonisation, l'école fut-elle le seul moyen d'accès au
français ? Caprile pense qu'il se développe dans cette région un « français militai
re ». Pour le qualifier, il cite la description qu'en fait P. Alexandre dans Langues
et langages en Afrique Noire :
« On parle de "français tirailleur" ou "français tiraillou" pour désigner le français
déformé utilisé dans l'armée ou sur les chantiers par les Africains qui n'ont pas eu la
chance d'aller à l'école. »
Caprile ajoute :
(Ce français) « est probablement originaire d'Afrique occidentale et on peut supposer
qu'il a été introduit par l'armée française. En effet, si les officiers étaient originaires de
la métropole, les hommes de troupe, eux, étaient des Africains, des "Sénégalais". Ces
"Sénégalais", vraisemblablement originaires de l'Afrique de l'Ouest sinon du Sénégal,
ont dû jouer le rôle d'intermédiaires entre la population et les administrateurs. Ils
étaient utilisés comme instructeurs dans les milices recrutées localement » (Caprile
1977 : 112).
Ce type de français s'est très peu développé dans ce qui deviendra plus tard la
République Centrafricaine, car il existait dès l'époque coloniale — et probable
ment avant — un véhiculaire local, le sango, que, dès 1918, Félix Eboué, futur
Gouverneur Général de l'AEF, décrivait ainsi :
« Du sango, il n'y a rien à dire, si ce n'est que c'est "la langue commerciale de
l'Oubangui-Chari", non pas certes, créée de toutes pièces comme l'espéranto, mais un
idiome dérivé d'un dialecte du groupe sango-yakoma, où les mots d'origine étrangère
sont nombreux et auxquels les premiers rapports entre Européens et indigènes ont
donné naissance. »
C'est aussi l'opinion du linguiste américain W. J. Samarin :
« My sociolinguistic analysis of colonization on both the Congo and Ubangi rivers in the
90 nineteenth century leads me to the conclusion that it was black employees, as Stanley
nicely called them, who engaged in practically all the direct verbal communications with
the indigenous populations. And it was from these black-black exchanges that the
jargons and later the trade languages were born » (Samarin 1982 : 416-417).
Sans aller jusqu'à dire que le sango est une création de la colonisation, nous
pouvons cependant affirmer qu'il s'est répandu sur le territoire de l'Oubangui-
Chari pendant la période coloniale. En effet, et c'est là un autre facteur non
négligeable, les missionnaires ont très vite compris qu'il pouvait servir à la propag
ation de la foi ; c'est ainsi que Monseigneur Granding fit paraître en 1930 un
catéchisme rédigé dans cette langue et que la première traduction de la Bible en
sango fut réalisée par les protestants en 1936.
Nous en arrivons donc à énoncer ce paradoxe : la colonisation contribua
beaucoup plus à l'expansion du sango qu'à celle du français.
Diagnostic
Le rappel des faits historiques que nous venons de présenter nous permet de
mettre en évidence une des caractéristiques du français en Centrafrique ; il ne joue
pas de rôle véhiculaire. Son apprentissage se fera donc essentiellement à l'école. Or
le « Recensement Général de la Population » effectué en 1988 don

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents