Que peuvent apporter les faits linguistiques à l analyse de l argumentation en biologie ? - article ; n°42 ; vol.10, pg 28-46
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Que peuvent apporter les faits linguistiques à l'analyse de l'argumentation en biologie ? - article ; n°42 ; vol.10, pg 28-46

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Description

Langages - Année 1976 - Volume 10 - Numéro 42 - Pages 28-46
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Denis Zaslawsky
Que peuvent apporter les faits linguistiques à l'analyse de
l'argumentation en biologie ?
In: Langages, 10e année, n°42, 1976. pp. 28-46.
Citer ce document / Cite this document :
Zaslawsky Denis. Que peuvent apporter les faits linguistiques à l'analyse de l'argumentation en biologie ?. In: Langages, 10e
année, n°42, 1976. pp. 28-46.
doi : 10.3406/lgge.1976.2307
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1976_num_10_42_2307D. ZASLAWSKY
EHESS
QUE PEUVENT APPORTER
LES FAITS LINGUISTIQUES
A L'ANALYSE DE L'ARGUMENTATION
EN BIOLOGIE?
Introduction
Cet article est la première version, partielle, d'un travail d'ensemble
sur des expériences récentes relatives aux inhibiteurs de croissance des
cellules végétales x. Bien que rédigée par un spécialiste de philosophie logique
(nous donnerons plus loin la définition de ce terme, cf. 2. 8 sq.), la présente
étude est la conséquence d'une étroite collaboration avec un biologiste qui
a tout particulièrement consacré ses recherches à la physiologie de la crois
sance 2. Notre objet sera ici limité : il s'agira essentiellement de déterminer
dans quelle mesure une analyse linguistique, entendue au sens le plus large,
peut contribuer à l'étude épistémologique des textes scientifiques. Mais,
comme notre réponse à cette question ne sera qu'en partie positive, nous
devrons aussi aborder plusieurs points d'épistémologie et de logique qui se
révéleront indépendants des faits linguistiques. Pour plus de clarté, nous
procéderons donc en quatre temps : 1) Présentation de la critique d'une
théorie classique, celle de la géoréception des racines, et du passage à une nouvelle, des inhibiteurs de croissance, récemment mis en évi
dence dans les cellules de ces mêmes racines ; 2) Discussion du cadre général,
tant épistémologique et logique que linguistique, dans lequel se pose le
problème de l'argumentation ; 3) Position d'un problème type concernant
l'argumentation scientifique telle qu'elle apparaît dans une partie limitée
de notre corpus (c'est-à-dire de la section lj, et solution de ce problème ;
4) Conclusions sur la nature de cette solution, et ouverture de quelques
perspectives plus larges à la fois sur l'utilité de la linguistique en epistemolog
ie et sur le rôle méthodologique de l'argumentation dans la science linguis
tique elle-même.
1. Des géorécepteurs aux inhibiteurs de croissance.
1.1. La première chose qu'il nous faut préciser, c'est la façon un peu parti
culière dont nous avons obtenu notre corpus. Il s'agit là en effet d'une
démarche qui, à notre connaissance, est assez nouvelle en ce domaine :
tout en lisant ses articles originaux, nous avons demandé au biologiste
1. Nous publions simultanément dans Dialectica, vol. 29, n° 4, un autre article
préliminaire consacré à un aspect différent de ces mêmes recherches, et en relation
plus directe avec la théorie kuhnienne des révolutions scientifiques (Kuhn, 1962) :
nous y suggérons, en gros, de traduire le concept d'anomalie en des termes plus géné
raux, c'est-à-dire ceux de dissymétrie et de symétrie. (Pour des indications parallèles
concernant la linguistique et la philosophie, cf. ci-dessous, 4. 8 sq.)
2. Il s'agit du Pr. P.-E. Pilet, Directeur de l'Institut de biologie et de physiologie
végétales de l'Université de Lausanne et chargé d'enseignement de 3e cycle à l'Uni
versité Pierre-et-Marie-Curie de Paris. Nous remercions P.-E. Pilet de sa contribution
à cet article, et d'avoir bien voulu en revoir la partie biologique (section 1).
28 d'exposer ses recherches en les vulgarisant un peu et surtout en tenant
compte le plus possible de ses propres intérêts épistémologiques (qui sont
grands, et ont seuls rendu possible le présent travail).
1 . 2. Cette façon de procéder pourra choquer les spécialistes, qui tendent
plutôt à choisir des textes purs de toute intervention consciente de la part
du scientifique 3. Voici comment on peut justifier la méthode, anti-empi
rique semble-t-il, utilisée ici : ce que nous avons voulu faire, c'est non pas
seulement un travail d'observation (ou d'analyse) sur l'activité scientifique,
mais un travail de nature expérimentale qui, dans une certaine mesure,
crée son objet au lieu de le prendre tout fait. Il y a bien sûr des ^dangers
dans une telle attitude « active » ; mais, comme cela se passe dans les sciences
elles-mêmes, le risque est souvent payant — à condition naturellement
de pouvoir distinguer les bonnes expériences des mauvaises.
1 . 3. En fait, nous n'exposerons qu'une seule de ces « expériences » épist
émologiques, mais l'une de celles qui nous semblent bonnes. Elle portera
sur un moment particulier de la démarche scientifique à décrire et à expli
quer ; et c'est pourquoi ce qu'on va lire maintenant est, très exactement,
le résumé partiel d'une reconstruction de cette démarche. Résumé d'une
reconstruction : le texte en italiques est un abrégé littéral de celui qu'a
établi P. E. Pilet pour nous exposer sa démarche après coup ; le reste est un
premier commentaire que nous insérons simplement pour orienter le lecteur
non spécialiste.
1.4. Le problème biologique considéré résulte de l'observation suivante :
des racines, placées horizontalement, se courbent vers le bas ; c'est ce qu'on
appelle une géoréaction positive (elle serait négative si la courbure plaçait
l'organe vers le haut).
1.5. Partant d'observations relativement anciennes, certains chercheurs sont
arrivés à formuler une théorie de la géoréaction qui a été singulièrement féconde.
Cependant, un certain nombre de faits restaient inexpliqués par cette théorie,
et d'autres allaient se révéler en complète contradiction avec elle. Les étapes
qu'on va décrire maintenant, et qui ne sont pas nécessairement conformes à
l'ordre chronologique, sont celles qui ont conduit à la découverte, puis à la
vérification, d'une hypothèse explicative nouvelle.
1 . 6. La théorie ancienne était la suivante : il y a, dans la coiffe des racines,
une zone (statenchyme) formée de grosses cellules (statocystes) qui contiennent
des amyloplastes denses (statolithes). Si la racine est placée horizontalement, ces
statolithes « tombent » sur le fond des statocystes. Plus la vitesse de chute des est élevée, plus la géoréaction est rapide. La thèse consiste à
attribuer aux statolithes la fonction de géorécepteurs. Pour résumer, on dira
donc qu'il s'agit là d'une première explication du phénomène de la géoréac
tion positive par les géorécepteurs.
1 . 7. Cette théorie des géorécepteurs se heurte d'abord à des difficultés
internes ; c'est-à-dire, en fait, qu'elle présente un certain nombre d'invrai
semblances. Comme ces dernières ne nous intéressent pas directement ici,
notons simplement que la théorie des géorécepteurs ne rend pas compte des
étapes essentielles qui, de la « chute des statolithes », conduiraient à la
courbure vers le bas des racines. Sans même préjuger de la nature d'une
quelconque explication nouvelle, on peut affirmer que ces étapes doivent commenc
er par la fixation de l'information, et se poursuivre par sa traduction, sa
transmission et enfin sa transformation (cf. Pilet, 1972). Plusieurs méca
nismes ont été envisagés, mais ils sont tous manifestement trop grossiers.
1 . 8. Voici maintenant le passage que nous analyserons plus spécialement,
3. Cf. par exemple le travail de Myma Gopnyk (Gopnyk, 1972), où apparaissent
bien les contraintes d'une attitude rigoureusement objective, en particulier pour le
choix d'un corpus.
29 et que nous reproduisons donc intégralement. Il énonce cinq objections
expérimentales a la théorie des géorécepteurs. Ce sont les suivantes : a) II
existe un certain nombre de racines dépourvues de statolithes ; elles présentent
pourtant une géoréaction + ; b) Des racines, munies ď abondants statolithes,
peuvent ne manifester aucun géotropisme (il s'agit par exemple de racines de
Maïs (c. v. Kelvedon 33) qui ne sont pas géoréactives à l'obscurité du

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