Recherches sur les opinions et la législation en matière de mort volontaire pendant le Moyen Âge. Xe, XIe, XIIe et XIIIe siècles. - article ; n°1 ; vol.4, pg 242-266
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Recherches sur les opinions et la législation en matière de mort volontaire pendant le Moyen Âge. Xe, XIe, XIIe et XIIIe siècles. - article ; n°1 ; vol.4, pg 242-266

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1843 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 242-266
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1843
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Félix Bourquelot
Recherches sur les opinions et la législation en matière de mort
volontaire pendant le Moyen Âge. Xe, XIe, XIIe et XIIIe siècles.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1843, tome 4. pp. 242-266.
Citer ce document / Cite this document :
Bourquelot Félix. Recherches sur les opinions et la législation en matière de mort volontaire pendant le Moyen Âge. Xe, XIe,
XIIe et XIIIe siècles. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1843, tome 4. pp. 242-266.
doi : 10.3406/bec.1843.451710
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451710RECHERCHES
LES OPINIONS
ET LA LÉGISLATION
EN MATIÈRE DE MORT VOLONTAIRE ,
VENDANT 1,E MOYEN AGE.
XIIe et XIIIe siècles (1). Xe, XIe,
Depuis plusieurs siècles le christianisme luttait contre le
suicide , sans avoir pu le détruire ; malgré ses constants efforts,
cette plaie , presque aussi ancienne que le monde , ne se fermait
pas. Mahomet parut en Orient , et, dans le Koran (2) , il ré
prouva la mort volontaire. Il fit aux fidèles un devoir de la pa
tience en ce monde, et de la résignation aux ordres dbins; il dé
clara que l'homme ne peut avancer ni reculer le terme de sa vie
dont Dieu seul est le maître ; et ses préceptes furent si religie
usement observés , que , pendant longtemps , les suicides furent
très-rares parmi les Musulmans (3).
(1) Voy. la Biblioth. de l'École des Chartes, t. III, p. 539.
(2) Al Koran, Surah. II, v. 88 et 89.— Ill, v. 97 et 148.— IV, Y. 124.— VI, v. 17—
XVI, V. 63.— XXII, V. 11 et 21.— XXXIII, v. 33 et 61— XXXIV, v. 28— XXXV, v. 12.
—XXXIX, v. 43— XLIX, v. 1 et 25— LVI, v. 60— LVIII, v. 22 et 23— LXXIV, v. 7.
(3)Dans les premiers temps du inahométisme,au vnie siècle, un émir de Septimanie,
Mnnuza , battu par les troupes d'Abd-al-Rahman, Vali de Cordoue , se voyant séparé quoi attribuer cette différence des résultats moraux proÀ
duits en matière de suicide par l'influence du mahométisme et
par celle du christianisme? Vient-elle de ce que, dans l'une de
ces religions , le fondateur lui-même avait prononcé la prohibi
tion de la mort volontaire , tandis que, dans l'antre, cette pro
hibition n'avait été formulée que postérieurement au révélateur
et par des autorités moins respectables ? Cette circonstance ne
dut être qu'une cause secondaire ; la véritable et la plus puissante
cause fut la différence des principes généraux que le Christ et
Mahomet avaient prêches aux nations. Jésus avait dit à l'homme
qu'il était libre dans ses pensées et dans ses actes ; le prophète
arabe posa le dogme de la fatalité comme base de sa morale ( l),
et la foi absolue à l'infaillibilité des décrets du destin dut en
traîner à sa suite une résignation inerte et impassible qui ex
cluait toute idée de suicide.
Quant au dogme de l'immortalité de l'àme , que les mahomé-
tans empruntèrent au christianisme, il ne fut pas à lui seul assez
fort pour triompher du désespoir qui poussait les chrétiens à se
donner la mort. Des suicides avaient été accomplis au milieu des
populations qui avaient cru que tout finit pour l'homme avec la
vie corporelle ; les actes de mort volontaire devinrent fréquents
chez les Grecs et les Romains , quoique Platon eût déclaré fo
rmellement que la disposition de notre vie ne nous appartient
pas , et que nous devons rester fixes au poste où Dieu nous a
placés ; ces actes, malgré des prohibitions souvent renouvelées,
se reproduisirent sous l'empire du christianisme, comme les effets
d'un mal chronique et presque incurable.
Au moyen âge , les ministres de la religion du Christ menaç
aient de peines éternelles ceux qui se donnaient la mort à eux-
mêmes. Mais , en attirant sans cesse l'homme vers la divinité,
en lui montrant comme un passage, comme un temps d'épreuve,
comme un exil , l'existence terrestre qu'ils lui recommandaient
de conserver, en exagérant chez l'individu la haine de la vie et
le dégoût du monde , ils faisaient naître en lui une curiosité
de sa chère Lampagia, fille du duc Eudes d'Aquitaine , dont les soldats ennemis ve
naient de s'emparer , et sur le point de tomber lui-même entre leurs mains, se préci
pita du haut des rochers (Isidoři pacensis Epitome , p. 117. — Conde, His!-, de la
domination de los Arabes en Espana, 1. 1, ch. XXTV, p. 84).
(1) L'homme ne meurt que par la volonté de Dieu, et le terme de ses jouis est écrit
{Al Koran, SnraliHí, v. 139). '244
exaltée de l'avenir, ils l'encourageaient involontairement à bra
ver les souffrances même d'un enfer éternel, pour se débarrasser
au plus tôt de ce corps périssable , vêtement incommode qui
cachait à son à me le ciel et Dieu.
Vers la fin du dixième siècle , lors de Г avènement de Hugues
Capet , commença pour la France une époque de transition qui
se rattachait au passé par les instincts barbares restés dans les
esprits, à l'avenir par leurs tendances régénératrices. Les deux,
races germanique et gallo-romaine venaient de prendre , à l'
égard l'une de l'autre , une position régulière et presque légale
par l'organisation de la féodalité. La société sembla un instant
s'arrêter, et se préparer, en quelque sorte, à l'enfantement. Puis
une révolution générale s'opéra dans les idées, dans la nature
des relations sociales, dans la littérature et dans les arts. Un désir
de liberté , aussi vieux que l'oppression , poussa les classes plé
béiennes à s'unir contre les seigneurs et à s'emparer d'une partie
de la puissance dont ceux-ci abusaient à leur égard ; l'esprit de
doute et d'examen, en se mêlant dans le midi delà France aux tra
ditions manichéennes, lit naître d'un côté les hérésies albigeoises,
tandis que, de l'autre, l'enthousiasme religieux conduisit une par
tie de l'Europe aux aventureuses expéditions delà terre sainte ; des
langues nouvelles se formèrent , les églises et les cathédrales pri
rent une forme originale , pleine à la fois de délicatesse et de
grandeur, dont le type se propagea rapidement du nord au midi.
Mais , au milieu de l'inertie du dixième siècle , des agitations
du douzième et du treizième, il resta quelque chose de la tristesse
que les Germains avaient puisée dans les brumes du Nord. L'ennui
s'empara des populations du moyen âge, comme il s'est emparé
des peuples modernes fatigués, blasés, imbus d'une philosophie
sceptique ; et souvent, les hommes et les femmes, les moines et
les chevaliers, éprouvèrent le besoin d'en finir avec l'existence.
La manie du suicide , bornée d'abord à quelques exceptions , se
ranima comme un souvenir des temps antiques , et pénétra dans
toutes les classes de la société. Blanche de Castille , la femme
sainte, la mère de saint Louis, en apprenant la mort de son époux
Louis VIII, tombe dans un si profond désespoir, qu'elle veut
s'arracher la vie (l). L'infortuné Regnauld, comte de Boulogne,
fait prisonnier à la bataille de Bouvines , et ayant perdu lors de
(1) Chron. de Philippe Mouskes (in-4°, publ. par M. de Reiffenberg) , t. II, p. â54 •
...... frère Garius qui l'eucontre 245
l'avènement de Louis IX au trône (1226) toute espérance de re
couvrer jamais la liberté, se donne la mort daus sa prison (1).
Les romans et les poëmes du douzième et du treizième siècle ren
ferment fréquemment de touchants épisodes , où les peines de
l'amour, la crainte du déshonneur conduisent à la mort les belles
dames et les héros. La même tendance se retrouve dans les poëmes
de Boiardo , de Pulci , du Tasse et de Г Aiïoste , qui ne sont que
les reflets des épopées chevaleresques du moyen âge. Michel Cer
vantes raconte le lugubre enterrement de Chrysostôme, qui s'est
tué, ne pouvant supporter les dédains delà bergère Marcelle (2).
Tout le monde connaît l'histoire de la dame de Fayel. Sépa
rée de Raoul de Coucy, son fidèle amant , qui s'en est allé guer
royer en terre sainte , la noble dame désire et appelle la mort ,
et sa douleur est admirablement dépeinte dans des vers brûlants
de passion, qui sont parvenus jusqu'à nous (3). Puis, quand
Raoul n'est plus, quan

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