Réflexions sur l histoire de la biologie (XVIIè-XVIIIè siècles) : problèmes de méthodes - article ; n°1 ; vol.17, pg 25-40
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Réflexions sur l'histoire de la biologie (XVIIè-XVIIIè siècles) : problèmes de méthodes - article ; n°1 ; vol.17, pg 25-40

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Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1964 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 25-40
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M JACQUES ROGER
Réflexions sur l'histoire de la biologie (XVIIè-XVIIIè siècles) :
problèmes de méthodes
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1964, Tome 17 n°1. pp. 25-40.
Citer ce document / Cite this document :
ROGER JACQUES. Réflexions sur l'histoire de la biologie (XVIIè-XVIIIè siècles) : problèmes de méthodes. In: Revue d'histoire
des sciences et de leurs applications. 1964, Tome 17 n°1. pp. 25-40.
doi : 10.3406/rhs.1964.2275
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1964_num_17_1_2275sur l'histoire de la biologie Réflexions
(XVIP-XVIIP siècle) :
problèmes de méthodes (1)
Bien qu'elle ait été devancée par l'histoire des mathématiques
ou de l'astronomie, l'histoire des sciences de la vie ne peut plus
passer aujourd'hui pour une discipline dans l'enfance. Il y a plu
sieurs siècles que l'on écrit des histoires de la médecine, et plus de
cent ans que Guvier enseignait au Collège de France VHisloire des
sciences naturelles depuis leur origine jusqu'à nos jours chez tous les
peuples connus. Cependant, l'histoire des sciences de la vie, pas plus
que l'histoire des sciences en général, n'a encore trouvé son
statut administratif dans l'Enseignement supérieur français, et la
conséquence de cet état de choses n'est pas négligeable, car cela
signifie que nous sommes très souvent des amateurs, qui ne peuvent
consacrer à la recherche que leurs loisirs et à l'enseignement que
quelques cours marginaux ou camouflés sous des étiquettes ano
dines. Sans doute Paul Tannery était-il directeur d'une manufact
ure de tabacs. Il est permis de croire cependant qu'il aurait encore
mieux travaillé au progrès de l'histoire des sciences s'il n'avait
eu d'autre souci que de l'enseigner.
Mais le problème n'est pas seulement de secouer les routines
administratives. Si l'on n'enseigne que très peu l'histoire des
sciences, c'est peut-être d'abord parce qu'on ne sait pas exactement
où l'enseigner. « Par une étrange répartition des chaires magistrales »
écrit Maurice Daumas, « l'histoire des sciences est enseignée dans
les facultés des lettres » (2), ce qui n'est d'ailleurs pas tout à fait
vrai, puisqu'on l'enseigne aussi dans quelques facultés de médecine.
Mais pour décider du lieu de cet enseignement, il faudrait savoir ce
(1) Ces paires sont l'essentiel d'une conférence présentée au Groupe français d'Histo
riens des Sciences, le vendredi 7 février 196 t.
(2) Encyclopédie de la Pléiade, Histoire des sciences, Préface, p. xi. 26 REVUE D'HISTOIRE DES SCIENCES
que l'on enseigne. Qu'est-ce que l'histoire des sciences ? ou, plus
précisément, comme le demande M. Daumas, « doit-elle être l'his
toire de la pensée scientifique ou bien celle des découvertes et des
hommes qui les ont faites ? » (1). Histoire de la pensée scientifique,
elle appartiendra surtout aux historiens et aux philosophes. Histoire
des découvertes, elle appartiendra surtout aux savants.
L'alternative ne se pose peut-être pas aussi nettement à propos
de toutes les sciences, mais elle se pose pour les sciences de la vie,
dont l'histoire, telle qu'elle a été faite jusqu'à présent, et singuli
èrement en France, a été le plus souvent une « histoire des décou
vertes et des hommes qui les ont faites ». L'histoire des hommes est
évidemment nécessaire : la science n'a pas été faite par de purs
esprits. Encore est-il préférable qu'elle ne soit pas une fin en soi,
et que son objet reste d'éclairer les conditions concrètes et indivi
duelles de la recherche scientifique, faute de quoi, sans perdre de
son intérêt, elle risque de ne plus être de l'histoire des sciences.
On peut penser, à cet égard, que l'histoire de la médecine n'a pas
donné que de bons exemples à de la biologie. Reste « l'his
toire des découvertes », telle qu'on l'entend ordinairement, c'est-à-
dire cette histoire écrite par des savants modernes qui se sont
« penchés » sur le passé de leur science pour y chercher la lente et
difficile apparition du savoir d'aujourd'hui. Je ne poserai pas la
question de l'utilité d'une telle histoire pour un biologiste du
xxe siècle, car cela n'est pas de mon ressort. Pourtant, et même en
laissant de côté les professeurs, plus nombreux qu'on ne pense, qui
considèrent l'histoire de leur science comme un vaste répertoire
d'anecdotes propres à détendre un auditoire en l'égayant sur la
naïveté des ancêtres, je crains qu'il n'y ait là une pieuse mystif
ication, et qu'on ne présente comme un intérêt intellectuel ce qui
est en réalité un attachement sentimental. Maître de ses méthodes
et de ses techniques, le biologiste contemporain ne peut guère
éprouver qu'une admiration attendrie, sinon condescendante,
pour les efforts maladroits de ses lointains prédécesseurs. Il y trou
vera rarement, sauf dans un passé très récent et à peine historique,
une inspiration pour ses propres recherches.
Mais la question que je voudrais poser est celle de la légitimité,
et même de la possibilité, de cette « histoire des découvertes », de
ce regard que la science moderne jette sur son passé pour se voir
(1) Ibid., p. xlii. l'histoire de la biologie : problèmes de méthodes 27
naître elle-même à partir du chaos de la pensée préscientifique.
Il est évident que ce regard va privilégier certains actes, certaines
démarches des savants d'autrefois, et rejeter le reste dans le néant.
Pour une science aussi récemment constituée que la biologie, cela
revient à tenir pour négligeable la majeure partie de la pensée
occidentale. Maurice Caullery, qui a tant fait pour l'histoire des
sciences, mais qui n'a pas su oublier qu'il était biologiste, conclut
une brève étude sur la médecine du xvie siècle en disant : « Nous ne
nous attarderons pas autrement à la médecine du xvie siècle,
puisque, aussi bien, il n'en est rien sorti de durable » (1). A sup
poser que cela fût vrai, il faudrait alors commencer l'histoire de
la médecine à Laennec.
Mais il y a plus grave. En scrutant le passé pour y discerner ce
qui est « durable » et ce qui ne l'est pas, cette histoire des découvertes
juge ce passé, et selon des critères qu'il ne pouvait connaître.
Pour M. Caullery encore, Paracelse est un « esprit extravagant,
s'inspirant de l'alchimie et de l'astrologie, sans rien avoir de
l'homme de science moderne » (2). Or, s'il est un esprit « moderne »,
c'est bien Paracelse. Mais il est moderne comme on pouvait l'être
en 1520. Je sais bien que M. Caullery répond ici vraisemblablement à
des admirateurs fanatiques du grand médecin suisse : il aurait mieux
valu couper court que de prendre position dans un faux problème.
Derrière tout cela, il est facile de discerner chez le savant
moderne qui s'est fait « historien des découvertes » une attitude
profonde, généralement inconsciente, mais qui ruine son entre
prise de l'intérieur. Car cette histoire étudie la science d'autrefois
non pas pour ce qu'elle est, mais pour ce qu'elle doit devenir avec
le temps, c'est-à-dire précisément ce n'est pas encore.
Elle examine le visage d'un enfant pour y retrouver les traits de
l'homme fait qu'il est devenu. Tout le reste, tout ce qui distingue
l'enfant de l'adulte, qu'est-ce donc, sinon l'enfance elle-même, l'in
achèvement ou, pour mieux dire, la puérilité ? Instinctivement, le
savant devenu historien conçoit la science d'autrefois comme
l'enfance de la science moderne. Et de même que l'enfant est regardé
traditionnellement comme un adulte moins quelque chose, quelque
chose qui est la « raison », et qu'il doit se hâter d'acquérir pour
« être un homme », de même la science d'autrefois est considérée
(1) Encyclopédie de la Pléiade, Histoire des sciences : Les sciences biologiques, p. 1171.
(2) Ibid., p. 1200. 28 revue d'histoire des sciences
comme une science moderne moins certains caractères adultes, q

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