Quand  la  foi  réappropriée              se  fait  tradition ou “coutume”  Inculturation populaire de fêtes de la liturgie  chrétienne en Afrique : exemple de la Pâque comme fête des retrouvailles en milieu baoulé (Côte d’Ivoire)
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Quand la foi réappropriée se fait tradition ou “coutume” Inculturation populaire de fêtes de la liturgie chrétienne en Afrique : exemple de la Pâque comme fête des retrouvailles en milieu baoulé (Côte d’Ivoire)

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Partant de la Pâque juive et passant par la Pâque chrétienne, cet article montre comment la réappropriation locale de certaines fêtes chrétiennes devient occasion de retrouvailles ethniques et populaires et une expression identitaire. C'est un phénomène socio-religieux qui témoigne de formes d'inculturations naturelles du fait religieux chrétien au sein des peuples ayant reçu l'annonce du message chrétien. Nous avons pris comme exemple ici la fête de "Paquinou" célébrée par le peuple baoulé en Côte d'Ivoire.

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Publié le 16 mai 2012
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~1~  Quandla foi réappropriée  sefait traditionou “coutume” Inculturation populaire de fêtes de la liturgiechrétienne en Afrique : exemple de la Pâque comme fête des retrouvailles en milieu baoulé (Côte d’Ivoire)
I/- La Pâque juive, fête coutumière et cultuelle  d’unpeuple
À l'origine de la Pâque juive, il y avait deux fêtes coutumières et cultuelles pour célébrer la venue du printemps qui marque le réveil de la nature et de la vie, à la sortie de l’hiver qui est comme un temps de sommeil ou de « mort» de la nature. Ces deux fêtes sont : -Leḥag ha-pessaḥ:la fête de l'agneau pascal. C'est une fête pastorale dont l'origine remonte au temps où le peuple hébreu était un peuple de nomades. Le rite du sang a une valeur importante: on prenait le sang de l'agneau pour oindre le pourtour des portes d'entrée de la tente ou de la cabane. C'était un rite de protection pour détourner les mauvais esprits et protéger ainsi la famille. Le motpâquedésignait aussi bien la fête que l'animal que l'on sacrifiait et que l'on mangeait. Ce sacrifice était encore pratiqué au temps de Jésus mais ne l'est plus depuis la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70. -Leḥag ha-pessaḥ: la fête du pain sans levain. C'est une fête agricole célébrée au début de la moisson par le peuple devenu sédentaire. Le pain sans levain porte aussi le nom de pain azyme. Dans un second temps, ces fêtes ont été associées à l'exode (sortie) du peuple hébreu. Selon la Bible(cf. le livre de l’Exode), à l'époque des pharaons, les Hébreux vivaient en esclavage en Égypte. L'exode représente la sortie d'Égypte, la libération du peuple hébreu. Au chapitre 11 du livre de l’Exode, Dieu annonce le dixième fléaucelui de l’extermination des premiers-nés mâles%le qui allaitfrapper les Egyptiens ; sang autour des portes était le signe qui allait lui permettre de reconnaître et d'épargner les Hébreux :« Le sang vous servira de signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang. Je passerai par-dessus vous et le fléau destructeur ne vous atteindra pas quand je frapperai le pays d'Égypte. Ce jour-là vous servira de mémorial (Ex12,13). Tu ne mangeras pas du pain levé ; pendant sept jours, tu mangeras des pains sans levain%du pain de misère, car c'est en hâte que tu es sorti du pays d'Égypte% pourte souvenir tous les jours de ta vie, du jour où tu es sorti du pays d'Égypte (Dt16) ».Le mot hébreu "Pessa'h", désignantla pâque, signifie littéralement"passer par-dessus" etrappelle
~2~ qu'au cours des Dix Plaies infligées aux Egyptiens, Dieu passa au-dessus des maisons des Hébreux et préserva leurs premiers nés mâles. La Pâque est donc devenue la célébration de la libération du peuple hébreu. C'est la traversée de la mer Rouge qui sépare le pays de la servitude de la terre promise. C'est le passage de l'esclavage à la liberté. C'est la renaissance du peuple d'Israël, comme le printemps est la renaissance du temps et de la nature. Pâque est donc le triomphe de la liberté sur l’esclavage, une fête de la libération et de la liberté. Aujourd'hui, les Juifs font une célébration familiale le premier soir de la semaine pascale : c'est leSédèr. Et s’ils ne sacrifient plus l'agneau pascal, le pain sans levain et le vin occupent toujours une place essentielle. Pas question d'avoir du levain chez soi, et encore moins d'en manger, pendant les 7 jours qui suivent la célébration de Pâque. Le premier jour dePessa'hcommence le soir suivant avec leSeder. Lors de ce repas, la coutume veut que l’on mangedifférents mets traditionnels, chaque aliment symbolisant un élément important du récit de la sortie d'Egypte. On y mange par exemple des herbes amères pour rappeler l'amertume des Hébreux réduits en esclavage. Sur la table, on réserve une coupe de vin au prophète Élie : c'est laCoss 'Eliyahou. Élie tient un rôle particulier, car l'Ancien Testament raconte qu'il est monté au ciel (sur un char de feu... –cf. 2R 2,11). Il n'est donc pas mort! On peut croire à son retour qui marquera le signe d'une ère de paix et d'amour. Cette coupe est une façon de souhaiter la bienvenue à Élie, ou bien à un prochain. Traditionnellement, la porte d'entrée est ouverte ce soir là pour l'accueillir : il s’agit d’accueillirlie ou d’accueillir un prochain. É Quatre coupes de vin (ou de jus de raisin) sont bues à des moments spécifiques de la soirée, en s’accoudant sur le côté gauche "comme des hommes libres". Enfin, le souhait "l'an prochain à Jérusalem"est prononcé dans tous les foyers.
La pâque juive se célèbre dans les familles, dans les synagogues et au Temple (à Jérusalem). De nos jours, comme autrefois, en l’absence ou loin du Temple de Jérusalem, elle se célèbre seulement dans les familles et dans les synagogues. Le souhait‟l’an prochain à Jérusalem”surtout significatif pour les juifs de la est diaspora qui, contre vents et marrées, sont dans l’espérance de retourner un jour vivre sur leur terre, terre de la Promesse. Ces juifs de la diaspora, même s’ils savent qu’ils ne retourneront plus jamais physiquementà Jérusalem, vivent dans la mystique viscérale du lien indéfectible avecJérusalem, terre de leur salut.Au grand rendez-vous de Jérusalem, ce sera l’heure des retrouvailles dans le bonheur sans ombres de tous les membres du peuple de Dieu, les fils et filles d’Abraham, le dépositaire de l’Alliance. Jérusalem est le lieu réel ou mythique, le lieu symboliquedecesrters.vaouleil
II/- Pâques chrétiennes Les célébrations pascales sont le centre du culte et de l’année liturgique chrétienne. C’est une tradition reçue de l’Eglise primitive à partir de la Sainte-Cène. La
~3~ Cène (repas du soir) de Jésus au milieu de ses Apôtres fut unSedersimplifié (en effet le rituel juif demande, repas compris, une durée de 3 heures environ). Au temps de Jésus, nombreux étaient les juifs qui allaient célébrer Pâque en pèlerinage à Jérusalem. Ils sacrifiaient l'agneau au temple puis le mangeaient en famille. Jésus fit, lui aussi, ce pèlerinage, et partagea ce dernier repas avec ses disciples, le soir de la nuit de son arrestation qui aboutira à sa condamnation à mort. Dans la Sainte-Cène se retrouve les éléments principaux du repas pascal juif : le pain azyme et le vin ; Jésus se substitue lui-même à l’agneau et, comme tel, sera sacrifié le lendemain :le repas, il prit« Pendant du pain, et après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit : "prenez, ceci est mon corps". Puis il prit une coupe, et après avoir rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous. Et il leur dit : "ceci est mon sang, le sang de l'alliance..." (Mc14,22) ». La Pâque (ou les Pâques) chrétienne comporte l’annonce messianique de la délivrance du péché et de la proximité du royaume de Dieu, puis le souvenir du sacrifice de Jésus, mais aussi l’identification et la communion avec le Seigneur ressuscité, véritable Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, certitude de la vie nouvelle dans une alliance nouvelle, celle de la grâce communiquée par le Saint-Esprit de Dieu. Pour les chrétiens, comme ce fut pour les juifs, Pâque est la célébration de la libération du peuple croyant, du peuple de l’alliance, le passage de la servitude au service, de l’esclavage du péché à la liberté des enfants de Dieu. C'est une fête de renaissance, comme le printemps est la renaissance du temps et de la nature. Au cœur de la Pâque chrétienne se trouve, non plus l’agneau animal que sacrifiaient les juifs, mais Jésus-Christ, l’Agneaude Dieu qui verse son sang pour sceller la nouvelle alliance entre Dieu et les hommes.Autour de ce mystère, les disciples du Christ, frères et sœurs de la même famille de baptisés, font communion. C’est là le lieu de leurs ‟retrouvailles” pour la célébration de leur communion avec leur Dieu et entre eux, pour la célébration de leur salut. La Pâque chrétienne est marquée par la célébration de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. Après les 40 jours de Carême, temps de pénitence et de conversion, la Pâque est célébrée comme le passage de la mort à la vie du fidèle chrétien, à l’image de Jésus-Christ qui a traversé la souffrance et la mort pour entrer dans la gloire de la résurrection. Le jour de Pâque est grande fête de résurrection, et pour cela, on chante! Alléluia !”‟Christ est ressuscité, et on se souhaite‟Joyeuses Pâques !”C’est fête de la vie de Dieu retrouvée, de la vie de Dieu renouvelée en nous. Pour le chrétien catholique, l’essentiel de la fête de Pâque est dans la célébration des 03 jours qu’on appelle ‟Triduum pascal” : la célébration de la Sainte-Cène le soir du jeudi saint, c’est l’adoration de l’Eucharistie ; la célébration de la Passion ou souffrance et mort du Christ en fin d’après-midi du vendredi saint, c’est l’adoration de la Croix, et enfin, la célébration de la Lumière la nuit du samedi saint, c’est la proclamation de la résurrection et la fête de la vie nouvelle, proclamation qui se prolonge dans les célébrations de Messe le dimanche de
~4~ Pâque. Il va sans dire que la joie de cette fête se marque dans les familles et dans les communautés.Outre cela, le reste ne peut qu’être débordement populaire de festivités.
III/- Inculturation ou réappropriation de fêtes chrétiennes : l’exemple de ‟Paquinou”
 L’Evangiledu Christ est en vue du bien intégral de l’homme, de tout homme et de tout l’homme. L’Evangile prend en compte l’homme dans son intégralité socio-culturelle. Rien de l’homme concret ne doit être étranger à l’Evangile du Christ. C’est pourquoi, je ne me vois pas céder à la tentation de traiter le phénomène de ‟Paquinou” (c’est-à-dire ‟pendant la fête de Pâque”) chez les Baoulé en Côte d’Ivoire, de «récupération »,comme si c’était quelque chose d’indu.C’est un phénomène qui est plutôt à assumer comme l’adoption ou la réappropriation contextualisée ou locale d’une fête chrétienne comme fête ‟traditionnelle populaire et identitaire”. Le phénomène, comme tel,peut être encouragé par l’Eglise, qui doit le regarder comme une opportunité d’évangélisation. Il y aura cependant lieu de veiller à éduquer la population à orienter le substantiel de leurs dépenses aux cours de ces célébrations populaires au développement social et à la croissance économique des localités concernées.Ne faire de ces retrouvailles que des occasions de ripailles et de beuveries ne seraitpas très positif. Les chrétiens, quelle que soit leur confession, devront absolument veiller à ce que le culte chrétien soit au centre de ‟Paquinou”,pour que la tradition ne soit pas coupée de sa source d’inspiration ;même si la tradition est aujourd’hui populaire et est devenue plus un référentiel ethnique baoulé qu’un référentiel religieux chrétien. Tout compte fait, ce serait une faillite pastorale si les responsables de l’Eglise se sentent non concernés et se rendent eux-mêmes absents de l’organisation, à la base, de ‟Paquinou”. Jepense particulièrement aux prêtres baoulé, ainsi qu’aux prêtres non baoulé en mission au milieu des Baoulé. Je rapproche ici, ce phénomène de ‟Paquinou” de trois exemples de fêtes de retrouvailles identitaires célébrées au Bénin, il s’agit de : -L’Epiphanie: fête du peuple Gun à Porto-Novo, à partir de l’initiative, prise par un missionnaire (le P. Francis AUPIAIS), de faire chaque année, la représentation théâtrale du massacre des enfants mâles de Bethléem, âgés de 0 à 2 ans, par le roi Hérode. -La Pentecôte: fête de la fraternité (‟Nonvitcha” : union des frères) des peuples xwla de Grand-Popo et wxela du pourtour du lac Ahémé, à partir du pique-nique et des rendez-vous du lundi de Pentecôte à la plage.
~5~ -L’Assomption: fête de retrouvailles du peuple Mahi de Savalou, à partir de la fête patronale paroissiale de leur ville.
Nous assistons là à une inculturation naturelle et populaire, sans tambour ni trompette, qui ne manque pas d’inciter à la réflexion les théologiens de l’inculturation. Cela me fait penser à l’inculturation la plus réussie de l’histoire du christianisme, celle de l’Eglise de Rome, où l’inculturation ne s’est faite, pour l’essentiel, que par la substitution des fêtes et rites chrétiens aux fêtes et rites de la Rome païenne. En effet, si nous cherchons à inculturer la foi chrétienne, c’est pour qu’elle devienne pour nous tradition, «notre »tradition. Et ce n’est que dans la mesure où le christianisme deviendra pour noustradition nôtrequ’il ne sera plus regardé comme une camisole de force, une religion importée et imposée par l’étranger colonisateur et impérialiste. C’est dans cette mouvance que je place la fête des retrouvailles du peuple baoulé (Paquinou) à l’occasion de la célébration des fêtes de la Pâque chrétienne.Le village ou la ville d’origine est -comme dans le cas des juifs -le lieu réel ou symbolique des retrouvailles.La fête chrétienne adoptée devient pour le peuple une référence identitaireet une tradition culturelle.
Références documentaires (pour la Pâque juive) : www.lexilogos.com/calendrier_paques.ht(consulté, le 26/03/2012) www.fr.wiki edia.or /wiki/Pessa'hconsulté, le 26/03/2012 www.gralon.net › ... ›ServicesOrganisation et évènementiel(consulté, le 26/03/2012) www.allaboutjesuschrist.org/french/l-origine-de-paques-2.ht(consulté, le 26/03/2012) www.suite101.fr ›Religions & ÉsotérismeJudaïsme(consulté, le 26/03/2012) www.users.skynet.be/la_cuisine_belge/dossiers/paques-juive.htm(consulté, le26/03/2012) www.rosee.org/rosee/page90.html(consulté, le 26/03/2012) www.fr.wikipedia.org/wiki/Pâques(consulté, le 05/04/2012)
Abbé Barthélemy ZINZINDOHOUE  UCAO-UUA  Avril2012
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