Réflexions sur la démocratie - article ; n°1 ; vol.37, pg 37-56
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1993 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 37-56
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 8
Langue Français
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Extrait

Philibert Secretan
Réflexions sur la démocratie
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°37, 1993. pp. 37-56.
Citer ce document / Cite this document :
Secretan Philibert. Réflexions sur la démocratie. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°37, 1993. pp. 37-56.
doi : 10.3406/chris.1993.1562
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1993_num_37_1_1562REFLEXIONS
SUR LA DÉMOCRATIE
Autorité - Pouvoir
Puissance
Philibert Secretan
Les trois idées, ou idéaux, de la Révolution, puis de la République
française, consonnent aujourd'hui autant à celle de démocratie qu'à celle
de république. Alors qu'au siècle dernier la République, par excellence
signe de ralliement contre la Monarchie identifiée à la réaction, résumait
cet ensemble d'idéaux à inscrire dans les institutions appelées républicai
nes, le terme de « république » ne recouvre plus aujourd'hui qu'un type
d'État, sans en qualifier ni la nature ni les ressorts. Aussi faut-il ajouter
les qualificatifs de socialiste, populaire, islamique ou federative, pour
donner une certaine épaisseur historique, idéologique ou structurelle à
une république donnée.
La valeur morale qui, grâce à ces idéaux de liberté, d'égalité, de
fraternité, connotait une République souvent idéalisée, ainsi que la
marque d'État de droit qu'on aimait lui attribuer, sont aujourd'hui
largement transférées sur la démocratie. C'est ce qui explique qu'il
puisse être question de Démocratie chrétienne. Le concept de « républi
que chrétienne » n'aurait pu valoir qu'au sens antique de res publica ou
au sens augustinien de Cité : d'une Cité gouvernée selon des préceptes
tirés des Écritures et de la Tradition ; ou encore, elle aurait pu trouver
place, comme son doublet religieux, à côté de la République des lettres.
Pendant longtemps, « démocratie » n'a pourtant signifié qu'un genre
Philibert Secretan est professeur de philosophie à l'Université Catholique de Fribourg
(Suisse). Cet article constitue la quatrième et dernière partie d'une réflexion sur le thème
général de : « Liberté, égalité, fraternité » (Voir Autres Temps n0» 33-34, 35 et 36).
37 de gouvernement et non un idéal de liberté et de justice. Si certaines
Républiques furent aristocratiques, comme Venise ou Genève, ou alors
démocratiques ou fascistes, c'est bien que la démocratie n'était qu'un
régime parmi d'autres régimes possibles et légitimes ; de même qu'au
jourd'hui une démocratie peut être parlementaire ou présidentielle.
Surplombant ces terminologies passagères, historiquement relatives,
connotées de gauche et de droite — souvent de droite en ce qui concerne
le concept moderne, parfois américain, de république — , l'idée forte de
Démocratie correspond aujourd'hui au besoin de l'esprit de couronner
d'une éthique commune ou de valeurs partagées les nécessités politiques
et les institutions réglées par le droit positif. Le politique s'en trouve
réordonné aux principes qui font sa noblesse, et le droit devrait y
retrouver son orientation à son ordre fondamental. En tant que concept
éthique, celui de démocratie est inséparable des Droits de l'Homme et
s'impose comme chargé d'une autorité, instituées ou non.
Au-delà de son statut politique, c'est-à-dire des modalités de l'organi
sation et de l'exercice du pouvoir, la démocratie relève donc du domaine
de Vautorité. Le lien fondamental de la démocratie à la souveraineté
populaire reconnaît au Peuple une véritable autorité sur lui-même. La
question est de savoir comment il peut l'exprimer et en quoi se
distinguent d'une part les investitures d'autorité, par exemple d'un chef
charismatique, et d'autre part les délégations des pouvoirs qui sont au
principe des Parlements. Les mécanismes de délégation dans le domaine
du pouvoir sont-ils reproductibles là où la démocratie est de l'ordre de
l'espérance commune et a besoin de s'incarner dans des personnes ?
Mais comment faire pour que, impliquée dans le concept de pouvoir,
l'autorité ne se confonde pas avec lui ? Puis comment faire pour qu'au
versant socio-économique de la démocratie, l'économie de marché et les
stratégies d'investissements, et les recherches d'équilibre spécifiques aux
empires libéraux, ne fassent pas valoir comme autorité — morale et
politique — ce qui n'est jamais qu'une manifestation de puissance ?
Finalement, comment faire que l'idée de démocratie, la démocratie
comme faisant autorité pour les États, puisse trouver à se formuler dans
le concert des Nations et auprès des instances qu'elles se donnent ?
La démocratie comme système de valeurs relève de l'autorité qui
auréole le concept lui-même ; comme système politique, l'État démocrat
ique organise avec un souci remarquable de légalité le pouvoir néces
saire à la conservation et l'évolution des corps politiques ; enfin la
démocratie trouve son reflet et son effet économique et proprement
social dans l'économie de marché et dans l'établissement de jeux de la
38 puissance industrielle, donc financière et syndicale. Telle est la trilogie
d'autorité, de pouvoir et de puissance qui doit compléter celles qui nous
semblaient donner relief et profil aux idéaux de la République.
1. Démocratie et autorité
Alors que l'anarchie — par excès de liberté — est proprement le
contraire de la démocratie, mais peut également signifier un moment de
rupture avec un système figé dans le cadre d'une démocratie historique,
l'autoritarisme — par excès d'ordre — est un ennemi mortel de la
démocratie (mis à part, en théorie, une « dictature » temporaire prévue
par les institutions en cas de péril extrême pour la démocratie elle-
même). Mais même si l'on reconnaît l'impuissance finale de l'autorita
risme, Y autorité reste une dimension indépassable du politique, issue de
la souveraineté qui veut que le Peuple ait autorité sur lui-même et
pensée sur le modèle de l'autonomie kantienne, dont l'héritage et la
conservation transcende ce qui dans le corps politique est proprement de
l'ordre du pouvoir. J'entend dire que là où une démocratie fait de la loi
et des principes constitutionnels la seule forme tolérée de l'autorité, il y a
de fortes chances que l'État, dans ce qu'il a de plus abstrait, mais aussi de
mieux conservé par la caste des légistes, devienne la seule instance
habilitée à « gérer » l'autorité en démocratie et à légitimer la démocratie
elle-même.
Vraisemblablement, il déléguera auprès de deux institutions privilé
giées le droit de médiatiser cette autorité que le Peuple exerce sur
lui-même : les institutions de l'Armée et de l'École. C'est là que sont
censées se former les citoyens, porteurs de la conscience nationale et
démocratiques, dont on dira — comme de l'amour pour les premiers
chrétiens — voyez comme ils sont libres, égaux, solidaires ! A leur tour,
les citoyens (peut-être un jour formés par d'autres maîtres) et le peuple
qu'ils composent auront autorité pour parler de démocratie.
L'autorité ne concerne pas d'abord et immédiatement le fait que toute
organisation collective comprend une instance de supériorité où la
compétence confère d'emblée une autorité ; elle concerne le fait que,
par delà les raisons qui obligent un Pouvoir à déléguer aux agents de
l'État un pouvoir déterminé et limité qu'ils sont autorisés à exercer, il y a
une impérativité de la loi et du système des lois, dont l'« esprit » se
confondrait aujourd'hui avec la démocratie. Comme si Montesquieu,
posant la vertu, principe des démocraties réservé jusque-là à de rares
exceptions voulues par la Nature ou la Providence, avait fourni une
formule universellement valable, qui v

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