Remarques sur la φιλία Labdacide dans Antigone et Œdipe à Colone - article ; n°1 ; vol.7, pg 209-229
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Remarques sur la φιλία Labdacide dans Antigone et Œdipe à Colone - article ; n°1 ; vol.7, pg 209-229

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Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1992 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 209-229
Remarques sur la Φιλία labdacide dans Antigone et Œdipe à Colone (pp. 209-229)
Constitutif de la société grecque ancienne et des textes qui en émanent, le champ de la φιλία révèle, dans la tragédie, sa polysémie souvent conflictuelle: on a étudié ici comment, dans Antigone et Œedipe à Colone en particulier, les liens de φιλία s'opposent et se superposent, entre famille et cité, filiation paternelle et maternelle, vivants et morts, jusqu'à s'annuler dans la figure même, autodestructrice, d'Antigone.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Alaux
Remarques sur la φιλία Labdacide dans Antigone et Œdipe à
Colone
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 7, n°1-2, 1992. pp. 209-229.
Résumé
Remarques sur la Φιλία labdacide dans Antigone et Œdipe à Colone (pp. 209-229)
Constitutif de la société grecque ancienne et des textes qui en émanent, le champ de la φιλία révèle, dans la tragédie, sa
polysémie souvent conflictuelle: on a étudié ici comment, dans Antigone et Œedipe à Colone en particulier, les liens de φιλία
s'opposent et se superposent, entre famille et cité, filiation paternelle et maternelle, vivants et morts, jusqu'à s'annuler dans la
figure même, autodestructrice, d'Antigone.
Citer ce document / Cite this document :
Alaux Jean. Remarques sur la φιλία Labdacide dans Antigone et Œdipe à Colone. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs
anciens. Volume 7, n°1-2, 1992. pp. 209-229.
doi : 10.3406/metis.1992.984
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1992_num_7_1_984REMARQUES SUR LA ΦΙΛΙΑ LABDACIDE DANS
ANTIGONE ET ŒDIPE A COLONE
Nous souhaiterions aborder ici quelques-uns des problèmes soulevés par
la lecture d'Antigone et & Œdipe à Colone, dans le cadre d'une enquête
plus large sur la polysémie conflictuelle du terme φίλος et de ses composés
dans la tragédie grecque1.
On sait que l'étymologie de φίλος est âprement discutée: selon Ben-
veniste, le sens réputé possessif de ce mot procéderait d'une valeur plus
générale qui ne se limiterait pas à l'entente entre les membres du γένος
mais supposerait un rapport fondé sur le pacte et la confiance engagée r
éciproquement2; J. Taillardat proposa même naguère une étymologie ad
hoc1. D'autres linguistes plaident pour l'extension d'une valeur originell
ement possessive4 ou, parfois, pour la primauté d'un sens électif désignant
1. Ce travail a été élaboré dans le cadre d'une recherche sur la filiation dans la tragédie
grecque, entreprise à l'E.H.E.S.S. sous la direction de Mme Nicole Loraux, et à l'occa
sion du séminaire de mythologie de M. Pierre Sullivan au Centre Evelyne et Jean Kes-
temberg, consacré notamment à une lecture d'Antigone: aux participants de ces re
ncontres, et à M. Sullivan en particulier, je tiens à dire ma dette pour d'éclairants et
féconds échanges à partir du texte de Sophocle et de ses interprétations. Je voudrais aussi
remercier de leurs encouragements, de leurs critiques et de leurs conseils, les lecteurs
bienveillants que furent, comme toujours, Mme Nicole Loraux et M. Pierre Vidal -
Naquet.
2. É. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions indo-européennes, Paris, 1969,
tome 1, pp. 335-354.
3. J. Taillardat, "Φιλότης, Πίστνς et fœdus", Revue des Études Grecques, 95, 1982,
pp. 1-14.
4. Voir E. Hamp, "Φίλος", Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 1982, 1,
pp. 251-262; autre hypothèse (locative): cf. G. Nagy, "Theognis and Megara: A Poet's JEAN ALAUX 210
l'affection entre deux individus5 avant de s'appliquer à des rapports in
stitutionnels. Quoi qu'il en soit de l'origine, les diverses acceptions de
φίλος et de ses composés, allant de la consanguinité à l'alliance, de l'affec
tion entre parents au lien entre compagnons et étrangers, permettent à la
tragédie de faire jouer de manière critique et agonistique, selon sa loi, les
différents groupes constitutifs de la cité. Des études récentes ont abordé
cette question dans le théâtre d'Euripide6, en soulignant notamment
l'écart qui sépare la tragédie du monde homérique, où les valeurs de φίλος
sont d'une remarquable cohérence7. Mais, aussi bien, il nous a semblé que
le champ sémantique de ce terme s'étendait à la quasi-totalité du corpus
tragique: aux tragédies d'Oreste, par exemple, chez Eschyle, Sophocle et
Euripide, mais aussi, chez Sophocle, aux deux œuvres qui mettent en
scène la figure d'Antigone face à Créon, face à Œdipe lui-même8.
Antigone illustre de manière exacerbée les paradoxes, voire les ant
inomies tragiques de la φιλία. Il ne saurait être ici question de relever et de
commenter toutes les occurrences du terme φίλος et de ses composés dans
la pièce; il nous paraît plus utile de nous attarder sur quelques passages où
s'affrontent et se recoupent précisément les diverses acceptions que nous
avons signalées9.
Vision of his City", in: Theognis ofMegara: Poetry and the Polis, T. J. Figueira and G.
Nagy éd., Baltimore and London, 1985, p. 27.
5. Voir J. Hooker, "Homeric φίλος", Glotta, 65, 1987, pp. 44-65, not. pp. 45-57. Sur
l'histoire des étymologies, voir M. Landfester, Das Griechische Nomen "philos" und
seine Ableitungen, Hildesheim, 1966, pp. 34-41 not., qui remarque: "Samtliche Ver-
suchen lassen sich... auf Zwei Ansàtze reduzieren. Diesen beiden Anzâtze sind durch
die Grundbedeutung, die man φίλος zulegt, bestimmt, also durch 'lieb' und 'eigen'" (p.
35). Voir aussi G. Nagy, The Best of the Acheans, Concepts of the Hero in Archaic
Greek Poetry, Baltimore and London, 1979, pp. 103-111.
6. Voir, notamment, D. Konstan, "Philia in Euripides'£7ecfra", Philologus, 129,
1985, 2, pp. 176-185, et. S. L. Schein, "ΦΙΛΙΑ in Euripides 'Alcestis", Métis, III, 1-2,
1988, pp. 179-206.
7. Voir notamment l'ouvrage de D.S. Sinos, Achilles, Patroklos, and the Meaning of
Philos, Innsbruck, 1980.
8. C'est après une première rédaction de ces pages que nous avons pris connaissance
du chapitre consacré par S. Goldhill à l'étude, selon lui exemplaire, des liens de φιλία
dans Antigone (Reading Greek Tragedy, Cambridge, 1986, pp. 79-106). Notre perspect
ive étant légèrement différente, nous avons utilisé cette étude précieuse sans, on l'e
spère, la recouper trop platement.
9. Voir le commentaire de S. Goldhill, op. cit. supra, pp. 88 sqq. Aux occurrences de
φίλος et de σύν, il faudrait ajouter, avec J. Lacan, celles de μετά (Le Séminaire, livre
VII, L'Éthique de la psychanalyse, Paris, 1986, p. 308): Antigone se replie, contre SUR LA ΦΙΛΙΑ LABD ACIDE 211 REMARQUES
S'il est vrai, comme on l'a souvent remarqué10, qu'Ismène occupe, entre
Antigone et Créon, une position médiane, on notera sans surprise que,
pour elle, φιλία familiale et φιλία élective coexistent sans déchirement in
time. La tension naît des contraintes extérieures: à la fin du prologue, une
fois qu'elle a été exclue de la sphère d'action d'Antigone, ses derniers mots
réaffirment qu'en dépit de sa "folie" , sa soeur demeure "justement chère"
(v. 99: ορθώς φίλη) à ses proches (τοις φίλοις)11. Ismène, selon le
Coryphée, est φιλάδελφα (ν. 527), terme à tout prendre moins équivoque,
moins inquiétant que Γαύτάδελφον κάρα, périphrase si difficilement
traduisible que lui octroie, au vers 1, Antigone, et qui récuse, pour r
eprendre l'analyse de G. Steiner12, toute discrétion dans la "sororité". Au
vers 548, Ismène déclare que, privée de sa soeur, elle ne saurait trouver
"chère" la vie (φίλος); il n'est pas jusqu'à Hémon qu'elle n'interpelle, au
vers 572, du superlatif φίλτατε, dans un passage qu'on a souvent attribué à
Antigone13. Elle s'offre à coopérer avec elle (v. 85: συν), à condition, il est
vrai, que leur acte demeure caché. Devant Créon, elle revendique une
complicité que sa soeur lui dénie (cf. v. 537; 541: ξύμπλουν; 545: σύν σοι).
Certes, la logique de la pièce oblige à souligner les connotations sinistres
de cette ressemblance avec Antigone qu'Ismène réclame: il y a bien, entre
elles, une complémentarité symbolique14, mais il faut opérer un long dé
tour avant de la déceler dans le personnage sophocléen, dont les paroles
postulent la possibilité d'un compromis entre les diverses valeurs de la
φιλία.
Antigone et Créon incarnent, en revanche, des antinomies symé-
Créon, vers les "siens" (v. 48: των έμών... μέτα) et près de son frère bien-aimé (v. 73:
μετ' αύτοϋ... φίλου μέτα) ; en revanche, elle refuse d'agir avec Ismène à ses côtés (v. φίλη
70: έμου... μέτα).
10. Voir G. Steiner, Les Antigones (Oxford, 1984), tr. fr. Ph. Blanchard, Paris, 1986,
p. 163.
11. Voir Goldhill, op. cit. (supra n. 8), p. 93.
12. Voir Steiner, op. cit. n. 10), pp. 228-231.

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