Rêve, roman, initiation dans les Métamorphoses d Apulée - article ; n°1 ; vol.22, pg 133-201
70 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Rêve, roman, initiation dans les Métamorphoses d'Apulée - article ; n°1 ; vol.22, pg 133-201

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
70 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1996 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 133-201
The authors of Greeks novels often resort to dream to enrich the fiction - frame work. The analysis of those night-visions particulary with the help of the categories of the Onirocriticon of Artemidorus shows that those dreams remain rather poor in those texts.
It's quite a different thing in Apuleius' Metamorphoses where the dream together with magics miracles contributes to creating an ambiguous and mysterious world and to marking Lucius' access to initiation. Dream then becomes one of the vectores that enable men to approach the gods.
The analysis of dreams shows to what extent the Metamorphoses express, in their own way, the philosophical propositions of Middle-Platonism.
Les auteurs des romans grecs font fréquemment appel aux rêves et aux songes pour enrichir la trame romanesque. L'analyse de ces visions nocturnes en particulier à l'aide des catégories de l'Onirocriticon d'Artémidore, montre que les songes restent dans ces textes assez pauvres.
Il n'en va pas de même dans les Métamorphoses d'Apulée où le songe intervient avec les miracles magiques pour nier un monde ambigu, mystérieux et pour marquer l'accès de Lucius à l'initiation. Le songe prend place alors parmi les vectores qui permettent aux hommes d'entrer en relation avec les dieux.
69 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Annequin
Rêve, roman, initiation dans les Métamorphoses d'Apulée
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 22 N°1, 1996. pp. 133-201.
Abstract
The authors of Greeks novels often resort to dream to enrich the fiction - frame work. The analysis of those night-visions
particulary with the help of the categories of the "Onirocriticon" of Artemidorus shows that those dreams remain rather poor in
those texts.
It's quite a different thing in Apuleius'" Metamorphoses" where the dream together with magics miracles contributes to creating
an ambiguous and mysterious world and to marking Lucius' access to initiation. Dream then becomes one of the vectores that
enable men to approach the gods.
The analysis of dreams shows to what extent the Metamorphoses express, in their own way, the philosophical propositions of
Middle-Platonism.
Résumé
Les auteurs des romans grecs font fréquemment appel aux rêves et aux songes pour enrichir la trame romanesque. L'analyse de
ces visions nocturnes en particulier à l'aide des catégories de l'"Onirocriticon" d'Artémidore, montre que les songes restent dans
ces textes assez pauvres.
Il n'en va pas de même dans les "Métamorphoses" d'Apulée où le songe intervient avec les miracles magiques pour nier un
monde ambigu, mystérieux et pour marquer l'accès de Lucius à l'initiation. Le songe prend place alors parmi les vectores qui
permettent aux hommes d'entrer en relation avec les dieux.
Citer ce document / Cite this document :
Annequin Jacques. Rêve, roman, initiation dans les Métamorphoses d'Apulée. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 22 N°1,
1996. pp. 133-201.
doi : 10.3406/dha.1996.2267
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1996_num_22_1_2267d'Histoire Ancienne 22/1, 1996, 133-201 Dialogues
REVE, ROMAN, INITIATION
DANS LES "MÉTAMORPHOSES" D'APULÉE
Jacques ANNEQUIN
Université de Franche-Comté
L'expérience du rêve est universelle. C'est, comme nous l'avons
montré ailleurs, la proposition initiale de la Clé des songes
d'Artémidore. Mais le premier paradoxe du songe veut qu'à cette
universalité de l'expérience réponde une singularité absolue des
contenus : chaque rêve est unique, s'adresse à une seule personne. La
vision de songe ouvre à l'homme assoupi un monde nouveau ou lui
présente une dimension nouvelle du monde ; cette vision vaut pour lui
seul. Heraclite notait déjà que si les hommes éveillés partageaient
le même monde, ils se détournaient en revanche dans le sommeil vers
la singularité. Si le rêve a un sens, d'où qu'il vienne, il est message, il
établit une communication entre le rêveur et un ailleurs. Il faut donc
savoir le déchiffrer. Rendu lisible, il peut être dit, le rêveur sort
alors de son isolement1 . Le second paradoxe du rêve est, lui aussi,
Cf. E.R. DODDS, Les Grecs et l'irrationnel, (1965), ch. IV; G. GUIDORIZZI, II
sogno in Grecia (1988) ; J. ANNEQUIN, Les esclaves rêvent aussi. Remarques sur
la "clé des songes" d'Artémidore, DHA, 13, 1987, p. 71-113. (bibliographie n. 1 et
2 p. 103) et Rêver c'est vivre ; du songe de l'esclave à la réalité de l'esclavage
chez Artémidore, Colloque Girea, Varsovie 1987, Index, 17, 1989, p 139-154 ;
S.R.F. РИСЕ, The Future of Dreams, from Freud to Artemidorus, P et P, 119, 1986,
p. 3-37. 134 Jacques Anneqtán
lourd de conséquences : le songe s'empare totalement de l'esprit du
rêveur mais lui reste radicalement extérieur ; personne ne peut avoir
prise sur ses visions nocturnes. Elles sont de l'ordre de la représenta
tion ; elles forment un spectacle dans lequel le dormeur peut être
directement impliqué mais sur lequel il ne peut agir. Son esprit est
investi par des images qui lui sont imposées ; il est rendu étranger à
lui-même.
C'est donc à un être autre, dans un temps suspendu, un espace
dissous, que le rêve propose des visions inédites, envoie des oracles.
Message venu d'ailleurs, il témoigne à la fois d'une transcendance et
d'une philanthropie divines dans la mesure où il crée un espace de
communication et en même temps situe le récepteur dans un rapport
de dépendance vis-à-vis du locuteur inconnu. Le songe est le signe de
l'immanence du divin et de sa bonne volonté puisqu'il est révélation,
dévoilement fugace de la vérité - d'une part de vérité - de l'impen
sable : das Unvordenkliche. Cette révélation peut se faire en
langage clair dans un face à face inexprimable réservé aux âmes
d'élite ou aux initiés, ou, sous forme d'images, de signes, qui ne
recevront qu'après coup un sens rationnel2.
Le songe signifiant déchire donc le rapport simple réalité-
vérité ; il lui substitue le jeu des énigmes - des symboles - où
l'apparent voile et dévoile à la fois des vérités enfouies. Le monde
du rêve, sous les apparences du réel, n'est qu'une fiction fugace, insai
sissable, sans épaisseur. Mais cette fiction dit le vrai. La réalité se
dissoud dans l'espace que ménage le symbole entre le signifié et le
signifiant3 . Ce monde apparemment réel mais qui s'avère fictif, cette
fantasmagorie qui s'empare du rêveur et pourtant lui reste étrangère
a quelque parenté avec le monde inventé qui revêt les habits du réel
dans la fiction romanesque. Le héros du roman vit, aime, souffre et
rêve... mais il n'est pas de ce monde. Il plonge le lecteur dans un
univers où le quotidien rencontre le merveilleux, l'emmène des
aventures qui ne sont pas les siennes, l'éloigné des autres, le rend
absent au monde réel, et, comme le rêve, le plonge dans sa
singularité, s'adresse à lui seul et puis enfin le laisse seul.
Cf. infra ch. 3, les remarques de H. FUGIER, Recherches sur l'expression du sacré
dans la langue latine, 1953, p. 301 sq., et P. VEYNE, Une évolution du paganisme
gréco-romain : justice et pitié des dieux, leurs ordres ou "oracles", Latomus, 45, 2,
1986, p. 259-283.
J. ANNEQUIN, loc. cit., p. 84 sq. L'image de songe a le plus souvent une significa
tion symbolique ; elle se caractérise donc par sa nature équivoque, son ambiguïté
et même sa polysémie. Elle joue sur le sens, sur l'écart entre signifiant et signifié.
Elle exige donc de l'interprète "une ration supplémentaire de rationalité"
(Cl. Lévi-Strauss).
DHA 22/1, 1996 roman, initiation dans les Métamorphoses d'Apulée 135 Rêve,
C'est donc tout naturellement que le rêve contribue à construire
la fiction romanesque ; il est un artifice narratif tout trouvé qui
permet de faire avancer l'intrigue, de faire surgir les rebondis
sements, de ménager le "suspens" par le piège de ses énigmes, de
montrer un monde enchanté.
Et puis il y a la fiction narrative, le film des images, et ce
qu'elle sous-entend, suggère, laisse entrevoir, en un mot la part de
vérité que peut dévoiler le roman. Car le discours romanesque peut
lui aussi jouer délibérément sur le symbole et les lectures multiples
qu'il propose. C'est, à l'évidence, le cas des Métamorphoses : les
images reflétées, les vues en trompe-l'oeil, les miracles de la magie
qui autorisent toutes les permutations, les métarmophoses qui chan
gent les formes mais qui protègent la nature profonde, les révélations
initiatiques qui permettent la rencontre face à face du mystique avec
son dieu, la fiction insérée du conte merveilleux, prennent au piège du
vrai et du faux le héros et le lecteur4 .
Dans ces conditions l'étude du rêve dans les Métamorphoses ne
peut se réduire à un simple relevé d'occurrences et à leur commenta
ire, elle suppose que l'on tente de cerner la nature des songes et leur
signification , de définir la façon dont ils s'expriment, de comprendre
ce qu'ils veulent dire, de situer les fonctions qu'ils assument dans le
système narra tionnel et dans la symbolique du récit... elle suppose
une enquête.
Cette enquête exige au départ que l'on sache ce que rêver veut
dire et ce que veulent dire les rêves. La clé des songes, d'Artémidore,
manuel pratique pour les spécialistes et pour les amateurs, nous
permet de mieux définir notre sujet.
Tout d'

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents