Claudine Herzlich, Janine Pierret, Malades d hier, malades d aujourd hui. De la mort collective au devoir de guérison  ; n°1 ; vol.3, pg 117-128
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Claudine Herzlich, Janine Pierret, Malades d'hier, malades d'aujourd'hui. De la mort collective au devoir de guérison ; n°1 ; vol.3, pg 117-128

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Sciences sociales et santé - Année 1985 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 117-128
12 pages

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Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 109
Langue Français

Extrait

Jean-Noël Biraben
Jacques Maître
Claudine Herzlich, Janine Pierret, Malades d'hier, malades
d'aujourd'hui. De la mort collective au devoir de guérison
In: Sciences sociales et santé. Volume 3, n°1, 1985. pp. 117-128.
Citer ce document / Cite this document :
Biraben Jean-Noël, Maître Jacques. Claudine Herzlich, Janine Pierret, Malades d'hier, malades d'aujourd'hui. De la mort
collective au devoir de guérison. In: Sciences sociales et santé. Volume 3, n°1, 1985. pp. 117-128.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1985_num_3_1_998/Jl
Sciences Sociales et Santé - vol. III - n° 1 - février 1985
NOTES DE LECTURE
Claudine Herzlich, Janine Pierret, Malades d'hier, malades
d'aujourd'hui. De la mort collective au devoir de guérison,
Payot, Paris, 1984.
Ce livre n'est pas, comme la plupart des ouvrages scientifi
ques, le résultat d'une entreprise unitaire dont les objectifs ont
été fixés à l'avance. C'est l'intégration dans un contexte social
et historique de cinq enquêtes menées entre le début des
années 1960 et le début des années 1980 auprès de plusieurs
centaines de malades souffrant d'affections très diverses,
excepté les maladies mentales. Ces enquêtes ont été conduites
dans des buts variés, il s'agit donc d'une reprise au second
degré dans laquelle seules ont été conservées les parties rela
tives aux expériences et représentations individuelles ou collec
tives de la maladie. Pour donner à ces extraits une unité et les
situer dans une perspective historique, les auteurs ont utilisé
comme «liant» des textes empruntés à la littérature, spécial
ement des journaux intimes et des témoignages personnels.
L'ensemble est structuré en trois parties : d'abord les malad
ies dominantes de chaque époque par rapport auxquelles se
situe souvent le malade, puis le discours des malades sur eux-
mêmes, sur leur mal et sur la médecine, enfin le statut du
malade tel que le perçoit la société et qu'il le ressent lui-même ;
chaque partie s'inscrit dans une évolution historique qui n'est
pas nécessairement causale mais constitue l'environnement qui
imprègne les esprits à chaque époque.
L'ancien régime de la maladie est symbolisé par l'épidémie,
spécialement la peste, la mort dense. La peur et la terreur
règlent les conduites: la plupart sont gagnés par la panique;
pour les riches, c'est la fuite, pour les pauvres le désespoir et
les désordres; malades et mourants sont abandonnés dans la
solitude et la souffrance. D'autres, devant l'impuissance des
médecins, se réfugient dans la piété: les uns se dévouent, se NOTES DE LECTURE 118
sacrifient, dans des confréries charitables; les autres tombent
dans la superstition ou se mortifient par la flagellation. Peu à
peu, la lutte collective contre la peste s'organise et aboutit à
des succès décisifs dans la seconde moitié du XVIIeme siècle.
A la fuite individuelle qui diffuse la maladie se substituent l
'isolement et la désinfection. Certes la brutalité des mesures fait
souvent de l'isolement une séquestration et de la désinfection
une épreuve dangereuse pour les individus comme pour les
objets et les tissus, mais la peste est vaincue.
Moins amples, massives et brutales, les autres épidémies
qui sévissent encore jusqu'au milieu du XIXeme siècle ne pro
voquent jamais de terreurs comparables, sauf peut-être tempo
rairement le choléra à ses débuts. Seules sont encore redoutées
un temps la variole qui défigure et la lèpre qui exclut du monde.
Les épidémies effacées, c'est la tuberculose qui incarne le
mal. On accuse l'hérédité, les passions tristes et le mal de
vivre. La forme en est généralement pulmonaire et lente,
comme un feu de l'âme autodestructeur. Jusqu'à l'apparition
des antibiotiques en 1950, on ne sait traiter que le terrain, par
le repos, le soleil et une bonne alimentation, ce qui contraint
les malades à mener une vie à part. Quand ceux-ci en ont les
moyens, la maladie est une occasion de voyager dans les pays
ensoleillés et d'être réduit à l'inaction, sans exclusion de la vie
courante: on reçoit des visites, on pense, on écrit, on se fait
des relations parmi les autres malades. Pour les pauvres, en
revanche, c'est l'enrégimentement des sanatoria, morne, ineffi
cace, qui débouche sur la mort et l'appauvrissement de la
famille. Légère gêne respiratoire au début, la maladie réduit
puis entrave peu à peu toutes les activités; l'angoisse de ne
pouvoir retrouver une vie normale, de ne pouvoir communiq
uer aux autres ses souffrances et le sentiment de lente mais
inexorable déchéance, hantent les esprits.
Les maladies reculent rapidement dès la fin du XIXeme siè
cle, non seulement devant le développement de l'hygiène
publique, mais aussi, peu à peu, devant l'efficacité des nouv
elles techniques médicales (inoculation, vaccinations, asepsie,
antibiothérapie) ou chirurgicales; les esprits changent, la mort
familière, dans la résignation sereine de l'âme qui va rejoindre
son créateur, recule devant la mort occultée parce qu'elle est
un insupportable échec de la science.
N'étant plus guère épidémiques (sauf la grippe et quelques
maladies d'enfant peu sévères), les maladies perdent alors leur
signification collective ancienne; le malade est d'autant plus
seul que les autres ne sont pas menacés par son mal. Jadis il DE LECTURE 119 NOTES
était seul pour des raisons inverses mais il ne s'agissait pas du
même genre de solitude... Aujourd'hui, les étiologies généti
ques et immunologiques individualisent encore plus la malad
ie. D'autre part, le malade n'est plus seulement un individu
dont la santé est déficiente par rapport à la norme, il a un
statut et appartient à un groupe social défini par l'arrêt du
travail et la prise en charge par la Sécurité Sociale. Car non
seulement on a le droit d'être malade et de recevoir des soins,
ce qui est nouveau pour les classes les plus pauvres, mais on a
le devoir d'être bien portant et beaucoup de malades support
ent mal le regard des autres : ils voudraient être comme tout
le monde; ce n'est pas tellement le risque de mort qui assaille
leur esprit que le statut à part.
Les épidémies qui répandent la mort ont en effet disparu
de la mémoire des peuples, elles ne font plus peur parce qu'on
peut les vaincre, même la tuberculose.
Non que les terreurs d'autrefois soient attachées à des
mentalités périmées: le choléra, pourtant minime, à Torre del
Greco en 1973, a provoqué une panique en tous points semblab
le à celle de la peste jadis: fuite des uns, renfermement ou
séquestration des autres, gens qui ne se parlent ni ne se tou
chent, étrangers accusés d'apporter le mal... Hors de ces épi
sodes sans suite, l'angoisse collective persiste cependant, mais
elle s'est cristallisée sur le cancer, réputé résistant aux soins.
Imprévisible, brutal, inguérissable, il attaque les deux sexes, à
tous les âges et dans toutes les classes sociales. Dans les fan
tasmes, c'est une pourriture qui ronge le corps, le détruit par
l'intérieur, le cancer n'est associé qu'à la mort. C'est une obses
sion pour beaucoup: si on proclame en 1960 que les maladies
infectieuses sont les vraies maladies, c'est que les victoires sur
elles sont toutes fraîches dans les mémoires et qu'on a la dou
ceur de ne plus s'en sentir menacé; quant aux maladies de
cœur et au cancer, certains les rangent dans la catégorie des
accidents aléatoires, pour garder leurs chances...
Il faut attendre 1980 pour voir des malades connus (le
ministre Norbert Segard, la chanteuse Pia Colombo...) parler
en public de leur mal, non pour s'exhiber, mais pour témoi
gner de sa gravité, de son importance, et engager à la préven
tion et à la lutte.
Les autres maladies modernes ne sont pas, et de loin, aussi
redoutées; les affections cardio-vasculaires, aussi pathogènes
et mortifères, et associées à l'idée de mort rapide, peuvent
cependant être combattues avec efficacité; les maladies du tra
vail, si inégalement réparties, &#

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