Économie de la drogue et théorie des jeux - article ; n°158 ; vol.40, pg 297-317
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Tiers-Monde - Année 1999 - Volume 40 - Numéro 158 - Pages 297-317
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mamadou Camara
Économie de la drogue et théorie des jeux
In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°158. pp. 297-317.
Citer ce document / Cite this document :
Camara Mamadou. Économie de la drogue et théorie des jeux. In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°158. pp. 297-317.
doi : 10.3406/tiers.1999.5306
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1999_num_40_158_5306ECONOMIE DE LA DROGUE
ET THÉORIE DES JEUX*
par Mamadou Cam ara**
En l'absence de données statistiques, les approches économiques cou
ramment appliquées à l'analyse de la drogue ne permettent pas
d'expliquer ni de comprendre l'émergence de ce phénomène. A partir
d'un tel constat, cet article se propose d'appliquer la théorie des jeux
pour pallier l'insuffisance des approches strictement économiques. Il
s'agit donc de prendre en compte l'environnement institutionnel dont
chaque acteur social essaie de tirer le meilleur profit. Après une brève
présentation des hypothèses et des résultats des analyses fondées sur
l'hypothèse du marché de la drogue et celles inspirées de l'économie du
développement, nous formalisons et discutons un modèle de jeu à trois
acteurs (trafiquant de drogue, homme politique et agent des forces de
répression) afin d'en tirer quelques enseignements pour l'étude de la
drogue en Afrique.
Les années 1980 et 1990 ont vu se mettre en place, dans les pays en
développement, un certain nombre de réformes économiques et politi
ques. Les premières, sous l'impulsion de la Banque mondiale et du
Fond monétaire international, ont consisté principalement en une plus
grande libéralisation de différents marchés et une plus grande ouver
ture commerciale. Les réformes d'ordre politique se sont traduites
(pour ce qui est de l'Afrique sub-saharienne) par un processus de
démocratisation avec l'introduction du multipartisme et la reconnais
sance de certaines libertés (liberté d'expression, d'association).
Le contexte de libéralisation et d'ouverture aux capitaux étrangers
- privatisations, constitution de zones de libre-échange - est, somme
* Je tiens à remercier tous mes amis et collègues du groupe MOST-CEDI-GREIDT, ainsi que Bruno
Jetin et Pascal Larbaoui pour leurs commentaires et suggestions.
** Université de Paris XIII, GREIDT-CEDI.
Revue Tiers Monde, t. XL, n° 158, avril-juin 1999 298 Mamadou Camara
toute, favorable au développement d'une économie de l'illicite. Les
privatisations et l'ouverture de secteurs, comme l'hôtellerie et
l'immobilier, aux capitaux étrangers représentent des occasions de
blanchiment de Г « argent sale »', tandis que la liberté de circulation
pour les biens et services offre aux trafiquants de drogue plus d'espace
et de perspectives.
Le contexte de démocratisation, en ouvrant la compétition pour
l'accès au pouvoir entre différentes composantes de l'élite (intellec
tuelle, économique, traditionnelle) et les processus de décentralisation
qui lui sont liés constituent de nouvelles dynamiques pour la corrup
tion et le développement d'une économie de la drogue.
Ce contexte économique et politique expliquerait en partie pour
quoi l'Afrique, qui jusqu'à une période récente semblait ignorer ce
phénomène, fait désormais figure de nouvelle élue de la drogue. Par
ailleurs cette dynamique est renforcée par la persistance d'un cycle
économique récessif qui est de nature à transformer une bonne partie
de l'économie informelle « non criminalisée » en économie de la
drogue. La chute des revenus paysans, qui a résulté de la baisse des
cours de matières premières, conjuguée, depuis les années 1990, à une
libéralisation des prix des produits alimentaires a poussé les paysans
à « diversifier » leur production par l'introduction de cultures illicites
(cannabis notamment). La rareté et la dispersion de données
statistiques ne permettent pas d'évaluer de façon quantitative
l'ampleur de cette production. L'intensité du commerce ou du trafic
se déduit généralement à partir des quantités saisies et du nombre
d'arrestations2.
Cet article ne se propose pas d'évaluer l'économie de la drogue
telle qu'elle se développe en Afrique. Son objet est d'ordre méthodolog
ique. Il part des limites relatives aux approches économiques habi
tuellement soutenues et appliquées dans l'analyse de la drogue, pour
mettre en avant le comportement stratégique des acteurs (trafiquant,
homme politique et agent des forces de répression) dans un environne
ment institutionnel donné. Il s'agit donc de voir comment la théorie
des jeux peut être mobilisée pour comprendre et expliquer le dévelop
pement des conditions favorables à l'épanouissement de ce type
d'économie. Par conséquent, une première partie est consacrée à la
1. Castelli (1998).
2. En prenant le cas du Nigeria, les saisies permettent d'avoir une idée sur la nature des produits en
circulation. Pour l'année 1995, le cannabis représentait 98,4%, la cocaïne 0,1%, l'héroïne 0,2% et
les 1,30% des saisies concernées représentant d'autres produits. En 1997, la répartition par type de pro
duit marque toujours la part prépondérante du cannabis (93,8 %) mais également la montée des substan
ces plus chimiques (amphétamines et autres) avec 6,07 %. Ce qui signifie que, par rapport à ces produits,
la cocaïne et l'héroïne restent marginales. de la drogue et théorie des jeux 299 Économie
présentation brève des théories fondées sur les hypothèses selon le
squelles : 1 / la drogue comme tout autre bien peut être analysée en te
rmes de marché (formation des prix et détermination des quantités à
partir de la confrontation entre offre et demande) ; 2 / à l'instar des
matières premières licites (agricoles et minières), la production des
drogues peut être perçue et étudiée à partir de ses liens avec
l'économie licite via les revenus distribués et les devises collectées. Il
s'agit d'approches en termes de développement. La seconde partie se
propose d'utiliser les outils de la théorie des jeux mettant en avant la
dynamique du jeu (en termes de coopération ou de conflit) entre
acteurs pour fournir une explication « systémique » du développement
de l'économie de la drogue. Elle consiste à formaliser et discuter un
modèle à trois joueurs pour aboutir à quelques enseignements pour
l'Afrique.
I/LES APPROCHES COURAMMENT SOUTENUES
POUR ANALYSER LA DROGUE
Les approches se fondant sur l'hypothèse
d'un marché de la drogue
Les analyses en termes de marché peuvent être présentées en fonc
tion de leur aspect micro-économique ou macro-économique.
Au niveau macro-économique plusieurs auteurs répondent à la
question : « Qui consomme de la drogue, pourquoi et comment ? » en
mettant en avant différents facteurs ou attributs qui poussent à la
consommation des drogues. A partir des régressions statistiques, ils
tentent d'expliquer la demande des stupéfiants par des facteurs de
risque comme l'appartenance à un groupe social ou ethnique, le
niveau de scolarité, l'âge, le sexe et comme variable retardée la
consommation antérieure d'une substance plus douce. Kopp (1997)
présente une synthèse des travaux d'auteurs américains abordant
l'étude de la drogue en fonction de ces aspects1. L'âge comme détermi
nant à la consommation des drogues fait intervenir d'autres facteurs
comme le phénomène d'imitation chez les jeunes, d'identification à
certaines vedettes de la musique « pop » et « reggae »2. Pour justifier
un taux de plus important chez les hommes par rap-
1. Ces études cherchent à expliquer un phénomène qui concerne des groupes ethniques caractérisés
par un niveau de scolarité situé en dessous des moyennes nationales (Noirs et minorités hispaniques
notamment).
2. PNUCID (1998). M amadou Camara 300
port aux femmes, le rôle d'une consommation antérieure d'une subs
tance plus douce (parfois l'alcool) est mis en avant.
Il faut noter que l'ampleur de la se mesure de façon
plus précise si deux conditions sont remplies : d'une part

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