etalement urbain 4 La these de la post-urbanisation
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631J. -P FERRIER« L’ETALEMENT URBAIN »DANS LES PAYS DEVELOPPES :LA THESE DE LA POST-URBANISATION (ou Théorie géographique de la métropolisation)Ce texte aborde le programme présenté dans L’introduction générale en interprétant l’« étalement urbain » dans une problématique favorable à la post-urbanisation (dans le cadre d’une théorie géographique de la métropolisation).1 UMR 6012 E.S.P.A.C.E., Université de Provence Aix-Marseille I64Partageant largement les analyses et les conceptions de Thierry Rebour sur les dynamiques territoriales, je me réjouis de participer à ce débat, avec la « mission » de défendre la thèse de la métropolisation. Je souhaite franchir à cette occasion une étape importante dans l’exposé et la mise en discussion de mes travaux sur cette conception des structures et dynamiques spatiales. Aussi, pour rendre le débat plus clair, j’ai décidé 2d’inscrire d’entrée de jeu ma défense et illustration de la métropolisation dans le cadre de la post-urbanisation. Car fondamentalement, la question étant de savoir quelle est la meilleure interprétation des structures et dynamiques spatiales actuelles et à venir, la réponse réside vraisemblablement dans le recours à une théorie de la désurbanisation, ou au contraire, dans celui d’une théorie de la post-urbanisation . Dans ce débat, ouvert à l’initiative de Thierry Rebour, je souhaite davantage encore apporter des éléments qui nous permettront d’aboutir à une synthèse supérieure et de nous ...

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J.-P FERRIER1
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L ETALEMENT URBAIN » « ’ DANS LES PAYS DEVELOPPES : LA THESE DE LA POST-URBANISATION (ou Théorie géographique de la métropolisation)
Ce texte aborde le programme présenté dansL’introduction généraleen interprétant l’« étalement urbain » dans une problématique favorable à la post-urbanisation (dans le cadre d’une théorie géographique de la métropolisation).
1UMR 6012 E.S.P.A.C.E., Université de Provence Aix-Marseille I
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Partageant largement les analyses et les conceptions de Thierry Rebour sur les dynamiques territoriales, je me réjouis de participer à ce débat, avec la « mission » de défendre la thèse de la métropolisation. Je souhaite franchir à cette occasion une étape importante dans l’exposé et la mise en discussion de mes travaux sur cette conception des structures et dynamiques spatiales. Aussi, pour rendre le débat plus clair, j’ai décidé d’inscrire d’entrée de jeu ma défense et illustration de la métropolisation2dans le cadre de la post-urbanisation. Car fondamentalement, la question étant de savoir quelle est la meilleure interprétation des structures et dynamiques spatiales actuelles et à venir, la réponse réside vraisemblablement dans le recours à une théorie de labsaaunrioénstdi, ou au contraire, dans celui d’une théorie de lapost-urbanisation. Dans ce débat, ouvert à l’initiative de Thierry Rebour, je souhaite davantage encore apporter des éléments qui nous permettront d’aboutir à une synthèse supérieure et de nous accorder sur des géoprospectives habitantes et pacifiques. Mes conceptions actuelles sur la métropolisation ont leur origine dans les recherches que j’ai développées durant les années soixante-dix dans le cadre de mes travaux de thèse. On en trouve donc les exposés dans mon mémoire de soutenance (1982)3 dans plusieurs de mes articles de ce temps-là4, et surtout, dans les deux volumes édités chez Edisud5 en de cette thèse. Le livres » 1983 et 1984 pour la publication des deux « « Livre 1 » :Antée 1 La géographie, ça sert d’abord à parler du territoire ou le métier des géographes, propose une interprétation structurale des sciences géographiques ; le « Livre 2 » :territoire Nouvelle géographie de la région Provence-Alpes-Leçons du Côte d’Azur, est une géographie/géoprospective régionale (structurale) de région la Provence-Alpes-Côte d’Azur.  2Comme montexte est postérieur à celui de Thierry Rebour, co-rédigé avec Jean-Albert Guieysse, il est inévitablement « surdéterminé » par la manière dont ils ont défendu ici la thèse de la désurbanisation. 3Ferrier J.-P.,Prolégomènes au discours géographique suivis de discours géographique sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azurd’Aix-Marseille II, Thèse pour l’obtention du doctorat, Aix : Université d’Etat, 1982, (1049 p.) – microfiches LILLE-THESE ISSN: 0294-1767 (référence 84.09.1241). 4Ferrier J.-P., « Du territoire à l'espace géographique ou le métier des géographes » , inBulletin de la Société Neuchâteloise de Géographie, n° 26, 1981, (pp. 25-59). Ferrier J.-P., « Le territoire de la vie quotidienne et le référentiel habitant », inGéopoint 82,Les territoires de la vie quotidienne, Avignon : Groupe DUPONT, 1982. (pp. 171-197). Théo Quant,Géoscopie de la France, Caen : Paradigme, 1984 : Ferrier J.-P., « Une interprétation structuraliste », (pp. 291-298). Ferrier J.-P., « Relire le territoire de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour y puiser les leçons d'une politique d'aménagement rural »,Colloque du Bureau Méridional de Planification, Aix-en-Provence, 14-15 mars 1983, (pp. 415-430). 5 J.-P., Ferrier Antée 1. La géographie, ça sert d'abord à parler du territoire, ou le métier des géographes, Aix-en-Provence : Edisud, 1984, (302 p.). Ferrier J.-P., du territoire. Nouvelle géographie de la région Provence Alpes-Côte d'AzurLeçons , Aix-en-Provence : Edisud, 1983, (254 p.).
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Il était dès lors acquis pour moi : ·que les sciences géographiques devaient être le terrain d’une activité épistémologique prioritaire, qui repose sur la théorisation et les méthodes quantitatives, et qui passe de façon centrale par l’explicitation et le développement du « discours » des géographes et la construction de modèles verbo-conceptuels et leur formalisation minimum ; ·Provence-Alpes-Côte-d’Azur était, dès ce moment-là, sauf pourque la région les communes de moins de deux cents habitants, « entièrement urbanisée6» ET qu’elle venait d’entrer, comme le reste du monde, en 1973, dans uneépoque radicalement neuve que j’appelais alors « Nouveau Moyen-Age » et que j’appelle (finalement) maintenant « Modernité 3 » ; ·que la région étudiée allait pouvoir être considérée comme un « modèle » de la Méditerranée, dont on postulerait qu’elle était elle-même un modèle des autres « régions » du monde, et donc aussi, un modèle du monde. Dans le présent débat, cela signifie que je n’allais cesser, dans les années qui suivront et nous mènent à maintenant, de lier réflexion théorique et connaissance territoriale, monde de la théorie et monde de l’empirie, en élargissant mon ambition de construire une théorie de la géographie et une connaissance étendue du monde, et d’abord de la Méditerranée et de l’Europe. C’est une entreprise où l’ampleur des nouveautés qui apparaissent au début des années soixante-dix (cette nouvelle étape de la modernité que j’appellerai « Modernité 3 »), était bientôt associée à un nouveau stade de la territorialisation des territoires (le passage de l’« urbain » à la « métropolisation »). J’avais en effet déjà pu associer la Modernité 1 à l’invention de la ville (et de la campagne) et de l’écriture et la Modernité 2 à la diffusion progressivement généralisée de l’urbain en liens avec le travail à la chaine et finalement la période fordiste. Je pense aujourd’hui que la forme grammaticale des mots utilisés : deux noms communs (ville et campagne) ; un adjectif (urbain) ; un nom commun qui indique une action (métropolisation) éclaire utilement la logique de nos conceptions sur les changements successifs du rapport de nos sociétés aux territoires. Dans le premier cas, en retenant (et opposant) deux dénominations des lieux, la posture est principalement descriptive et dualiste. Dans le second cas, en qualifiant le système sociétal d’un caractère progressivement universel, on projette sur l’ensemble des observables un même ensemble de traits qui resteront d’ailleurs faiblement définis. Dans le troisième, on 6Selon les données du Recensement de 1975, la « réalité urbaine » régionale, était analysée ainsi : ·Les «villes» : 76 communes rassemblent près de trois millions d’habitants et quatre-vingt pour cent de la population régionale ; ·Les «petites villes» : 67 communes aux effectifs rassemblaient près de trois cent mille habitants ; ·Les «villages-villesprès de cinq cent milles habitants (470 569) ;» : 494 communes, avec ·Les «villages» : 323 communes qui comptaient chacune moins de deux cents habitants –«immense ‘tiers’ du territoire où les habitants permanents vivent leur vie dans des communautés locales aux petits effectifs. » (Leçons du territoire: 133-135)
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s’intéresse aux processus spatiaux en les considèrant comme conséquences et causes de la transformation générale du monde oumondialisation. Il était en effet tentant d’avancer l’hypothèse que la Modernité 3, associée à la Mondialisation/Globalisation du monde, ouvrait une nouvelle époque de l’histoire ET un nouveau stade de la géographie, celui d’une nouvelle forme de la territorialisation. La relation métropolisation-mondialisation <m°-M°> offrait en effet un système explicatif susceptible d’ouvrir une connaissance géographique plus performante permettant de comprendre à la fois les dynamiques territoriales et le système économique et culturel dans sa phase de globalisation. Il arriva donc un moment où lamétropolisationmérita d’être reconnue comme une nouvelle réalité spatiale, fondamentalement «post-urbaine». Elle rendait compte en effet d’une nouvelle réalité du monde/une nouvelle période de l’histoire de l’humanité, postérieure à la longue histoire de la ville et de la campagne et à la courte et violente histoire de l’urbanisation. Il ne s’agissait donc plus de s’inscrire, conformément à la pensée alors dominante, dans une POST-modernité, mais bien dans une POST-urbanisation à désigner moderne »,, associée à une modernité encore plus « nécessairement commeModernité 3. Dès lors, la territorialisation des territoiresvs humanisation des hommes s’éclairait plus complètement d’être inscrite dans cette périodisation de la modernité (Modernité 1 ; Modernité 2 ; Modernité 3) correspondant aux séquences successives de la territorialisation (ville/campagne ; urbain ; métropolisation). C’est une puissante histoire des organisations spatiales qui se révélait ainsi, que j’ai pu contribuer à construire progressivement, au travers des aléas d’un métier d’enseignant-chercheur, de ma vie quotidienne et citoyenne, de mes lectures, rencontres et déplacements… Une histoire qui est une grande épopée géographique où l’on observe et comprend mieux les transformations du monde, de ses territoires et de leurs habitants. Ce point de départ signifie notamment que je suis, à la fois, tout à fait d’accord avec les analyses Rebour-Guieysse, quand ils reconnaissent la nouveauté d’une période commençant avec les années soixante-dix dans l’observation des mouvements démographiques en France et dans les pays développés et qu’il en décrivent les manifestations spatiales, et en même temps, très réticent, lorsqu’ils utilisent dans ce débat un vocabulaire pour moi ancien et dépassé, continuant d’utiliser les termes, de ville, de campagne, de péri-urbain, de rurbain, de rural, de rural profond…, d’armature urbaine, de métropole (sans faire de suffisante distinction entre métropole et métropolisation)…, affaiblissant leur critique légitime des règlementations statistiques par leur enfermement dans des termes obsolètes7 .
7 région étudiée selon les statistiques des recensements deC’est une posture que j’avais dépassée pour la 1975 (et 1982), considérée déjà alors comme presque entièrement urbanisée (cf. supra).
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1.L’étalement urbain dans les pays développés : désurbanisation ou métropolisation ?
Un ensemble de faits géographiques maintenant bien observés dans les territoires révèlent une situation nouvelle dont l’apparition est généralement aujourd’hui fixée aux débuts des années soixante-dix. L’article Rebour-Guieysse en offre un remarquable panorama, fort de son inscription dans un groupe de travail associé au système documentaire de l’INSEE et aux évaluations internationales animées par François Moriconi-Ebrard dans le cadre du développement de sa base de donnéesGéopolis. Par leurs liens étroits, notamment par l’intermédiaire de Jean-Paul Hubert, avec les travaux degéographie structurale Gilles Ritchot, ces auteurs méritent d’être reconnus de comme les membres actifs d’une « école » de géographie importante, dont le rayonnement devrait s’étendre, et dont je me considère très proche. Les formes de cette nouvelle territorialisation sont caractérisées par la construction d’un parc immense de logements neufs où dominent les habitations individuelles d’un pavillonnaire de faible densité associé à la présence de jardins et à un imaginaire de campagne. Ce nouveau tissu résidentiel, très lié à la mobilité automobile, coïncide avec une diminution de la population des villes les plus importantes. Sur ces faits, généralement bien observés, les interprétations divergent fortement : ·dans le cadre d’une lecture traditionnelle de l’urbanisation, il suffit d’ajouter des développements sur la rurbanisation, voire, l’exurbanisation, en multipliant éventuellement les catégories du rural ; ·le cadre métropolitain est de plus en plus employé. Mais l’attention est le plus souvent réservée aux formes périphériques du développement des métropoles. Les points de vue sont très différents d’un auteur à l’autre8. Notamment, parce qu’au-delà de zones plus ou moins étendues concernées par le phénomène et du jugement plus ou moins péjoratif qui leur est le plus souvent associé, la métropolisation est considérée comme une part (secondaire) de la territorialisation actuelle, dépendante de métropoles « économicistes » qui continuent de concentrer la meilleure part de l’urbain et de la ville ; ·Enfin, une thèse tout à fait différente, et très radicale, principalement défendue ici dans l’article de Rebour-Guieysse, défend l’idée que la territorialisation est maintenant entrée dans une phase de désurbanisation. Dans le présent article, je m’appuie sur l’histoire de mes expériences et travaux sur
8On peut consulter utilement : Leroy S., « Sémantiques de la métropolisation »,L’Espace géographique, 2000 : 78-86 ; Mongin O.de la ville à la non ville, Les rythmes urbains : , Université de tous les savoirs (Conférence du 19 avril 2000, CNAM).
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cette nouvelle territorialisation, pour défendre une interprétation unitaire de la métropolisation, comme nouvelle réalité en construction partout dans le monde, sous des gradients évidemment très différents et constamment évolutifs. Une théorie géographique de la métropolisation est associée à ces conceptions, qui restent très étrangères à la thèse de la désurbanisation.
Je considère donc qu’il est nécessaire de mettre en discussion un exposé « apaisé » de la métropolisation, qui reconnaitrait sa localisation et ses fonctionnements sur de très grandes étendues pluricommunales, au-delà des noyaux d’agglomérations. L’explication de ces structures et dynamiques spatiales ne serait pas encore avancée –et surtout ne se réduirait pas au rôle (critiqué) de la diffusion de l’automobile. Cette discussion chercherait à explorer le vocabulaire qui serait jugé nécessaire, dans un double souci de communication sociétale et de conceptualisation géographique. A ce dernier titre, la question serait posée de savoir si le rejet du terme de métropolisation ne s’explique pas (exagéremment) par la volonté de rester dans un monde de l’urbanisation et donc dans un anti-monde de la désurbanisation.
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2. La métropolisation : les faits, leur interprétation empirique
Mon attitude précocement critique devant la poursuite de l’emploi des termes deville et decampagne, d’urbanisation, ma curiosité devant l’ampleur des nouveautés spatiales et sociétales observables, mon étonnement devant les « faux-débats » qui portèrent alors sur la diminution des populations « urbaines » (des plus grandes villes), et les opportunités de mieux observer les territoires des pays en train d’entrer dans une immense phase de développement mondialisé et d’en devenir des acteurs principaux… me poussèrent, avec d’autres, à décider de rassembler aussi systématiquement que possible des faits géographiques susceptibles d’argumenter dans le sens de la métropolisationdes territoires. C’est une entreprise qui se formula d’abord dans mes enseignements9, les directions de travaux étudiants10, des formations hors de l’université11, puis dans ma participation à des groupes de réflexion sur les transformations des territoires méridionaux français12 puis européens13 colloques, des14et finalement dans plusieurs ouvrages collectifs15.
9universitaire 1985-1986, une UE de DEA puis de Master 2Notamment, à compter de l’année « Structures et dynamiques spatiales »,Métropolisation, qui s’appela bientôtMétropolisation et habitation durable. Cet enseignement permit l’exploration progressive, par grandes « régions » et grands thèmes, des différents champs géographiques concernés. 10mémoires de maîtrise et DEA/Master 1 et Master 2. PlusieursTravaux étudiants de cette UE, ainsi que thèses de géographie sont en cours d’achèvement sur cette question. 11Interventions dans des programmes de formation continue, auprès de la Fédération des Œuvres laïques du Var ou de l’Institut d’Aménagement régional d’Aix. 12Notamment au sein de l’IDREES (Institut d’Aménagement Régional Economique Ecologique et Social) de Toulon. 1 3Réseau transnational de compétence sur la métropolisation coordonné par laNotamment au sein du Région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre du programme d’initiative communautaire INTERREG II-C Méditerranée ocidentale-Alpes latines, ou du Réseau métropolisation Région Rhône-Alpes et Suisse / Région Provence-Alpes Côte d’Azur. 14: propagation des forces et recomposition territoriales. Vers uneColloque « L’espace en mouvement contre polarisation ? Une nouvelle donne en aménagement du territoire ? », organisé par le CREPPA, Faculté d’économie et de gestion, Université de Picardie Jules-Vernes, Amiens : 4 et 5 avril 1996. 15 La Méditerranée, Paris : CNED-SEDES, 2001, 2002 (256 p.) (avec Cori B., Dauphiné A., Doumenge F., Escallier R., Lozato-Giotard. J.-P.dir., Paulet J.-P., Repetto-Wurtz N.) Les très grandes villes dans le monde, Paris : CNED-SEDES, 2000, (242 p.). (avec Bailly A. S., Cadène Ph., Gibson L. J., Glenn E., Lozato-Giotard J.-P., Paulet J.-P.dir.) Entre Japon et Méditerranée. Architecture et présence au monde, Paris : Massin, 1999, (190 p.). (avec Sauzet M. et Berque, A.).
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2.1. Territoire-habitant-outil Lesterritoiressubissent les effets massifs des transformations actuelles du monde. Il est donc utile de se pencher avec soin sur les réalités et les relationsterritoire-habitant-outil, en partant de l'hypothèse, que cet ensemble représente un domaine majeur du déploiement de lamodernité, depuis lequel on peut accéder à une meilleure compréhension des lieux et discerner de plus nombreuses formes de développement16. Pour la clarté de l’argumentation, quatre propositions sont successivement mises à discussion: P1. Le système Territoire-Habitant-Outil commande notre habitation du monde ; P2. Ce système gagne en intelligibilité dès qu'on le reconnait comme domaine majeur du déploiement de la modernité, surtout si l'on retient l'hypothèse d'une Modernité 3 ; P3. Les formes actuelles de territorialisation de ce système méritent d'être désignées comme métropolisation, avec comme modèle local pour la France méridionale, la « Massalie » ou « Métropole méditerranéenne » (et son environnement mer, îles, et montagnes17; P4. Ce modèle peut être élargi en un modèle « Méditerranée », fondé sur le principe d'échanges réciproques dans la perspective d'une Modernité 3. L'habitation de la Terre est inséparable d'un système (ou si le terme est trop ambitieux, une « combinaison », une « organisation » -deux termes qui ont une grande importance en géographie- un complexe…, tout au moins un ensembleterritoire-habitant-outil,où : ·Territoiredésigne toute portion de surface terrestre, dont l'apparence (T) sensible est le paysage, et dont le niveau spatial inséparable de la vie quotidienne est le territoire de la vie quotidienne (Tvq) ;Habitant désigne (H) chaque personne qui habite et travaille dans les territoires ; ·Outill'ensemble matériel et immatériel, produit de l'inventivité des(O) désigne hommes, qui entoure toutes les actions humaines. L'outil est aussi bien un objet matériel (comme une pelle ou un ordinateur) qu'un objet immatériel (comme un mot du vocabulaire, une règle de droit, ou une théorie...). Ces éléments et leurs relations, en jeu dans le déploiement spatial des pratiques 16 Cette argumentation a été exposée pour la première fois à l’invitation de Jean-Pierre Angrand, dans le cadre du projetMED-CAMPUS (Réseau REUMADU -PROJET N° 110 « Formation continue en aménagement régional ») - Buoux, France, le 20 septembre 1994 :Approche géographique du système Territoire-Habitant-Outil : un ensemble de clés pour le développement (durable). 17Annexe «La métropole méditerranéenne de la France européenne ». Ce texte écrit avec Jean Bonnier est présenté ici sous une version 1993. Il a connu de nombreuses versions depuis la fin des années quatre-vingt jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Destiné à la revuefuturibles, il resta finalement inédit, mais il a beaucoup circulé dans les milieux de l’administration. Il constitue une sorte d’archéologie des conceptions métropolitaines en France méridionale : c’est à ce titre qu’il figure dans cet ouvrage.
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quotidiennes des habitants, en commandent les conditions de vie et d’activités et les perspectives de développement. Ils permettent une approche anthropologique des sociétés humaines et une réflexion spatialisée sur leur avenir.
Ma première proposition (P1) veut amplifier la lecture géographique des territoires, et donc fondamentalement éclairer l'habitation du monde. Elle place l'homme (l'habitant) au centre du projet scientifique. Le systèmeterritoire-habitant-outil nous <T*H*O> pousse à perfectionner nos connnaissances des lieux, et à réfléchir autant sur les choses, les objets qui nous entourent, que sur les idées qui circulent et les manières dont les gens pratiquent les lieux. Laterritorialité(Té) est à cet effet une utile nouveauté de la recherche spatiale, qui recouvre le champ conceptuel des « idées », des codes, des règles et des représentations qui entourent nos pratiques des territoires. Une double lecture territoire-territorialité est dès lors possible, qui doit prioritairement faire face à l'extraordinaire multiplication actuelle des outils qui « équipent » les territoires et entourent la vie de leurs habitants.
Ma seconde proposition (P2) vise à interpréter le système <T*H*O> comme un domaine majeur de déploiement de laModernité (Mé), dont la phase actuelle est désignée ici sous le nom deModernité 3 (Mé 3) –de nombreux auteurs parleraient au contraire de post-modernité ; Marc Augé parle pour sa part de surmodernité. Il suffira de dire d’abord à ce sujet que la Modernité est ce rapport au monde initié dans la pensée grecque et juive. Miracle grec et judéochristianisme, inséparables des médiations arabo-musulmanes, qui ont rendu à l'Europe médiévale la lecture des textes grecs et apporté tant de nouveautés, notamment à partir de l'actif foyer de l'Espagne du Sud, expliquent que l'état du monde est ce qu'il est aujourd'hui... La réappropriation de l'histoire de ces vingt-cinq siècles est un enjeu mondial de la civilisation contemporaine, qui appelle la mise en perspective de la contribution de toutes les cultures, et d'abord, pour nous, des cultures méditerranéennes. L'hypothèse d'une Modernité 3 permet de pointer l'extrême originalité du monde actuel, caractérisé fondamentalement par l'explosion du volume et de la complexité des outils qui entourent la mobilité des personnes et leur accès à de nouvelles formes de diffusion culturelle. Elle rend compte d'un monde post-fordiste (succédant au fordisme de laModernité 2), qui a son origine dans les années soixante-dix, les chocs pétroliers et l'apparition des préoccupations écologiques, la disparition du plein emploi et la montée du chômage, l'émergence des nouveaux pays industriels, la fin de l'URSS, des victoires bienvenues de la paix mais aussi d'affreuses régressions, un nouvel état du monde où le développement est en oeuvre dans de très nombreux pays. Territoire et modernité imposent le projet de mieux comprendre les spectaculaires changements actuels, ils poussent à théoriser l'explosion technoscientifique qui entoure le monde des outils. Ainsi l'ordinateur, outil emblématique du monde actuel, n’existait
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pas il y a cinquante ans ! Ses formes actuelles d’usage et ses performances, comme celles de l’Internet et du téléphone portable n'ont jamais plus de quelques années d'âge ! En liant l'information et la commande, ces outils instaurent des formes de travail radicalement nouvelles dont les conséquences sont immenses sur les conditions pratiques de la vie et sur le monde du travail. Dans les pays développés, les objets, les biens et les services qui entourent la vie quotidienne n'ont jamais été si nombreux et de si bonne qualité, alors que le chômage et l'exclusion ne cessent de s'étendre. Dans les pays en développement, une croissance très rapide multiplie les partenaires du système-monde pendant que s'aggravent les conditions de l'extrême pauvreté. Reconnaissons alors que nous vivons l'un de ces moments rares de l'histoire où le monde bascule, où il nous faudrait réussir une nouvelle « Renaissance ». Et qu'il nous faut trouver des clés d'aménagement, en observant que les échecs récents du développement pourraient peut-être s'expliquer d'abord par le recours trop tardif à des modèles de la Modernité 2.
Ma troisième propositon (P3) met en discussion l'hypothèse que le système <T*H*O> est soumis à un stade actuel de lalairtasiretotirion(T°) qui mérite d'être désigné par le terme deitasiloportémno (m°). Ce terme, qui se propose de remplacer celui d'urbanisation, veut signifier que celle-ci, commencée il a cinq mille ans (en même temps que l'écriture), dans un rapport ville-campagne en continuelle transformation, serait achevée. Cette hypothèse ne veut pas dire, évidemment, que la construction des logements va se ralentir et que les habitants ne seront pas de plus en plus nombreux à vivre dans des agglomérations très peuplées (au moins pendant une longue première période), mais elle postule l'entrée dans un stadepost-urbain où la durable distinction, entre la ville et la campagne, l'urbain et le rural, ne « fonctionne » plus. Depuis longtemps déjà, cette distinction était discutée, notamment dans des pays comme l’Italie, où l'intrication de l'urbain et du rural est si ancienne et profonde que la distinction avait perdu de son sens. En France, au contraire, cette distinction avec son corollaire de hiérarchie, est encore solidement défendue18. Dans cette perspective, une longue histoire –courte courte dans l'histoire de l'humanité- se terminerait, pendant que s'ouvriraient des perspectives nouvelles à identifier et à mettre en discussion dans les espaces publics d'aujourd'hui et de demain. Car tout lieu aujourd’hui, depuis lequel on peut atteindre en une heure un aéroport important, ou des universités, quand de nombreux habitants partagent le même univers culturel, ce qui signifie des conditions nouvelles à instaurer pour gérer les mobilités (matérielles et immatérielles) et dynamiser les grandes aires culturelles correspondantes, offre des opportunités spatiales et des dynamiques productives culturelles immenses. Comment ne pas y voir les traits d'un monde neuf, « désirable », que nos exigences d'équité nous poussent à réguler au bénéfice du plus grand nombre possible d’habitants ? Ce monde est neuf, parce que deux types d'ingrédients ont transformé le système 18 du service avec les thèses actuelles de la ville dense.Cette position reprend
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<T*H*O> : opportunités de mobilité, liées aussi bien aux capacités techniques des les déplacements (des plus longues distances aux proximités les plus locales) ; les appartenances et les « branchements » possibles aux mêmes grands bassins médiatiques. Quand le système médiatique est si diffusé, et que le système scolaire-universitaire-éducationnel est aussi ouvert, mesurons la nouveauté par rapport aux siècles passés, quand seuls les Princes recevaient une éducation de type scolaire jusqu'à 16 ans, ou qu’au XIXè siècle encore, la scolarité n'était obligatoire que jusqu'à 12 ans. Car c’est effectivement depuis les années soixante-dix que la scolarisation est obligatoire jusqu'à 16 ans et que les études supérieures concernent des effectifs si importants, si bien que l'entrée (complète) dans la vie active n'a souvent pas lieu avant l'âge de 25-26 ans. Une telle évolution en si peu de temps est une nouveauté absolue dans l’histoire de l’humanité, qui ouvre une nouvelle représentation des organisations et des processus territoriaux, appelle une théorie nouvelle de la territorialisation, permet de construire des modèles « locaux » susceptibles de rendre compte des territoires observés. La métropolisation crée donc des régions nouvelles. Ainsi, en France méridionale, un domaine nouveau, qui mérite d'être appelé Massalie (ou Métropole méditerranéenne), s’est constitué en moins d’une génération. Au centre, l'ensemble Marseille-Aix-Aubagne-Etang de Berre, (souvent appellé zone MAAB), rassemble, avec ses périphéries immédiates, deux millions d'habitants. C’est une métropole polynucléaire, extensive, fondée sur l'intensité des mobilités et le partage des lieux de travail, de services et d'accès aux consommations, notamment universitaires. Autour de ce « centre », un même domaine fortement interactif s'observe de Montpellier à Toulon et du littoral méditerranéen à Orange. Au total, près d'un millier de communes, riches de quatre millions d'habitants, à cheval sur deux régions et six départements. C’est un ensemble métropolisé qui n'a aucune administration commune, aucun système de télévision ou de presse unifié, aucun symbole commun capable de construire son identité. Territoire de fait, il unifie pourtant les périphéries montagneuses des Alpes et du Massif central, entrainant leur dynamique comme celle des espace maritimes, la Corse notamment étant inséparable de Marseille comme de Nice (et bien sûr de Paris...). Ce modèle additionne donc les zones dites « vides » et celles dites « pleines », les zones agricoles, quelles que soient leurs localisations et leurs productions, les centres commerciaux, les sites industriels, les grandes infrastructures, les quartiers divers des villes et des villages, les monuments naturels ou les parcs... Penser le développement est alors prendre soin de chaque facette de la mosaïque géographique, comprendre sa cohérence productive et/ou résidentielle ou récréative, imaginer ses opportunités spatiales en fonction des modes de vie, des aspirations, des pronostics que nous faisons sur nos prochaines façons d'habiter et d'accéder à des ressources, participer à des activités, construire du lien social. L'évaluation du rôle possible des grands équipements relationnels est ici décisive. Ainsi, quand le TGV relie depuis juin 2001, Marseille ou Montpellier à Lyon en 1 h 20, comment ne pas anticiper la naissance d'une plus grande métropole, nouvelle « ville de fait » permise par l'« heure » de transport en TGV, équivalente à l'heure de transport en RER en région
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