La corruption politico-administrative : émergence, constitution et éclatement d un champ d étude  ; n°4 ; vol.9, pg 333-354
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Déviance et société - Année 1985 - Volume 9 - Numéro 4 - Pages 333-354
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Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 80
Langue Français
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Extrait

Fernando Acosta
La corruption politico-administrative : émergence, constitution et
éclatement d'un champ d'étude
In: Déviance et société. 1985 - Vol. 9 - N°4. pp. 333-354.
Citer ce document / Cite this document :
Acosta Fernando. La corruption politico-administrative : émergence, constitution et éclatement d'un champ d'étude. In: Déviance
et société. 1985 - Vol. 9 - N°4. pp. 333-354.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1985_num_9_4_1455Déviance et Société, 1985, Vol. 9, No 4, pp. 333-354
Actualités bibliographiques:
LA CORRUPTION POLITICO-ADMINISTRATIVE:
ÉMERGENCE, CONSTITUTION
ET ÉCLATEMENT D'UN CHAMP D'ÉTUDES
F.ACOSTA*
La science politique contemporaine — note Padiôleau (1975 : 33) —
ne parle plus de corruption dans son acception classique, c'est-à-dire la
décomposition d'un régime politique. Ce sens, qui vient des oeuvres de
Platon et d'Aristote et qui a été repris, entre autres, par Machiavel,
Montesquieu, Rousseau, Proudhon et Weber, ne subsiste plus de nos jours
que dans de très rares écrits 1. Aujourd'hui, le terme corruption fait plutôt
référence à un rapport d'échange de faveurs, dans le sens le plus large du
mot. Échange de faveurs, bien entendu, entre au moins deux individus dont
l'un détient des responsabilités d'ordre public en raison de son apparte
nance au personnel de l'Etat 2.
Le passage du sens classique au sens moderne du terme a du même
coup transformé un champ d'études vraisemblablement délaissé en champ
de bataille de différentes définitions, conceptions, modèles d'analyse, théor
ies et, bien sûr, en lieu de querelles idéologiques le plus souvent courtoises.
Malgré la diversité d'affiliations disciplinaires qui caractérise les centaines
voire les milliers de titres qui portent sur ce thème, il nous apparaît possible
de les regrouper à l'intérieur d'une unité bibliographique que nous identi
fions sous l'appellation de littérature sur la corruption politico-administrat
ive.
L'examen schématique de cette littérature que nous proposons ici
vise, d'abord, à identifier et à analyser critiquement les étapes fondament
ales de l'évolution de l'étude de la corruption politico-administrative à tra
vers un considérable effort de recherche mené surtout à l'intérieur de la
science politique et de la sociologie américaines 3. Dans la deuxième partie
du texte, nous poserons un certain nombre de jalons qui devront permettre
d'évaluer la contribution de la criminologie d'allégeance sociologique à ce
même effort.
* Université d'Ottawa
333 I. Les pionniers, les savants et les autres
1. Une manière respectueuse et civilisée de faire des affaires
Apparemment tout le monde sait ce que corruption veut dire — c'est
la conclusion qui semble s'imposer lorsqu'on constate que beaucoup
d'auteurs, sans doute éblouis par le caractère indéniablement évocateur du
terme, ne prennent même pas la peine de problématiser sa définition, tandis
que d'autres, tourmentés par l'idée de lui en trouver une, le définissent de
différentes manières. En ce qui concerne ces derniers, on constate facil
ement que l'inflation défïnitionnelle a pris des proportions tellement import
antes que toute tentative de classification en cette matière est vouée en par
tant à l'échec. Les définitions suivantes, prises au hasard dans un certain
nombre de textes — certains classiques, d'autres plus récents — de ce
champ d'études, donne un aperçu de l'étendue de ce problème.
i. Rogow et Lasswell (1966 : 132/133) : un acte de corruption trahit la
responsabilité envers un système d'ordre public ou civique^ est incompatible
avec un tel système et risque de le détruire 4.
ii. Nye (1967 : 416) : la corruption est un comportement contraire aux
devoirs statutaires liés à une fonction publique (de nature élective ou autre)
en vue d'obtenir... un gain personnel ou améliorer une position sociale ; ou
qui viole les règles qui interdisent l'exercice de certaines formes d'influence
qui visent l'obtention d'avantages personnels 5.
iii. Rose-Ackerman (1978 : 1/2) : la corruption est l'utilisation de méca
nismes illégaux du marché, dans des décisions concernant l'affectation des
fonds publics, rejetée par le système politique démocratique 6.
iv. Sherman (1978 : 130) : la corruption est l'utilisation du pouvoir orga-
nisationnel pour l'obtention d'avantages personnels 7.
v. Benson (1978 : xiii) : corruption est toute utilisation illégale ou non
éthique de l'autorité gouvernementale en vue d'obtenir des gains personnels
ou politiques.
Ce mince échantillon de définitions de la corruption politico-administ
rative illustre sans doute la diversité de points de vue qui règne dans ce
champ d'études. Illégale (Nye, Rose-Ackerman et Benson), déviante (Nye),
non-éthique (Benson), manifestation d'opportunisme (Sherman), ou
même... subversive (Rogow et Lasswell), la corruption peut en outre être
envisagée tant du côté du corrompu que de celui du corrupteur. Pour le
premier, elle peut être source d'avantages matériels, politiques ou sociaux ;
pour le deuxième, elle s'avère le moyen d'obtenir une faveur, une «res
source rare» (scarce resource) ou encore un avantage (sous forme d'une
décision) qu'il n'aurait pas pu se procurer autrement. Le seul élément qui
semble faire l'unanimité parmi les auteurs cités c'est le fait que le corrompu
est une personne investie d'une fonction publique, ce qui n'est pas à propre
ment dire une grande constatation.
334 La solution classique à ce genre d'impasse consiste, comme on le sait,
à faire appel à l'ordre rassurant des classifications dites didactiques 8. L'util
ité de ces classifications demeure néanmoins sérieusement compromise car,
tout compte fait, elles ne réussissent à classer qu'un nombre restreint de
définitions dans un domaine où les tentatives en ce sens se comptent par
centaines.
Le nominalisme que cache cette vaste et inutile recherche de la bonne
définition de corruption — qui d'ailleurs n'est pas sans rappeler la quête
d'une « bonne définition de crime » 9 — a sans doute été illustré d'une
manière fort savoureuse par l'opinion d'un homme d'affaires de New
Delhi, personnage du roman de Prawer Ihabvala 10, qui tranche dans les
termes suivants les controverses en cette matière :
Pot de vin et corruption! Ce sont des mots étrangers, et les idées qu'ils
recèlent sont également étrangères. En Inde... personne ne connaît ces mots.
Donner des cadeaux et des pourboires aux fonctionnaires du gouvernement
est une forme de courtoisie indispensable, une manière respectueuse et civili
sée de faire des affaires (p. 721).
2. D'une chaire à l'autre : les étapes de la recherche sur la corruption poli
tico-administrative
L'évolution de la recherche (nord-américaine) sur la pol
itico-administrative s'inscrit dans une trajectoire à deux mouvements dis
tincts, chacun d'eux porteur d'une prétention particulière. Le premier mou
vement — le courant moraliste — dominera la littérature américaine sur ce
thème pendant les quarante premières années de ce siècle. Le deuxième —
le courant révisionniste — , dont les premières manifestations datent de la
deuxième moitié des années cinquante, ne deviendra véritablement hégémon
ique qu'au cours de la décennie suivante. Entre les deux, en divisant les
eaux, pas plus qu'une dizaine de pages de l'oeuvre principale de l'un des
bâtisseurs du modèle fonctionnaliste : Robert Merton. Peut-on y voir la
condition de possibilité du passage d'un mouvement à l'autre? A coup sûr,
mais de là à dire que Merton lui-même en était tout à fait conscient c'est
toute une autre histoire.
2.1 Les chasseurs de scandales
Dans son sens littéral, le mot composé muck-rake veut dire racloir à
boue, râteau à fumier, mais depuis le début du siècle on a fondu ces deux
éléments pour en faire un seul mot — muckrake — qui désigne le fait de
dévoiler des scandales. On attribue la paternité du terme au premier grand

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