Le Problème Morisque en Amérique - article ; n°1 ; vol.12, pg 283-306
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Description

Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1976 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 283-306
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 188
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. Louis Cardaillac
Le Problème Morisque en Amérique
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 12, 1976. pp. 283-306.
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Cardaillac Louis. Le Problème Morisque en Amérique. In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 12, 1976. pp. 283-306.
doi : 10.3406/casa.1976.2230
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1976_num_12_1_2230LE PROBLEME MORISQUE EN AMERIQUE
Par Louis CARDA ILL AC
Maître de Conférences à l'Université de Toulouse
Les Morisques, c'est un fait bien connu, vivaient en marge de la société
espagnole de leur temps. Le principal reproche qu'on leur adressait était
de ne pas participer aux grands idéaux politiques et religieux de la nation
espagnole. Ils pratiquaient en secret une autre religion, et tournaient leur
regard vers leurs frères du Maghreb; le Turc était leur suprême espoir. Par
ailleurs, leurs coutumes, leur genre de vie étaient différents. Les gouver
nants, tout au long du XVIe s., s'efforceront de pratiquer une politique
d'assimilation, mais en vain.
En 1584, Juan Rufo les juge en ces vers, dans une strophe du Chant I
de la Austriada:
«De los cuales ninguno profesaba
religion, castidad, letras ni guerra,
ni vagabundo, al viento vêlas daba
por altos mares lejos de su tierra.» 1
Ainsi, l'auteur constate que le Morisque, en refusant le célibat ecclésias
tique et en ne participant pas à la grande aventure guerrière ou colonisa
trice de son siècle, est très prolifique.
Après lui, fray Agustin Salucio, maître en théologie, dominicain, fera
la même constatation: «Ni los consumen las guerras, ni las Indias, ni los
presidios de Flandes ni de Italia, ni de su casta hay frayle ni monja, ni clé-
rigo, ni beata. » 2
Cervantes lui-même reprendra par deux fois cette même idée dans le
Coloquio d'abord, puis dans le Persiles: «No los esquilman las religiones,
Juan Rufo, La Austriada, B. A. E., t. XXIX, p. 8 a. On trouvera ce point déve
loppé avec bien d'autres références dans la riche étude de C. Colonge «Reflets litté
raires de la question morisque entre la guerre des Alpujarras et l'expulsion (1571-
1610)», Boletin de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, XXIII, 1969-
1970, pp. 137-243 (et spécialement pp. 194-195).
Fray Agustfn Salucio, Discurso acerca de lajusticia y buen gobierno de Espaila en los
estatutos de limpieza de sangre; y si conviene, o no, alguna limitation de ellos (sin
afio ni lugar) f. 22 et ss. 284 LOUIS CARDAILLAC
no los entresacan las Indias, no los quitan las guerras; todos se casan, todos o
los mâs engendran, de donde se sigue y se infiere que su multiplication y
aumento ha de ser innumerable. » 1
Ainsi, si nous adoptons le point de vue des écrivains contemporains,
nous devons croire que les Morisques n'ont en rien participé aux expéditions
des Indes. Or, la lecture des procès d'Inquisition de Lima, de Mexico, de
Cartagena de Indias nous a conduit à nuancer quelque peu ce jugement;
rien d'étonnant à cela, si l'on veut bien se souvenir que les auteurs pr
écédemment cités se font l'écho de l'opinion publique de leur époque. La
réalité historique est plus complexe et nous essaierons de l'analyser.
Nous nous proposons donc dans un premier temps d'étudier le point de
vue du législateur: que disent les Recopilaciones de Indias, et les Cedularios
sur le passage des Morisques aux Indes? Ensuite nous nous interrogerons
sur l'application de ces différents décrets et analyserons, à partir des t
émoignages inquisitoriaux, quelques cas precis. Il nous restera enfin à pré
ciser les différentes formes qu'a pu revêtir ce problème dans le Nouveau
Monde.
Ce thème n'est pas traité ici pour la première fois; quelques études part
ielles ont abordé ce sujet. Plusieurs articles de Robert Ricard ont eu le
mérite d'être des précurseurs dans ce domaine et d'ouvrir des voies ignorées
jusqu'alors. Le dernier travail paru sur ce thème est celui de Rolf Reicher,
publié à Madrid dans la revue Almenara en 1971 et intitulé: «Muçulmanos
no Brasil» 2.
1 Cervantes, Obras complétas, éd. Aguilar, Madrid, 1965, pp. 1.662-1.663.
2 Rolf Reicher, Muçulmanos no Brasil, Almenara, Madrid, 1971, pp. 27-46. Rolf
Reicher suppose — sans apporter de preuves — que des Mcrisques ont dû trouver
refuge au Brésil, Son étude étudie d'autres moments de la présence «musulmane»
au Brésil.
Comme le signale Fernand Braudel, dans son livre La Méditerranée et le Monde
méditerranéen, t, II, p. 130: «Les historiens de l'Amérique affirment aussi, et sur
tous les tons que le Morisque a pris sa part dans le peuplement de l'Amérique. Ainsi
Carlos Pereyra pour l'Amériqie espagnole: pour le Brésil, Nicolas J. Dabane.
L'influence arabe dans la formation historique et la civilisation du peuple brésilien,
Le Caire, 1911».
On pourra lire également l'article de Guevara Bazàn, Rafael, «Muslim immigrat
ion to Spanish America», Muslim World, t. LXI, 3, 1966, pp. 173-187.
Pour notre part, il va de soi que nous nous limiterons au cadre que nous nous
sommes tracé à partir du titre de l'article. Néanmoins nous ne pouvons faire moins
que de signaler un article récent d'un historien algérien selon lequel la découverte
de l'Amérique aurait eu des antécédents arabes; d'après lui, le nom de Brésil vien
drait des Banu Barzal de Msila (Moyen Atlas) et des vestiges arabes auraient été
trouvés en Amérique. Voir Fakhar: «Banu Barzal li-Msila fi al Brazil aw ustura
Kristuf Kulumb (Les Banu Barzal de Msila au Brésil ou la légende de Christophe
Colomb), Al-Thaqafa, Alger, IV, n° 20, 1394-1974, pp. 30-47.
Par ailleurs, contentons-nous de signaler le rôle des Morisques dans la trans
mission des nouvelles cultures introduites des Indes occidentales jusqu'en Espagne
au cours du XVIe s. et qui se développèrent en Barbarie, après l'expulsion de 1609, LE PROBLEME MORISQUE EN AMERIQUE 285
I. L'ASPECT JURIDIQUE DU PROBLEME
Dès le début de la colonisation, on exige que les personnes qui s'embar
quent pour les Indes présentent des garanties qui seront progressivement
précisées. En même temps que les Rois Catholiques y envoient des missionn
aires, ils manifestent leur volonté d'interdire le voyage à ceux dont la
foi est suspecte.
En 1501, il fut donné comme instruction à Ovando, lorsqu'on lui confia
la charge de gouverneur de la province de Tierra Firme, d'interdire l'entrée
du territoire de sa juridiction à ceux qui pourraient être une gêne pour la
conversion des Indiens: «No consentiréys, ni daréys lugar que alla vayan
Moros ni Judios, ni herejes, ni reconcialiados, ni personas nuevamente con-
vertidas a nuestra fe.» Une exception est prévue pour deux catégories d'es
claves: les noirs et ceux qui seraient nés dans une famille chrétienne l.
Quelques années plus tard, en 1513, le roi Ferdinand renouvelle ces
interdictions en les appliquant cette fois à la Isla Espafiola. Les fils et
au cours des XVIIe et XVIIIe s. Citons le maïs, les tomates, certaines variétés de
haricots verts, le piment et la figue dite de Barbarie, Opuntia ficus indica (en
arabe el hindi). On trouvera ces précieux renseignements dans l'excellent article
de Latham: «Towards a study of Andalusian Immigrations and its place in Tu
nisian History». Les Cahiers de Tunisie, t. V, 1957, pp. 203-252. Cet article a été pu
blié également en traduction française dans le recueil de M. de Epalza et R. Petit,
Etudes sur les Moriscos andalous en Tunisie, Madrid, 1973.
On peut ajouter à ces produits diverses drogues indiennes que les Morisques
allèrent révéler à la Turquie et aux Etats Barbaresques ainsi le «mecoquan» ou
«mechoacan», racine purgative provenant de la province mexicaine du même nom,
le «caragno» utilisé contre les maux de tête, lui aussi mexicain, et le «liquidambre»
dont on se servait pour la guérison des plaies. Le «chalapo», autre racine de prove
nance américaine, était utilisé avec le même effet que le «machoacan». Voir notre
article «Morisques en Provence», publié dans le recueil ci-dessus cité, pp. 89-102.
Nous ne développerons pas non plus le problème relatif à l'art mudéjar en Amérique.
Comme l'a indiqué dans plusieurs de ses travaux le Marquis de Loz

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