Le titre de « Roi des Rois ». Étude historique et comparative sur la monarchie en Éthiopie - article ; n°1 ; vol.2, pg 193-203
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Le titre de « Roi des Rois ». Étude historique et comparative sur la monarchie en Éthiopie - article ; n°1 ; vol.2, pg 193-203

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Description

Annales d'Ethiopie - Année 1957 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 193-203
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1957
Nombre de lectures 59
Langue Français

Extrait

Werner Vycichl
Le titre de « Roi des Rois ». Étude historique et comparative sur
la monarchie en Éthiopie
In: Annales d'Ethiopie. Volume 2, année 1957. pp. 193-203.
Citer ce document / Cite this document :
Vycichl Werner. Le titre de « Roi des Rois ». Étude historique et comparative sur la monarchie en Éthiopie. In: Annales
d'Ethiopie. Volume 2, année 1957. pp. 193-203.
doi : 10.3406/ethio.1957.1269
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ethio_0066-2127_1957_num_2_1_1269LE TITRE DE ROI DES ROIS
ÉTUDE HISTORIQUE ET COMPARATIVE
SUR LA MONARCHIE EN ETHIOPIE
PAR
WERNER VYGICHL
a. Le problème
L'empereur d'Ethiopie porte depuis des siècles le titre officiel de Roi des Rois
(Negusa Nagast). Si ce fait est universellement connu, il se prête néanmoins
à des interprétations différentes et encore tout récemment on a vu des savants
exprimer des opinions contradictoires à ce sujet.
Tandis que Miss Margery Perham, dans son livre The Government of Ethiopia
(London, 1948), soutient que le titre de Negusa Nagast laisse supposer l'exi
stence d'un certain nombre de rois subordonnés (p. 81), M. A. Van den Ouden-
rijn répond, dans son compte rendu dudit livre (Bibliotheca Orientalis, n° VI,
1949, p. 37-38), que ces rois subordonnés ne figurent point dans la Constitution
éthiopienne {1) du 9 Hamlë 1923 (19-7-1931). De plus, le titre de Negusa Nagast
était traduit dans les documents officiels, pour la plupart rédigés en français
avant 1935, toujours par le terme d'Empereur et jamais par celui de Roi des
Rois. Enfin, le titre officiel de l'Impératrice est bien Negesta Nagastât «Reine
des Reines », comme il figure par exemple sur le sceau de l'impératrice Zaouditou,
et non «Reine des Rois».
Tous ces faits font penser que le titre de Negusa Nagast est, selon la concep
tion éthiopienne, moins l'équivalent du titre de Roi des Rois (King of Kings)
que plutôt de Roi parmi les Rois (King among Kings). Cette tournure exprime
une espèce de superlatif ou une qualité par excellence. Van den Oudenrijn cite
(1) Ces rois subordonnés ont pu exister à une période antérieure. Les grands empires de l'anti
quité avaient très souvent la souveraineté sur des royaumes limitrophes. AINJNALES D'ETHIOPIE 1<J/i
à cette occasion plusieurs expressions analogues se trouvant dans la Bible
éthiopienne :
— le cantique des cantiques (Cant., I, 1);
— l'esclave des esclaves (Gen., ix, 25) ;
— les cieux des cieux (Deut., x, 14);
— le Dieu des Dieux x, 17);
— le Seigneur des Seigneurs (ibidem).
Avec ces expressions, Van den Oudenrijn mentionne également le titre de
Sâh-in-Sâh (1) que porte le Chah d'Iran et une expression arabe Sultan es-Salàtïn,
«sultan des sultans».
b. La méthode
Vu l'importance qui revient, en Ethiopie, au cours de toute son histoire, à la
personne de l'Empereur, il est proposé de procéder par la suite à une étude
systématique en examinant :
— des expressions analogues et leur répartition géographique;
— l'emploi du titre de Roi des Rois chez d'autres nations;
— l'histoire du titre de Roi des Rois en Ethiopie même;
—du titre de Reine des Reines.
Bien entendu, il ne s'agit pas de réunir un très grand nombre de citations
similaires, mais de faire un choix des cas susceptibles de nous révéler la signifi
cation de ce titre en Ethiopie et chez d'autres peuples.
c. Quelques expressions de formation analogue
Les tournures du type de Roi des Rois, Cantique des Cantiques, telles que
Van den Oudenrijn les a citées d'après la Bible ne se trouvent pas dans toutes les
littératures. Je n'ai pas pu relever un seul exemple en berbère, en haoussa et en
nubien ^2^. Je ne pense pas non plus qu'on puisse en trouver en malais où la
répétition d'un mot n'exprime pas le génitif mais un pluriel (radja radja « rois »,
orang orang «hommes»). Il y a donc des aires où ces constructions font entièr
ement défaut. D'autre part, on peut supposer, avec un assez haut degré de probab
ilité sinon avec une sûreté absolue, que le titre de Roi des Rois s'est développé
dans une «zone positive», c'est-à-dire dans une région où ces tournures étaient
d'usage courant.
Voici encore quelques citations bibliques : Roi des Rois et Seigneur des
Seigneurs (I Tim., vi, 15, et Apoc, xvn, 5) dits de Dieu et vanité des vanités
(1) Expliqué par Sàh-ân Sâh. Sâh-ân est le pluriel régulier. H. Torczyner, Z. D. M. G., 85
(1931), p. 291, distingue les groupes par ono mas tiques en deux types, l'un exprimant une rela
tion réelle (roi dominant d'autres rois) et l'autre exprimant un superlatif (redoublement
expressif) [communication M. A. Caquot].
<2) M. O. Kôhler, actuellement à Windhoek, me signale l'expression de ombara jozombara
dans la langue des Héréros, qu'il considère dérivé du Nouveau Testament. Une explication de
tous les titres se trouve chez F. Rudolf Lehmann, Das Hâupllingtum der Herero in Siidwest-
afrika (Sociologus, Berlin, 1955, p. 28-43). ETUDES 195
(Eccl., xii, 10). L'emploi du titre de Roi des Rois dans deux passages du
Nouveau Testament remonte bien à l'Ancien Testament (Deut., x, 17 cité par
Van den Oudenrijn) en raison de sa liaison avec celui de Seigneur des Seigneurs
et non au titre du Roi des Rois de Perse bien connu parmi les populations de
langue araméenne.
Dans la littérature talmudique, on trouve pour Dieu l'expression melek malkë
ha-mmëlâkim «Roi des Rois des Rois» (ou «Roi des Empereurs») qui est
évidemment inspiré par le titre du Roi des Rois de Perse. D'autres expressions
sont rubbd de rubbâ «la grande majorité» (araméen, litt. «la plupart du plupart»,
sg.) et pWe fëlà'ïm (hébreu) «merveilleux» (litt. «merveille des merveilles»).
L'hébreu postbiblique connaît enfin des tournures comme gannâb sa ba-
gganndbïm «grand voleur», rammdy sa bd-rammâyim «grand escroc», saqrdn
sa ba-ssaqrdnïm «grand menteur» (litt. «voleur qui est parmi les voleurs», etc.)
qui correspondent aux anciennes tournures telles que sdmë ha-ssamdyïm «les
cieux des cieux» ou lë-^ôlmë 'ôldmïm «in saecula saeculorum».
En Egypte, la formule «X des X» ne constitue pas un trait caractéristique de
la langue. Le titre de Roi des Rois est attesté seulement au Nouvel Empire,
immédiatement après l'expulsion des Hyksos sous trois rois et ensuite, après un
silence de plusieurs siècles, à la basse époque. Le dieu Amoun ^ est appelé à
Medînet Hâbou ^- j^ > — 0 H * J »J ! «ancêtre (père des pères) de l'ogdoade des
dieux» (K. Sethe, Amun und die acht Urgotter, Abh. d. Pr. Ak. d. Wiss., 1929,
phil.-hist. KL, n° 4, § 108). Une variante citée par Sethe montre la graphie
^ ^ ^ ^ * yat yatu «père des pères». Horus d'Edfou est appelé Hr Hr-u
« Horus des Horus» (M. Alliot, Le culte d'Horus d'Edfou au temps des Ptolémées,
Le Caire, 1949, p. 59, n. 1).
En Mésopotamie, le titre de Roi des Rois se trouve dans des textes assyriens
dans plusieurs variantes : bel bëlë « Seigneur des Seigneurs », Sar bëlë « Roi des
Seigneurs», Sar sarrâni «Roi des Rois» et Sar kal malkë «Roi de tous les Rois».
Les citations, sont données à la section suivante. Il y a également la forme bëlet
bëlëti «Maîtresse des Maîtresses» (Ungnad, Babylonisch-assyrische Grammatik,
Munich, 1926, p. 106, 1. 24 : be-let be-li-e-ti).
Avec l'expansion du christianisme, ces tournures se propagent dans le monde
entier et plusieurs d'entre elles ont été reprises par les littératures nationales.
Toutefois, il ne semble pas que cette construction ait été beaucoup imitée en
dehors du domaine religieux (gueeez : Tabiba tabibdn «sapiens sapientium»),
II y a quand même quelques constructions qui ne sont pas d'inspiration
biblique. La princesse Badroulboudour des Mille et une Nuits («pleine lune des
pleines lunes ») s'appelle « la plus belle lune pleine ». Tahdfut at-tahdfut, l'œuvre
du philosophe Averroes, ne signifie pas, comme on l'a traduit longtemps, «vanité
de Averroes' la vanité» Tahafut mais al-Tahafut, «l'incohérence Oxford des and incohérences» London,

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