Les interprétateurs - article ; n°1 ; vol.9, pg 199-234
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Description

L'année psychologique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 199-234
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1902
Nombre de lectures 85
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Binet
Les interprétateurs
In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 199-234.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Les interprétateurs. In: L'année psychologique. 1902 vol. 9. pp. 199-234.
doi : 10.3406/psy.1902.3431
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1902_num_9_1_3431VII
LES INTERPRETATEURS. — THEORIE ET PORTRAITS
J'ai suivi, dans les deux articles précédents, l'ordre chro
nologique de mes recherches. J'ai commencé l'étude de la sen
sibilité tactile en faisant des expériences sur des élèves d'école
primaire ; ensuite j'ai complété mes premiers résultats en
examinant l'influence de l'état de distraction sur les réponses
des sujets. On comprend par conséquent que les expériences
précédentes, que je viens d'exposer, et qui forment un tout assez
cohérent, m'aient conduit à admettre que la mesure ou soi-
disant mesure de la sensibilité tactile est une bonne épreuve de
l'attention volontaire ; il me paraissait évident que lorsque l'a
ttention est forte et soutenue, le sujet a un seuil bien déterminé
de la sensation double, les erreurs commises sur la pointe
unique sont insignifiantes, et les réponses « 2 » pour des écarts
situés au-dessous du seuil sont très rares ; à l'inverse, j'admett
ais que, lorsque le sujet est en état de distraction, soit que
cette distraction soit volontaire, soit qu'elle résulte d'une fa
iblesse congénitale de l'attention, comme chez les imbéciles, la
position du seuil est moins nette, les erreurs sur la pointe
unique deviennent appréciables, et les réponses « 2 » abondent
pour des écarts inférieurs au seuil.
Telle était la conclusion provisoire à laquelle j'étais arrivé.
Ce n'est pas une fausse, mais elle ne contient qu'une
partie de la vérité. J'étais sur le point dé publier mes observat
ions et mes expériences lorsqu'un heureux hasard — le hasard
joue toujours un grand rôle dans les recherches expériment
ales — me montra l'erreur que j'étais sur le point de com
mettre.
Un physiologiste eminent, le Dr X..., me demanda de
mesurer la sensibilité tactile de ses deux mains avec la méthode
de Weber. Ce physiologiste étudiait depuis quelque temps sur
lui-même l'influence des divers excitants du système nerveux
sur la motricité volontaire, et il avait remarqué que l'influence
des excitations sur le travail de la main variait beaucoup sui- ;
200 MÉMOIRES ORIGINAUX
vant que l'excitation était faite sur la moitié droite ou sur la
moitié gauche de son corps. Il crut donc utile de me faire
déterminer, au moyen de méthodes connues, l'acuité sensorielle
de sa moitié droite et de sa moitié gauche, afin de savoir si la
différence d'acuité qui existait chez lui était comparable à celle
que le professeur Biervliet, de Gand, venait de mesurer en
faisant des expériences sur un grand nombre d'individus. Je
fus très heureux de rendre ce service au Dr X..., et je me
préparai à l'examen de sa sensibilité tactile en faisant quelques
recherches analogues sur un autre sujet. Cet autre sujet est
une personne de ma famille, à qui je donnerai le nom de MmeR...
Mme R... est une femme de 40 ans, instruite, intelligente, qui
m'a prêté son concours déjà pour beaucoup d'expériences, et
qui présente, comme sujet psychologique, une grande qualité,
et aussi, il faut bien le dire, un grave défaut. La qualité, c'est
une extraordinaire énergie d'attention ; son attention provient
d'abord de ce qu'elle comprend toute la gravité d'une recherche
scientifique ; elle est, en outre, d'une conscience, d'une sincér
ité, d'une honnêteté remarquables ; et enfin, elle a beaucoup
d'amour-propie et cherche toujours à donner son maximum. 11
y a une dizaine d'années, je faisais des études de psychomé-
triej et j'ai pris avec Mm* R... des temps de réaction qui par
leur rapidité et leur régularité sont les meilleurs peut-être que
j'aie enregistrés dans ma carrière déjà longue d'expérimentat
eur. Ses temps de réaction avaient une durée moyenne de
0sec-,10. Ce sont là des signes indéniables d'une attention
très forte ; un sujet normal ne peut pas, sans déployer une
attention forte et soutenue, arriver à autant de vitesse et sur
tout de régularité '. Le défaut que présente Mme R..., comme
sujet pour la psychologie, est bien singulier: c'est une répu
gnance instinctive pour l'analyse mentale, juste le contraire de
ce plaisir à se confesser qu'on rencontre chez tant de femmes.
1. M. Pierre Janet, après d'ingénieuses expériences, a contesté les con
clusions qu'on tire habituellement des temps de réaction. 11 a soutenu que
la régularité des réactions peut tenir à un état d'automatisme ; et il a
prouvé le fait par des expériences sur des hystériques et d'autres malades.
Ces expériences sont curieuses ; mais je ne crois pas qu'on puisse les objec
ter aux psychologues qui étudient le sujet normal ; pour ce dernier, il reste
exact, à mon avis, que toutes les fois que l'attention est bien fixée, les
temps de réaction sont réguliers et rapides. Du reste, chez les malades de
M. Janet, une seule des deux conditions précédentes des réactions était
réalisée pendant l'automatisme, c'est la régularité ; la vitesse était bien
moindre que chez le normal qui fait effort d'attention. A. BINET. LES INTERPRÉTATEURS 201
Les questions psychologiques les plus simples blessent sa
pudeur; et elle cherche à ne pas répondre. C'est au point
que, malgré des interrogations pressantes, et réitérées pen
dant plusieurs années, elle ne m'a point avoué qu'elle avait des
traces d'audition colorée ; je n'ai surpris le lait que par hasard.
Quand j'ai étudié la sensibilité tactile de Mme R... aux deux
mains, elle s'est contentée d'indiquer dans ses réponses le
nombre de pointes qu'elle sentait, sans y ajouter aucun com
mentaire. Nous n'avons donc à notre disposition que des chiffres
pour connaître son acuité tactile. J'ajouterai qu'elle a paru,
comme je m'y attendais, très curieuse de savoir laquelle de ses
deux mains percevait avec le plus de finesse, et que son atten
tion était très forte. Elle connaissait les appareils dont je me
sers ; elle avait vu que toutes les pointes sont de même gros
seur, et que l'écartement seul diffère. Toute l'expérience fut
faite en une seule séance, le 11 février 19U1, à une heure et
demie de l'après-midi. Pour éviter les causes d'erreur prove
nant de l'entraînement et de la fatigue, je fis les contacts alte
rnativement sur les deux mains; je commençai par 7 contacts
sur la main droite, puis je fis 7 contacts sur la main gauche,
et ainsi de suite en alternant, jusqu'au nombre total de 168 con
tacts. Je donne les résultats en nombres, absolus et en pour- .
centage :
IŒCHEHCHES D ESTHESIOMETJHE SUR MADAME R.
POURCENTAGE DES RÉPONSES 2 NOMBRE ABSOLU DES RÉPONSES 2 ÉCARTS
DES POISTE3 MAIN ÜROITK MAIN GAUCHE MAIN DROITE MAIN GAUCHE
0 8,4 16,8 1 2
1 2n,2 3 8 67,2 84.'
1,5 42 5 10
2 91,6 100 H 12
2,5 100 12 12
3 100 12 12
3,5 100 100 12 12
Négligeons la différence de sensibilité tactile des deux mains,
qui ne nous intéresse pas pour le moment. Considérons seule
ment la sensibilité tactile' de la main gauche, telle qu'elle
résulte du tableau précédent. Ce qui frappe dans ce tableau, MÉMOIRES ORIGINAUX 202
c'est que le sujet a commis des erreurs pour la pointe unique,
et qu'il a donné des réponses 2 un grand nombre de fois pour
des écarts situés au-dessous du seuil ; ces deux particularités
se rencontrent dans l'examen de la main droite aussi bien que
dans celui de la main* gauche. Ce fut pour moi une vive surprise.
Je m'étais déjà habitué à penser que toute .personne qui fixe
convenablement son attention sur les sensations tactiles pro
duites par l'esthésiomètre ne commet jamais d'erreur sur la
pointe unique : c'était là, à mon avis, l'indice d'une attention
fixée. Je ne pouvais pas douter que Mme R... se fût montrée

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