Naissance de l « imagination » : essai de problématique au travers de la réflexion littéraire de la Chine et de l Occident - article ; n°7 ; vol.7, pg 23-81
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Naissance de l'« imagination » : essai de problématique au travers de la réflexion littéraire de la Chine et de l'Occident - article ; n°7 ; vol.7, pg 23-81

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Description

Extrême-Orient, Extrême-Occident - Année 1985 - Volume 7 - Numéro 7 - Pages 23-81
59 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Mr François Jullien
Naissance de l'« imagination » : essai de problématique au
travers de la réflexion littéraire de la Chine et de l'Occident
In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 1985, N°7, pp. 23-81.
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Jullien François. Naissance de l'« imagination » : essai de problématique au travers de la réflexion littéraire de la Chine et de
l'Occident. In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 1985, N°7, pp. 23-81.
doi : 10.3406/oroc.1985.940
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_1985_num_7_7_940NAISSANCE DE L'«IMAGINATION» :
ESSAI DE PROBLÉMATIQUE AU TRAVERS DE LA
REFLEXION LITTÉRAIRE DE LA CHINE ET DE L'OCCIDENT
François Jullien
Esquisse de la question
Quelle reconnaissance possible d'une fonction créatrice de l'ima
gination sous le règne de la mimèsis ?
De la mise en branle spontanée de la pensée créatrice transcen
dant librement les limites du temps et de l'espace (la représenta
tion du shensi dans le Wenxin diaolong)
Le rejet traditionnel du mythe et de la fiction : l'imaginaire
comme pure extravagance
Une irruption de la puissance transfiguratrice de l'imagination
incomprise par la tradition : le cas de Li He, le poète sans comm
entaire
Imagination et symbolisme : quelle place laissée à la reconnais
sance d'un déploiement autonome de l'image poétique entre
l'importance accordée à l'incitation émotionnelle et l'aspiration
à l'intuition de l'ineffable ?
La reconnaissance d'une positivité de la fiction et d'une vérité
de l'imaginaire à partir de la critique du théâtre et du roman ,
23 Esquisse de la question
La présente étude est née d'une double suggestion. En abor
dant l'an dernier, au travers des chapitres introducteurs du Wenxin
diaolong *, la question du statut du texte canonique (le Texte
confucéen) au sein de la tradition chinoise, j'étais conduit à
rencontrer du même coup, comme l'envers de cette question, le
problème du non-normatif ou du non-normalisable au sein de cette
civilisation : de tout ce qui échappe à la rectitude (zhengSSL ) du
(texte) canonique, Vanormal, l'extraordinaire, l'aberrant. En
effet, si le texte confucéen est pensé comme la norme au sein
de la civilisation chinoise, quel peut être dès lors le statut de ce
qui n'est point conforme à celle-ci, de cet étrange qui nécessair
ement doit être réprouvé pour sa «difformité» mais qui peut-être
aussi nous séduit, à l'antipode, comme merveilleux ? De même,
si le texte confucéen constitue à la fois la source et le cadre
ou l'horizon de toute production littéraire, quel saurait être
dès lors le statut d'une uvre qui transgresserait ces limites,
s'aventurerait au-delà de toute littérature reconnue, dévierait
de la source et se détournerait du modèle ? Une telle question
poignait nécessairement au cur de la codification théorique mise
ainsi en uvre par le Wenxin diaolong : de quelle monstruosité,
ou de quelle anomalie, ou de quelle fatalité, est donc atteinte la
production du texte, génératrice de la civilisation, et celle-ci
est-elle inéluctablement un mal ? Or la réflexion du Wenxin
diaolong, si manifestement sûre d'elle-même quand elle détermine
systématiquement, avec toute la tradition chinoise, la fonction
à la fois fondatrice et normative du texte confucéen, devient
étrangement hésitante, voire contradictoire, lorsqu'elle rencontre,
(à propos du statut des apocryphes ou de l'évaluation du Lisao),
ce résidu d'étrangeté qui venu de quel ailleurs ? résiste effic
acement à la norme, la double, la corrompt, la dépasse (1).
Après avoir été tenté d'accomplir de bout en bout le geste sécu
risant de la clôture : la civilisation chinoise se fondant sur une
généalogie parfaitement unitaire du Texte et se mirant sans fin
dans la totalité éternellement adéquate du corpus confucéen,
* Cf. notre précédente étude, «Ni Écriture sainte ni ouvre classique : du
statut du Texte confucéen comme texte fondateur vis-à-vis de la civilisation
chinoise», Extrême-Orient - Extrême-Occident, N° 5, p. 75-134.
24 du Wenxin diaolong est contraint de pratiquer plus ou l'auteur
moins subrepticement, chemin faisant, une ouverture. Mais «ouver
ture» sur quoi ? Il était tentant de créditer d'une valeur de symp
tôme le malaise théorique dont est ici visiblement frappée la
pensée chinoise : en orientant d'une certaine façon l'essor de la
civilisation, de quelle capacité propre de «canalisation» la tradition
confucéenne n'a-t-elle pas été douée, à quelle forme particulière
de censure pas dû de pouvoir ainsi s'épanouir et s'im
poser ? La question méritait donc d'être reprise en décollant cette
fois du texte même du Wenxin diaolong (puisqu'il ne peut explic
itement nous conduire plus loin), par le biais d'incursions diverses,
pour mieux fixer ce trou d'ombre, apparu soudain comme une
béance, au sein de la transparence de l'évidence dans laquelle
le monde confucéen se montre traditionnellement à lui-même.
Avec comme question de départ : qu'en est-il du statut de l'extra
ordinaire, de l'étrange, du fictif, au sein de la réflexion littéraire
en Chine ? ; et comme horizon de la problématique : qu'en est-il
du rapport à l'imaginaire au sein de la civilisation chinoise ?
Une telle interrogation peut rejaillir en d'autres lieux, par
d'autres bouts. Assistant à la fin de l'an passé à un colloque sino-
japonais consacré à ce même Wenxin diaolong *, j'ai été surpris
d'entendre mes interlocuteurs chinois ériger en théorie accomplie
de l*«imagination» la notion de shensi ffyfâ* à laquelle l'auteur
du Wenxin diaolong consacre un important chapitre : la notion
d'imagination était née en Chine, un bon millénaire plus tôt que
chez nous (2) ... Je passe sur la bonne cause du patriotisme cultur
el qui avait peut-être naïvement sa part dans un tel montage.
Mais que signifie au fond d'interpréter systématiquement telle
représentation chinoise ancienne par la notion moderne d'imaginat
ion, alors que ce terme chinois (shensi "ff ^ ) n'entretient par
lui-même aucun rapport sémantique avec la notion d'« image»
et que l'on sait d'autre part que l'usage actuel de la notion d'ima
gination en Chine, (en tant que xiangxiang $f^$<jdans le discours
de théorie littéraire ou philosophique) relève en fait d'une importat
ion de l'Occident, via le Japon d'abord (semble-t-il, à la fin du
siècle dernier), l'influence soviétique ensuite (à partir du maoïsme,
dans le cadre de la théorie «marxiste» de l'art et de la littérature ;
* Université Fudan, Shanghai, 19-24 novembre 1984.
25 cf. l'opposition du «romantisme» et du «réalisme» répandue par
Zhou Yang) ? Plus précisément : quelle équivalence globale peut-
on concevoir entre l'ancienne notion chinoise, disparaissant
d'ailleurs presque complètement du discours sur la littérature
à partir du VÏIIème siècle, sans substitut ni relais, et l'emploi
actuel, apparemment uniforme et standardisé, de la notion d'«ima-
gination» - dont la critique littéraire contemporaine fait un usage
si commun tant en Chine qu'en Occident si l'on n'est point
à même de justifier une telle adéquation au nom d'une même
logique d'ensemble des représentations ? Pour aborder correcte
ment le problème, il faudrait, pour le moins, me semble-t-il,
commencer par envisager non seulement à partir de quand une
théorie esthétique ou littéraire de l'imagination a commencé à
se faire jour dans la tradition occidentale mais aussi à partir de
quoi, par rapport aux catégories matricielles de la pensée occi
dentale, une telle conceptualisation est progressivement devenue
possible ; et parallèlement, vis-à-vis de la culture chinoise, il
conviendrait non seulement de considérer le destin propre de
telle représentation particulière mais d'envisager aussi, plus géné
ralement, en rapport avec elle, ces diver

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