Trois documents méconnus sur l histoire sociale et religieuse de l Afrique romaine tardive retrouvés parmi les spuria de Sulpice Sévère - article ; n°1 ; vol.25, pg 235-262
30 pages
Français

Trois documents méconnus sur l'histoire sociale et religieuse de l'Afrique romaine tardive retrouvés parmi les spuria de Sulpice Sévère - article ; n°1 ; vol.25, pg 235-262

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Description

Antiquités africaines - Année 1989 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 235-262
Three manuscrits of Orosius' Aduersus Paganos add a letter written by Sulpicius Severus, and three others from a different author. The first, called Epistula ad Saluium, had been written by an African landowner, living near the city of Matar, now Mateur, in northern Tunisia. Salvius, the letter addressee, claimed coloni living on an estate called the Fundus Volusianus, owned by the author ; he asserted their origo was sited on his own lands. In spite of Salvius' threatening words and of his intention of bringing the case before the courts, the author rejected the claim, Salvius' rights being, in his opinion, imaginary. The clash was the result of an old conflict having brought together the former owners of the lands. The document may be dated from the beginning of the Vth century. It shows how harsh were the clashes concerning the land property and exploitation. The author and his addressee where both advocates, so the letter uses accurate juridical sentences. We can see that the procedure, for such a claim of coloni, was quite similar to that concerning a claim of slaves. Some recent studies have strongly pointed out that the late Roman laws considered the coloni as free men. This document does not positively refute this statement, but it shows clearly the heaviness of the coloni's, overheads and subordination.
Two other letters from this set seem to have been written by the same African anonymous author. The first congratulates an addressee (surely a bishop) on having converted without recourse to coercion a lot of crude contrymen who practised a false and unlawful religion. This is an episode of the elimination of Donatism by the imperial laws, passed after the Conference of Carthage in 41 1 and compelling the landowners to convert their countrymen.
In another letter, the author asks the decurions of a city to exempt a newly baptised young actor from going on the stage, according to the prescriptions of the canon law, ratified by the imperial law. The document clearly shows that, in the Later Empire, an actor's job was seen as a compulsory public duty (munus).
Des manuscrits d'Orose transmettent une lettre de Sulpice Sévère, suivie de trois autres lettres qu'on ne peut pas attribuer à cet auteur. L'une, l' Epistula ad Saluium, est l'œuvre d'un propriétaire foncier africain, habitant la région de Matar (l'actuelle Mateur, en Tunisie du nord). Son correspondant, Salvius, exigeait que des colons travaillant sur un fundus Volusianus, propriété de l'auteur, fussent transférés sur ses propres terres où il prétendait qu'était située leur origo. Malgré les violentes menaces de Salvius, qui voulait porter l'affaire devant les tribunaux, l'auteur refusait de donner suite à sa demande, estimant que le dossier juridique de son adversaire était inexistant. Le conflit faisait suite à une vieille affaire ayant déjà opposé les propriétaires précédents. Le document, qu'on peut dater du début du Ve siècle, montre l'âpreté des conflits portant sur la terre et son exploitation. Les deux adversaires étaient des avocats, d'où la précision juridique des formules employées. La procédure de revendication des colons évoquée ici rappelle assez bien celle qui était utilisée pour la revendication d'esclaves. Ce document ne permet pas d'infirmer les recherches récentes sur le maintien des colons de l'Empire tardif dans le statut d'hommes libres, mais il met fort bien en lumière les lourdes contraintes et la stricte dépendance qu'ils subissaient.
Deux autres lettres de la même série semblent devoir être attribuées au même auteur africain anonyme. L'une félicite un correspondant, qui est certainement un évêque, d'avoir réussi à convertir sans user de la contrainte des paysans très frustes, qui pratiquaient une religion erronée et interdite. Il s'agit assurément d'un épisode de la liquidation du donatisme, conformément aux lois impériales émises à la suite de la conférence de 41 1, qui exigeaient des propriétaires fonciers qu'ils procèdent à la conversion des paysans de leurs domaines. Dans une troisième lettre, l'auteur demande aux décurions d'une cité de dispenser de jouer un jeune acteur récemment baptisé, qui devait renoncer à la scène conformément aux prescriptions du droit canonique, entérinées par les lois impériales. Le texte montre clairement comment, au Bas-Empire, l'exercice du métier d'acteur était vu comme une charge publique (munus) obligatoire.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 130
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claude Lepelley
Trois documents méconnus sur l'histoire sociale et religieuse de
l'Afrique romaine tardive retrouvés parmi les spuria de Sulpice
Sévère
In: Antiquités africaines, 25,1989. pp. 235-262.
Citer ce document / Cite this document :
Lepelley Claude. Trois documents méconnus sur l'histoire sociale et religieuse de l'Afrique romaine tardive retrouvés parmi les
spuria de Sulpice Sévère. In: Antiquités africaines, 25,1989. pp. 235-262.
doi : 10.3406/antaf.1989.1163
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1989_num_25_1_1163Abstract
Three manuscrits of Orosius' Aduersus Paganos add a letter written by Sulpicius Severus, and three
others from a different author. The first, called Epistula ad Saluium, had been written by an African
landowner, living near the city of Matar, now Mateur, in northern Tunisia. Salvius, the letter addressee,
claimed coloni living on an estate called the Fundus Volusianus, owned by the author ; he asserted their
origo was sited on his own lands. In spite of Salvius' threatening words and of his intention of bringing
the case before the courts, the author rejected the claim, Salvius' rights being, in his opinion, imaginary.
The clash was the result of an old conflict having brought together the former owners of the lands. The
document may be dated from the beginning of the Vth century. It shows how harsh were the clashes
concerning the land property and exploitation. The author and his addressee where both advocates, so
the letter uses accurate juridical sentences. We can see that the procedure, for such a claim of coloni,
was quite similar to that concerning a claim of slaves. Some recent studies have strongly pointed out
that the late Roman laws considered the coloni as free men. This document does not positively refute
this statement, but it shows clearly the heaviness of the coloni's, overheads and subordination.
Two other letters from this set seem to have been written by the same African anonymous author. The
first congratulates an addressee (surely a bishop) on having converted without recourse to coercion a
lot of crude contrymen who practised a false and unlawful religion. This is an episode of the elimination
of Donatism by the imperial laws, passed after the Conference of Carthage in 41 1 and compelling the
landowners to convert their countrymen.
In another letter, the author asks the decurions of a city to exempt a newly baptised young actor from
going on the stage, according to the prescriptions of the canon law, ratified by the imperial law. The
document clearly shows that, in the Later Empire, an actor's job was seen as a compulsory public duty
(munus).
Résumé
Des manuscrits d'Orose transmettent une lettre de Sulpice Sévère, suivie de trois autres lettres qu'on
ne peut pas attribuer à cet auteur. L'une, l' Epistula ad Saluium, est l'œuvre d'un propriétaire foncier
africain, habitant la région de Matar (l'actuelle Mateur, en Tunisie du nord). Son correspondant, Salvius,
exigeait que des colons travaillant sur un fundus Volusianus, propriété de l'auteur, fussent transférés
sur ses propres terres où il prétendait qu'était située leur origo. Malgré les violentes menaces de
Salvius, qui voulait porter l'affaire devant les tribunaux, l'auteur refusait de donner suite à sa demande,
estimant que le dossier juridique de son adversaire était inexistant. Le conflit faisait suite à une vieille
affaire ayant déjà opposé les propriétaires précédents. Le document, qu'on peut dater du début du Ve
siècle, montre l'âpreté des conflits portant sur la terre et son exploitation. Les deux adversaires étaient
des avocats, d'où la précision juridique des formules employées. La procédure de revendication des
colons évoquée ici rappelle assez bien celle qui était utilisée pour la revendication d'esclaves. Ce
document ne permet pas d'infirmer les recherches récentes sur le maintien des colons de l'Empire tardif
dans le statut d'hommes libres, mais il met fort bien en lumière les lourdes contraintes et la stricte
dépendance qu'ils subissaient.
Deux autres lettres de la même série semblent devoir être attribuées au même auteur africain
anonyme. L'une félicite un correspondant, qui est certainement un évêque, d'avoir réussi à convertir
sans user de la contrainte des paysans très frustes, qui pratiquaient une religion erronée et interdite. Il
s'agit assurément d'un épisode de la liquidation du donatisme, conformément aux lois impériales
émises à la suite de la conférence de 41 1, qui exigeaient des propriétaires fonciers qu'ils procèdent à
la conversion des paysans de leurs domaines. Dans une troisième lettre, l'auteur demande aux
décurions d'une cité de dispenser de jouer un jeune acteur récemment baptisé, qui devait renoncer à la
scène conformément aux prescriptions du droit canonique, entérinées par les lois impériales. Le texte
montre clairement comment, au Bas-Empire, l'exercice du métier d'acteur était vu comme une charge
publique (munus) obligatoire.Antiquités africaines
t. 25, 1989, p. 235-262
TROIS DOCUMENTS MÉCONNUS
SUR L'HISTOIRE SOCIALE ET RELIGIEUSE
DE L'AFRIQUE ROMAINE TARDIVE,
RETROUVÉS PARMI LES SPURIA DE SULPICE SÉVÈRE
par
Claude LEPELLEY1
Résumé
Des manuscrits d'Orose transmettent une lettre de Sulpice Sévère, suivie de trois autres lettres qu'on ne peut pas
attribuer à cet auteur. L'une, Γ Epistula ad Saluium, est l'œuvre d'un propriétaire foncier africain, habitant la région de Matar
(l'actuelle Mateur, en Tunisie du nord). Son correspondant, Salvius, exigeait que des colons travaillant sur un fundus
Volusianus, propriété de l'auteur, fussent transférés sur ses propres terres où il prétendait qu'était située leur origo. Malgré
les violentes menaces de Salvius, qui voulait porter l'affaire devant les tribunaux, l'auteur refusait de donner suite à sa
demande, estimant que le dossier juridique de son adversaire était inexistant. Le conflit faisait suite à une vieille affaire ayant
déjà opposé les propriétaires précédents. Le document, qu'on peut dater du début du Ve siècle, montre l'âpreté des conflits
portant sur la terre et son exploitation. Les deux adversaires étaient des avocats, d'où la précision juridique des formules
employées. La procédure de revendication des colons évoquée ici rappelle assez bien celle qui était utilisée pour la
revendication d'esclaves. Ce document ne permet pas d'infirmer les recherches récentes sur le maintien des colons de
l'Empire tardif dans le statut d'hommes libres, mais il met fort bien en lumière les lourdes contraintes et la stricte
dépendance qu'ils subissaient.
Deux autres lettres de la même série semblent devoir être attribuées au même auteur africain anonyme. L'une félicite
un correspondant, qui est certainement un évêque, d'avoir réussi à convertir sans user de la contrainte des paysans très
frustes, qui pratiquaient une religion erronée et interdite. Il s'agit assurément d'un épisode de la liquidation du donatisme,
conformément aux lois impériales émises à la suite de la conférence de 41 1, qui exigeaient des propriétaires fonciers qu'ils
procèdent à la conversion des paysans de leurs domaines.
* Université de Paris X. Département d'Histoire, 200, avenue de la République, 92001 Nanterre.
** J'ai bénéficié, pour l'étude de ces difficiles documents, de l'aide généreuse de savants amis à qui je voue une vive
gratitude. Après Peter Brown, qui m'a fait connaître ces textes, je dois citer Jean-Pierre Callu et Jacques Fontaine, qui m'ont
très efficacement conseillé pour leur traduction. Yan Thomas m'a permis d'élucider de délicates questions juridiques ; j'ai
consulté avec beaucoup de profit Jean-Michel Carrié sur l'apport de la lettre à Salvius à l'histoire du colonat ; Noël Duval
m'a signalé les représentations de chevaux porteurs de palmes sur les mosaïques ; Michèle Blanchard m'a suggéré le
rapprochement entre la turricula évoquée dans la lettre à Salvius et les tours des villas figurant sur les mosaïques africaines
tardives ; Lionel Galand, Yves-Marie Duval, Denise Grodzynski et Jean Peyras m'ont indiqué de très utiles références. Ma
reconnaissance leur est acquise, mais je revendique seul la responsabilité des erreurs et lacunes éventuelles. '
236 C. LEPELLEY
Dans une troisiè

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