Sociodynamique et politique d équipement culturel dans la société urbaine - article ; n°1 ; vol.14, pg 137-149
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Description

Communications - Année 1969 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 137-149
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Abraham Moles
Sociodynamique et politique d'équipement culturel dans la
société urbaine
In: Communications, 14, 1969. pp. 137-149.
Citer ce document / Cite this document :
Moles Abraham. Sociodynamique et politique d'équipement culturel dans la société urbaine. In: Communications, 14, 1969. pp.
137-149.
doi : 10.3406/comm.1969.1202
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1969_num_14_1_1202A. Moles Abraham
Sociodynamique et politique
d'équipement culturel dans la société urbaine
Le problème de construire un équipement culturel dans un Etat est lié à
celui de la définition d'une politique culturelle (cultural policy), c'est-à-dire
d'une démarche rationnelle. L'objet de cette étude est de mettre en évidence
les facteurs sous-jacents à ce problème et les éléments d'une doctrine de la
culture.
La culture est l'ameublement du cerveau des individus : chaque personne
a le sien, mais on peut parler de la culture d'une civilisation quelconque,
image globale du style des mobiliers individuels, dont le catalogue est fait
par les grandes institutions de mémoire sociale : bibliothèques, phonothèques,
musées, collections, etc., qui nous proposent un aspect quantitatif de la
connaissance des éléments, une première concrétisation de la culture.
L'individu se constitue une « culture » par le résidu — stable à courte
échéance, évolutif à longue échéance — , de réflexes ou de connaissances qui
restent inscrits dans son organisme à une époque donnée et qui peuvent être
considérés comme des états du « système » qui le constitue par rapport à un
stimulus ou à une situation nouvelle à laquelle il doit réagir.
Les termes de culture et d'éducation ont alors tendance à perdre de leur
spécificité. La a pour objet une création de comportements ou d'atti
tudes et le terme d'éducation ne doit plus être restreint à cette période qui
précède l'entrée dans la vie, où un esprit flexible incorpore à sa mémoire et
à son système nerveux une série de conditionnements dans une situation de
disponibilité. Nous entrons dans l'époque d'une éducation permanente où
l'individu acquiert à chaque instant de nouveaux éléments d'utilisation ayant
un caractère de plus en plus intellectuel et dont tout l'ensemble constitue sa
« culture individuelle ».
On appréciera la culture par le produit composé des atomes de connais
sance possédés par l'individu et enregistrés dans sa mémoire et par le nombre
d'associations ou de systèmes combinatoires dans lesquels il est susceptible
de le faire entrer.
Comment s'établit cette culture dans la société?
a) La culture ancienne, dont l'image est sous-jacente à la pensée human
iste, s'est établie essentiellement sur une grande disparité entre les niveaux
sociaux : elle conduit à l'idée d'une pyramide culturelle et trouve, théor
iquement, sa source essentielle dans l'éducation. En développant une image,
i37 Abraham A. Moles
nous dirons que les perceptions que nous proposent les phénomènes du monde
extérieur sont projetées par notre conscience sur un écran de référence qui
est la culture : tout ce que nous savions a priori et qui, dans l'image tradi
tionnelle, constituait un système ordonné, hiérarchisé, régulier, analogue à
un réseau de routes comportant des voies principales, des voies secondaires
et des concepts-carrefours.
b) La culture nouvelle en diffère essentiellement : nous l'avons appelée
« mosaïque ». Elle repose sur l'existence de deux couches sociales.
i° la masse alimentée par les mass media, arrosée par ceux-ci, immergée dans
un flux continu de messages de toute espèce, de tout propos, mais digérant
sans effort et sans durée des fragments de connaissances disparates, perpé
tuellement soumis à l'oubli. La culture y prend un caractère statistique et
passif. Elle retient de petits éléments de connaissance, les pierres de la
mosaïque que nous appellerons « culturèmes » avec Lévi-Strauss.
2° une autre couche est : la société intellectuelle des « créateurs » (au
sens le plus factuel du terme); immergée elle aussi dans le flux de la culture
mosaïque, elle y réagit d'une façon différente. Elle absorbe les éléments
qui lui sont proposés pour en faire une série d'autres messages, plus ou moins
originaux, qui vont être diffusés par les mass media.
Les modes de communication de masse, presse, radio et télévision surtout,
constituent le lien entre cette société intellectuelle et la masse du champ
social. Toutes les expressions reçues dans le champ social sont disparates,
disjointes, souvent contradictoires, elles vont se fixer au hasard dans le cer
veau des individus et construiront un écran de référence, une « culture ».
A l'encontre du précédent, il n'y a plus de point d'orientation, de réseau
ordonné, de voie royale, mais seulement des probabilités, des éléments plus
fréquents que d'autres, des fragments de connaissance, des résultats sans base
et des idées générales sans application, des mots-clés et des points hauts dans
le paysage culturel.
Notre société d'Extrême-Occident évolue vers une société de consommation.
Les différences entre classes sociales tendent à être effacées par le bien-être
et par les modes de vie qui deviennent de plus en plus communs à ceux qui
se trouvent placés en haut comme en bas de l'échelle sociale : la notion même
de classe sociale tend ainsi à s'estomper. Par contre, une nouvelle différen
ciation repose sur la culture et la forme que prend la culture dans une
société arrosée par les moyens de communication de masse. On peut supposer
que, dans la société de 1990, les groupes humains se différencieront selon
les goûts et les aptitudes de chacun de leurs membres.
Pour l'instant, ce qu'il est convenu d'appeler la culture tend à se normal
iser plus qu'à se différencier : tout le monde lit les mêmes nouvelles issues
des mêmes agences, voit les mêmes spectacles sur l'écran de la télévision et
du cinéma, a lu les mêmes livres issus par centaines de milliers des mêmes
maisons d'édition.
Nous tendons donc à vivre avec les mêmes idées et les mêmes réactions. En
fait, la véritable différence qui s'établit dans le domaine de la culture repose
moins sur la quantité de choses que nous savons ou que nous ne savons pas,
que sur notre attitude à l'égard de ces choses. Ici se pose le problème d'une
politique culturelle dans un univers guetté par deux dangers :
i° D'un côté, pour des raisons pratiques et économiques, l'immense major
ité de la société globale tend à se désintéresser de la façon dont se crée la
i38 Sociodynamique et politique d'équipement culturel...
culture et à l'accepter comme un produit qui lui est proposé avec des garant
ies venant des organismes qui la diffusent. Un petit noyau d'individus
deviennent alors des professionnels de la culture. Comme le fait remarquer
Edgar Morin, notre société recrée en fait un nouveau clivage entre consom
mateurs et créateurs. L'écart entre ceux-ci ne fait que s'accroître à partir
du moment où la culture repose sur des moyens de communication de masse
dont le fonctionnement est délicat et implique d'énormes capitaux. Lazars-
feld, Wright Mills, Berelson et d'autres ont bien marqué cette distinction, qui
émerge entre celui qui parle, qui crée les messages, et celui qui les écoute,
c'est-à-dire qui les consomme, pour les laisser imprégner son esprit sous la
forme de ce qu'il appelle la culture. La sociologie donne à cette notion une
mesure précise sous le nom d'aliénation culturelle, mesure du déséquilibre
manifesté entre ceux qui participent à la création culturelle et ceux qui,
essentiellement consommateurs, abandonnent ainsi toute action entre les
mains des spécialistes.
2° Par ailleurs, la notion, essentielle à notre mode de vie, de fatigue ner
veuse, et de budgets temps, incline l'individu membre de la masse soc

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