Solo, 1938 : naissance d une politique linguistique indonésienne ? - article ; n°1 ; vol.52, pg 119-141
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Description

Archipel - Année 1996 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 119-141
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jérôme Samuel
Solo, 1938 : naissance d'une politique linguistique indonésienne
?
In: Archipel. Volume 52, 1996. pp. 119-141.
Citer ce document / Cite this document :
Samuel Jérôme. Solo, 1938 : naissance d'une politique linguistique indonésienne ?. In: Archipel. Volume 52, 1996. pp. 119-141.
doi : 10.3406/arch.1996.3358
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1996_num_52_1_3358Jérôme SAMUEL
Solo, 1938: naissance d'une politique linguistique
indonésienne?*
Dans le courant des années trente, la question linguistique aux Indes néer
landaises est agitée par plusieurs débats qui portent sur les différentes
variantes du malais les plus répandues dans l'archipel et dont les enjeux ne
sont pas seulement linguistiques.
Le premier conflit oppose le malais dit de Riau et le malais véhiculaire. Les
autorités coloniales promeuvent le premier par les travaux normatifs de philo
logues tels que Van Ophuysen, par le système scolaire et par la maison d'édi
tion Balai Pustaka (Hoffman, 1979;Maier, 1993a). Mais, dans les grands
centres urbains, dans les milieux les plus dynamiques de la société coloniale
«indigène», dans la presse, les locuteurs malais emploient le malais véhiculair
e, aux contours encore mal définis. Par le serment prononcé le 28 octobre
1928 11), de jeunes nationalistes indonésiens ont donné une dimension politique
à cette opposition, en proclamant le malais véhiculaire «langue de l'unité»
sous le nom de bahasa Indonesia. En réalité, les deux langues, certes proches,
entretiennent les rapports d'une langue véhiculaire {bahasa Indonesia) avec
une de ses variantes vernaculaires (le malais de Riau).
Le second conflit concerne les rapports entre le malais véhiculaire et
l'ensemble des langues régionales parlées dans l'archipel. L'affirmation de
1928 est certes sans effets pratiques, mais elle pose l'existence d'une langue
Je tiens à rappeler la mémoire de Jacques Leclerc qui avait eu la gentillesse, alors
qu'il était déjà très malade, de relire une première mouture de cet article et de me faire
part de ses remarques.
1. Affirmation de la triple unité, territoriale, nationale et linguistique de l'Indonésie.
Archipel 52, Paris, 1996, pp. 119-141 Jérôme Samuel 120
qui a vocation à devenir langue nationale, et bouleverse ses rapports avec les
autres langues qui ne seront jamais que des langues régionales. Sur ce plan-là
également s'opposent la logique nationaliste et la logique coloniale, car cette
dernière tend à encourager l'usage des langues régionales dans l'enseignement,
au détriment du malais, à partir du début des années trente (2\
A la même époque, un certain nombre d'intellectuels indonésiens s'en sont
pris au sino-malais : ils acceptaient mal que la langue d'une minorité considé
rée comme étrangère, participe à la formation de l'indonésien et que cette
même minorité puisse diffuser une langue de contact comme l'était le sino-
malais (Salmon, 1980: 180). Cl. Salmon (1980) et D. Oetomo (1991) ont mont
ré que le sino-malais ne correspond pas tant à un ethnolecte (la langue des
communautés sino-malaises) qu'au malais véhiculaire lui-même, tel qu'il était
parlé dans les milieux urbains à Java à la fin du XIXe siècle et dans les pre
mières décennies du XXe siècle; d'ailleurs Oetomo préfère pour sa part parler
de «malais pré-indonésien» (id.: 55). Dans l'état des recherches, les écarts li
nguistiques constatés permettent de distinguer des variétés régionales d'une
même langue (le malais), plutôt que deux supposés ethnolectes transrégionaux,
l'un propre à une communauté dispersée dans tout l'archipel (les Chinois) et
l'autre parlé par des communautés aussi différentes que les Javanais du Pasisir
ou les Sumatranais de Medan. La confusion vient de ce qu'à Java le malais
véhiculaire s'est répandu dans les milieux chinois, avant de toucher les
milieux javanais, donnant à ces derniers l'impression d'employer une langue
caractéristique des Chinois.
C'est dans ce contexte sociolinguistique qu'a lieu à Solo, en 1938, le pre
mier congrès de l'indonésien. Malgré son caractère initial et le rôle eminent de
la langue indonésienne dans le processus de construction nationale, ce congrès
n'a pas fait l'objet d'étude particulière ni suscité beaucoup d'intérêt parmi les
sociolinguistes ou les historiens de la langue. La plupart des auteurs en ment
ionnent brièvement l'existence. Quelques-uns donnent les textes des interven
tions et des résolutions, mais sans jamais les assortir d'analyse. Parmi les idées
qui circulent régulièrement à son sujet, on trouve le rôle moteur de la revue li
ttéraire Poedjangga Baroe et de son responsable Sutan Takdir Alisjahbana, et
une volonté de purisme linguistique qui s'exerce à l'encontre du sino-malais.
Les auteurs les plus exhaustifs sont Kridalaksana (1991) pour les textes et
Soebagiyo (1980) sur l'organisation du Congrès. Il faut encore citer R.A.
Suprapto, dont l'article vaut surtout pour le tableau thématique comparatif des
décisions adoptées par les cinq premiers congrès de l'indonésien, mais tout
cela reste limité.
Le texte qui, suit tente de combler cette lacune. Nous verrons que la tenue
du Congrès de Solo est moins l'œuvre d'écrivains ou de linguistes, que de
journalistes «engagés» et que les débats, révélateurs d'un changement d'atti-
2. Le malais devient une matière facultative dans les écoles indo-néerlandaises (HIS) à
Java en 1930 et dans toutes les Indes néerlandaises en 1932. En 1933, S.T. Alisjahbana
s'insurge contre le recul du malais dans les écoles d'Aceh, du pays minang et de
Sulawesi (Alisjahbana, 1988:42-43).
Archipel 52, Paris, 1996 1938 .'naissance d'une politique linguistique indonésienne ? 121 Solo
tude à l'égard de l'indonésien, tracent de réelles perspectives pour cette
langue. Enfin, nous tenterons de comprendre pourquoi le Congrès de Solo a si
peu intéressé les chercheurs indonésiens.
La préparation du Congrès : langue, presse et nationalisme
En 1938, l'idée d'un congrès de l'indonésien était dans l'air depuis
quelques années. Dans un article paru dans Poedjangga Baroe en juillet 1936,
Alisjahbana, ardent promoteur de l'indonésien, «langue de la nation indoné
sienne», critique sévèrement le Congrès du javanais que tient alors le Java
Instituut à Yogyakarta. Alisjahbana taxe ses débats d'artificiels et de stériles et
lui reproche de se tromper d'objet, par sa nature purement linguistique (1988 :
67-69). En réalité, ce congrès a traité de problèmes qui relèvent d'aménage
ment de la langue et non pas de philologie ou de linguistique : langue d'ense
ignement (javanais ou néerlandais) à utiliser dans les écoles primaires supé
rieures (MULO), mesures à prendre pour promouvoir et moderniser le javanais
face à la concurrence du néerlandais, emploi possible du javanais dans les
assemblées régionales (Regentschapraden). Certes, les débats ont moins porté
sur le statut de la langue, que sur ses capacités linguistiques à remplir ces dif
férents rôles. Cependant ils semblent avoir été assez animés et ont évoqué la
question du malais ainsi que les aspects politiques du problème @\ ce que les
organisateurs n'avaient pas prévu. Mais au fond, peu importe. Alisjahbana ne
retient qu'une chose, seul un congrès de l'indonésien s'impose:
«Nous devons organiser un de la langue nationale afin d'affirmer nos vœux
et nos objectifs, afin de fixer des tâches et un guide pour le vaste chantier de
reconstruction de notre nation.» (Alisjahbana, 1988:69)
A l'approche du Congrès de Solo, d'autres nationalistes expriment les mêmes
critiques et le même désir, parfois en termes plus affectifs W. Tous suivent un
mouvement presque naturel qui les porte, après avoir affirmé l'existence d'une
langue nationale, à s'interroger sur les moyens d'en assurer la promotion.
Dans un témoignage tardif (cité dans Kridalaksana, 1991 :236), Sumanang,
juriste, journaliste et homme politique (voir infra), explique que l'idée du
congr

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