Sur les notions de temps et d espace chez quelques auteurs du XVIIe siècle, notamment Gassendi et Barrow. - article ; n°2 ; vol.9, pg 97-104
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Description

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications - Année 1956 - Volume 9 - Numéro 2 - Pages 97-104
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Bernard Rochot
Sur les notions de temps et d'espace chez quelques auteurs du
XVIIe siècle, notamment Gassendi et Barrow.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1956, Tome 9 n°2. pp. 97-104.
Citer ce document / Cite this document :
Rochot Bernard. Sur les notions de temps et d'espace chez quelques auteurs du XVIIe siècle, notamment Gassendi et Barrow.
In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications. 1956, Tome 9 n°2. pp. 97-104.
doi : 10.3406/rhs.1956.3569
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1956_num_9_2_3569Sur les notions de temps et d'espace
chez quelques auteurs du XVIIe siècle,
notamment Gassendi et Barrow
L'exactitude historique et l'honnêteté intellectuelle qui obligent
tout auteur à signaler ses emprunts et à citer ses sources n'ont pas
toujours paru nécessaires. Des questions de priorité, de prestige
national s'élèvent alors ; même dépourvues de fondement, elles
attirent du moins l'attention des historiens : ainsi la polémique des
partisans de Newton contre ceux de Leibniz. Mais parfois l'emprunt
s'accomplit sans tapage, et le hasard seul révèle des influences
ignorées. En voici un exemple.
Dans son ouvrage sur la Mécanique au XVIIe siècle, M. Dugas
cite en traduction un fragment des Lecliones geometricae ď Isaac
Barrow (1670) dont une phrase latine est reproduite : seu currant
res, seu steni, seu dormiamus nos, seu vigilemus, aequo tenore tempus
labitur (que les choses se déplacent ou non, que nous dormions ou
non, le temps s'écoule d'un cours uniforme) (1) ; ce qui annonce la
formule de Newton, citée p. 349, d'après la traduction des Princ
ipes Mathématiques de la Philosophie naturelle de Mme du Châtelet :
« Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien
d'extérieur, coule uniformément (aequabiliter fluit). » Et M. Dugas
rappelle que Barrow fut le maître de Newton avant de lui céder sa
chaire ; puis l'élève devenu maître révisa une seconde édition
(1) Dugas, 340. Voir dans Barrow, p. 5 de la première leçon, qui en compte douze
(éd. 1670) et qui cite, dès qu'elle commence à parler du temps, le passage fameux de Saint
Augustin (Conf., VI, 15) cité également au début de l'étude de Gassendi : Si nemo quaerat
(quid sit tempus), scio ; si quis interroget, nescio. Cf. GassENDi, 220 a. Mais cela est tellement
connu (tritissimum) que ce pourrait être une rencontre fortuite.
T. IX. — 1956. 7 98 revue d'histoire des sciences
augmentée (Lediones opticae et geometricae, 1674) de l'ouvrage cité.
Mais la formule de Barrow, avec les mots « tenore » et « labitur »,
nous a aussitôt rappelé autre chose.
On lit en effet dans le Syntagma philosophicum de Gassendi,
t. I, p. 224 b : Tempus, seu sit aliquid quod ipso duret, seu non sit ;
et seu quiescat, seu movealur ; et seu moveatur ocyus, seu segnius ;
eodem tenore semper labitur » (a). Cela parut en 1658, après la mort
de l'auteur, et fut aussitôt diffusé en Angleterre (Bayle et Locke
ont lu dès les années 1660 et suivantes des ouvrages de Gassendi,
dont certains furent réédités à Londres). Mais la même phrase se
trouvait dès 1649 dans les Animadversiones (Remarques sur
Diogène Laerce), p. 623 ; et dès 1644, dans les Instances que Gassendi
ajouta à ses « Cinquièmes Objections » contre Descartes pour en
faire la Disquisilio Metaphysica, on lisait des formules très proches :
sive res sint, sive non sint, sive moveanlur, sive quiescant, eodem
semper tenore fluii tempus (1658, t. III, p. 347 b ; cf. ibid., col a).
Quant au «seu dormiamus, seu vigilemus» de Barrow, il est suggéré
par plusieurs passages de Gassendi, dont celui-ci :
« Dignum est admiratione, cur Aristoteles velit tempus sine mutatione
non esse ; eo quod, cum per somnum mutationem non percipiamus,
connectere solemus illud Tempus, quo indormimus, cum eo, quo experges-
cimur ; sicuti, inquit, illis contingit, qui apud Heroes in Sardinia dormiunt.
(Addit Simplicius exemplum eorum, qui ebrii in spelunca decuibuissent,
et duos continuos dies consopiti, altéra nocte expergefacti, Stellas conspe-
xissent, decubuerunt iterum ; et illucescente die tertio, se unicam noctem
dormiisse sunt opinati). Hoc, inquam, dignum admiratione : nam quantum-
libet aliqua mutatio necessaria sit, ut Temporis fluxus animadvertatur ;
non inde tamen colligitur necessariam esse, ut fluxus reipsa sit (b) (1) ».
(a) Qu'il y ait en lui quelque chose qui dure ou qu'il n'y ait rien, et que cela soit en mouve
ment ou en repos, plus rapide ou plus lent, le temps s'écoule toujours uniformément.
(b) On doit s'étonner de voir Aristote soutenir que le temps n'existe pas sans changement,
sous prétexte que lorsque par l'effet du sommeil nous ne percevons aucun nous
avons coutume de relier le moment où nous avons commencé de dormir avec celui où
nous nous éveillons, comme il arrive, dit-il, à ceux qui ont dormi à Sardes auprès des Héros.
(Simplicius ajoute l'exemple de ces gens qui, pris de vin, et tombés de sommeil dans une
caverne, puis restés endormis pendant deux jours entiers, réveillés pendant la seconde nuit,
ayant vu les étoiles, et s'étant recouchés, se figurèrent enfin, au lever du troisième jour,
qu'ils n'avaient dormi qu'une seule nuit). Il y a là, dis-je, de quoi s'étonner ; car, bien qu'un
changement quelconque soit nécessaire pour que l'on s'aperçoive de l'écoulement du temps,
cependant on ne saurait en conclure que le changement soit nécessaire pour que l'écoul
ement soit réel.
(1) Ëdit. de 1658, t. I, p. 225 a-b ; 1649, p. 625. Le texte grec signifie : à Sardes (Sardinia). TEMPS ET ESPACE CHEZ GASSENDI ET BARROW 99
Sans donner ces exemples, Barrow, qui cite les chapitres d'Aris-
tote (Physique, IV, 11 surtout) d'où cela est tiré, résume fort bien
l'idée : Non persenîissimus, ergo non est : illaiio fallax, et fallax
somnus (a) (Lectio prima, p. 5). Ce n'est cependant pas toujours
lui le plus bref, et par exemple il s'étend plus longuement que
Gassendi sur les appareils « horodeictiques », depuis l'antique clep
sydre jusqu'aux horariae machinae (p. 5) récemment perfectionnées.
Il n'y a chez Gassendi (225 a) qu'une brève parenthèse : imo et
possent interim fluxu clepsydrae aul allerius machinae horariae dislin-
guere (b), — avec pourtant une expression identique. Il s'attarde
aux fables sur la longueur des premiers jours du monde, lorsque
le Soleil était plus jeune et plus fort : ce que Barrow écarte comme
irrationnel. Mais tous deux citent les mêmes sources : Empédocle,
d'après Plutarque, et presque dans les termes : Exisiimans
inilio mundi dies fuisse longe prolixiores (Gassendi, 225 a) ; Exis-
timasse... Solem inilio dies efjecisse (Barrow, 5) (с).
Le hasard n'a pas fait tout cela.
Une lecture plus approfondie renforce cette impression :
mais elle révèle aussi le grand intérêt des idées de Gassendi sur le
temps, comme sur l'espace, dont il souligne le parallélisme avec
le temps. Car, au-delà de Barrow, c'est Newton qu'il influence ; mais
il n'eût certainement pas pris l'espace pour le «sensorium» divin, et
c'est de Kant qu'il s'approche — laissant loin derrière lui, non seul
ement les scolastiques, mais encore Descartes, qui le méconnut comme
l'on sait.
Dès le xive siècle, ces nouveautés étaient pressenties (1). Ainsi
Bradwardine affirme la présence de Dieu, avant la création, dans
un milieu vide et infini, assimilable aux « espaces imaginaires »
des Pères de l'Église, et peut-être aussi à l'espace démocritéen.
Dieu est toujours et partout, sans y être allé. Il est là, avant de créer
quoi que ce soit, quelque part que ce soit. Cette question d'école :
Die ubi turn esset, cum praeter eum nihil esseli n'est qu'un faux
(a) Nous ne ressentons rien, donc il n'y a rien : voilà une trompeuse inference, et un som
meil trompeur.
(b) Du reste on pourrait encore distinguer (les heures) au moyen de l'écoulement d'une
clepsydre ou de quelque autre machine horaire.
(c) Estimant qu'au commencement du monde les jours étaient d'une longueur beaucoup
plus grande Il estimait que le Soleil dans les premiers temps faisait des jours beau
coup plus longs....
(1) Voir, sur le Vide et V Espace infini au XIVe siècle, l'article d'A. Koyré dans les
Archives d'histoire littéraire et

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