Intervention de René de Ceccatty. « Accompagné par Violette Leduc. »
4 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Intervention de René de Ceccatty. « Accompagné par Violette Leduc. »

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
4 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Intervention de René de Ceccatty. « Accompagné par Violette Leduc. »

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 138
Langue Français

Extrait

Intervention de René de Ceccatty. « Accompagné par Violette Leduc. »
1
5 Je ne peux pas désormais évoquer mon rapport à l’œuvre de Violette Leduc comme je le faisais en 1980 et en 1994. En 1980, j’ai entrepris une thèse de doctorat sur cet écrivain qui me semblait surpasser en importance relative tous ceux, littéraires ou philosophiques, 10 classiquesou contemporains, que j’avais lus. Cette thèse réclamait de ma part une forme de provocation, puisque j’intégrais dans un cadre académique quelqu’un qui avait peu intéressé l’académie, sinon mon directeur de thèse, Yvon Belaval, philosophe dix-huitiémiste qui était singularisé par sa passion pour Sade, quoiqu’il fût plutôt spécialiste de Leibniz, mais qui avait bien connu non seulement Cocteau et Max Jacob, mais Maurice Sachs et Violette Leduc, qui 15 dureste s’était même attachée à lui et avait eu un moment de fixation amoureuse. Yvon Belaval devait, du reste, jouer un rôle important non seulement pour la publication de posthumes de Maurice Sachs, mais aussi dans la vie personnelle de Violette Leduc qui raconte qu’il lui fit lireL’invitée. En lisant ce livre, Violette devait comprendre la composante homosexuelle de Simone de Beauvoir, origine de sa propre passion pour le futur auteur du 20Deuxième sexe. En 1980, ma lecture de Violette Leduc avait été très passionnée. Elle avait produit sur moi un effet déterminant, parce que c’était, après l’œuvre de Jean Genet, la première qui me permettait une identification. Celle de Genet avait été une révélation sexuelle et poétique : elle m’avait permis de réfléchir non seulement sur la sexualité, sur la mienne, sur la place et le 25 rôlede la sexualité dans la construction littéraire, mais aussi sur la capacité de la littérature à occuper entièrement la vie intérieure. Même si j’avais nourri jusque-là un immense intérêt pour la littérature en général, j’avais trop à apprendre pour construire ma culture, pour m’arrêter longtemps à des œuvres, surtout contemporaines. J’avais fait des études philosophiques et mon temps était également occupé à la lecture d’œuvres abstraites et 30 classiques,que j’analysais, que je tentais de comprendre, que j’essayais d’intégrer de manière non cérébrale à ma propre conduite, à ma propre vie. C’était difficile. Il y avait une scission entre la spéculation, le jeu intellectuel et ma vie intérieure. C’étaient des mondes qui communiquaient peu entre eux. Seuls Barthes et Foucault m’ouvraient des horizons et autorisaient le passage de la spéculation philosophique à la pensée de tous les jours, à ce 35 qu’onpourrait appeler une «philosophie pratique». J’ai raconté tout cela dans mon essai, Eloge de la Bâtarde,qui est une reprise partielle et une réécriture de ma thèse. J’avais lu Violette Leduc depuis sa mort. Et j’ai fait comme de très nombreux lecteurs anonymes ou des lecteurs qui devaient, comme moi, comme vous, écrire sur elle. Je m’étais identifié à elle sur de nombreux plans: ma solitude, qui était la solitude ordinaire d’un 40 étudiantet d’un futur écrivain, me disposait à me reconnaître dans sa solitude. Car une des forces de cette œuvre, en plus des mystères de son style lyrique, vibrant, inattendu, était sa façon de partir d’une situation très singulière (une bâtarde ayant souffert de la situation sociale de sa mère, de la dureté de cette mère aimante mais frustrée et flouée, et ayant puisé chez sa Grand-mère Fidéline de grandes ressources d’amour et de poésie), pour en faire un 45 étatuniversel. J’ai dit combien j’avais été frappé, à la lecture de ses livres, par son art de la mise en scène de l’écriture. Violette réfléchissait ouvertement, explicitement aux capacités et aux limites de la littérature. Ses livres ne s’en tenaient évidemment pas à des confidences, mais, à partir d’un récit autobiographique, proposaient des analyses sur l’interaction de la vie et de la littérature, de la sexualité et de ce qui pouvait en être dit et, bien entendu, des 50 conventionset de la liberté.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents