Tourisme et pèlerinage - article ; n°1 ; vol.10, pg 97-121
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Description

Communications - Année 1967 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 97-121
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 140
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alphonse Dupront
Tourisme et pèlerinage
In: Communications, 10, 1967. pp. 97-121.
Citer ce document / Cite this document :
Dupront Alphonse. Tourisme et pèlerinage. In: Communications, 10, 1967. pp. 97-121.
doi : 10.3406/comm.1967.1145
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1145Alphonse Dupront
Tourisme et pèlerinage
Réflexions de psychologie collective
Dans notre image sensible du passé, le Moyen- Age occidental a vécu l'intensité
des grandes errances. A l'encontre, le monde moderne, monde du stable. Les
forces qui jetaient les hommes sur les chemins s'apaisent : c'est le temps de se
suffire sur place. Seuls, outre les officiels, marchands, aventuriers et clercs ci
rculent ; des pèlerins aussi, de moins en moins. D'ailleurs les libérations par l'espace
foisonneront à mesure que grandira l'exploit colonial, où eschatologisme, rêve
éveillé de l'utopie, non-conformismes et le chœur des passions impitoyables
s'emmêlent pour une enivrante nourriture. Avec le monde fermé d'aujourd'hui,
la démocratisation des moyens de transport et des biens dits culturels, l'espace
est à tout le monde. Peu l'affrontent seuls. Plus grégaires que nous ne le savons,
soit par santé d'animalité sociale, soit par habitude psychique et mondaine de
dépendre, le tourisme de masses est devenu en notre temps fait de migrance
collective, et d'habitude établie maintenant besoin. Retour à la thérapie spatiale
ou découverte neuve d'équilibrations ? Le phénomène est encore trop jeune pour
être lucide de ses bienfaits.
Autrement ancien, multi-séculaire et même du fond des temps, le pèlerinage.
Normalement, pour l'assouvissement du besoin migrant dans une société de sédent
aires, la forme neuve pouvait gravement menacer l'ancienne. Dans une époque
surtout de désacralisation établie et le foisonnement des libertés apparentes qu'offre
le tourisme dans une frénésie joyeuse de la diversité. En fait, le pèlerinage a été
le premier, dès le siècle dernier, à exploiter, comme immédiatement offertes, les
possibilités fournies par la révolution industrielle et le raccourcissement de l'e
space par le développement des moyens de communication. Les «foules de Lourdes»
ont précédé, et de plus d'un demi-siècle, le tourisme de masses. Aveu temporel
qui livre l'incessante pulsion du besoin peregrin. Avec les commodités d'aujourd
'hui, il devient seulement plus avide d'espace. Le pèlerinage lointain, celui
aussi où dans la reconnaissance du miracle se pressent les masses humaines conju-
ratrices, concentre de plus en plus les puissances irrationnelles du recours pèlerin.
Lourdes et Fatima drainent à travers notre Occident des processions de millions
d'hommes. Statistiquement, mais de façon plus diffuse, le tourisme de masses
ne doit pas être loin de remuer en nos contemporains les forces de l'instable.
Aucune concurrence donc entre ces deux formes instantes de la migrance d'au
jourd'hui, ou à peine. Des contaminations sûrement et probablement pas à
sens unique. Surtout une vie parallèle et comme à peine suffisante pour assouvir
— névrose ou santé ? — le besoin de notre monde de vivre sur les chemins une
97 Alphonse Dupront
autre et éphémère société, celle d'un « extraordinaire » grâce auquel l'ordinaire,
le quotidien trouvent leur justice et leur report d'espérance.
De rien dès lors ne servirait d'établir concurrentiellement tourisme et pèler
inage : les statistiques peuvent trancher là-dessus, ou indiquer. Mais dans les pages
qui suivent, il sera simplement réfléchi sur le génie propre de chacun, à la fois
au niveau de nos expériences quotidiennes et selon ce que suggère l'histoire. A
propos d'une enquête surtout, centrée sur le fait pèlerin dans la France contemp
oraine. L'analyse de celui-ci dans ses complexités religieuses, sacrales, anthro
pologiques, son contenu aussi de réalité historique quasi sans âge doit permettre
de mieux accuser la distinction entre ces deux aspects de masses en mouvement.
Et rien n'importe plus, au regard de notre conscience du monde, que d'atteindre
à mieux discerner. Même dans la confusion apparente, si tourisme et pèlerinage
parfois paraissent mal séparables, discerner est en fait approfondir et mieux savoir
ce que l'on vit ou cherche. Ce qui est tout de même surcroît d'humanité.
De plus en plus attentive aux étranges nouveautés de la société contemporaine,
l'Église, depuis plusieurs années déjà, a découvert le tourisme de masses. Naguère,
le pape Paul VI 1 recevant les participants à la conférence des Nations Unies
sur le Tourisme, qui venait de se tenir à Rome, dégageait les vertus humaines et
spirituelles, le service aussi d'un tourisme utilement conduit. Des responsables
de chaînes de pèlerinages comme les Pères Assomptionnistes de l'Association
N.D. de Salut ont courageusement affronté le besoin nouveau, et la revue,
regrettablement disparue, publiée par le R.P. Ramond sous le titre Sanctuaires
et Pèlerinages était une manière de vade-mecum précieux d'un tourisme pèlerin
et de culture. Une organisation belge, tournaisienne exactement, invoquant
Tourisme et Chrétienté, avec des fins commerciales non déguisées, avoue l'aspect
brut du problème. Le besoin d'errance collective est là, exploitable et exploité.
Jusqu'où naturellement laïque, sans nécessité religieuse interne, une masse mi
grante animée seulement de sa propre gravité humaine et travaillée d'attraits
tout temporels, une découverte « horizontale » du monde ? Orientable ou non
vers des prises de conscience religieuses et puisque proximité il y a, éveil ou redé
couverte de ce qui demeure, dans le recours au parcours d'espace, de l'univers
pèlerin? Voie moyenne enfin — de celles que choisissent volontiers aujourd'hui
les responsables quotidiens du gouvernement des hommes — , baptiser de quel
ques pratiques ou habitudes religieuses ce gyrovaguisme des chemins — habitudes
ou hâtivement transplantées de la vie religieuse sédentaire ?
Trop souvent le problème tourisme/pèlerinage débouche sur une manière de
compromis, mais c'est pastorale du quotidien. Dans le recul nécessaire pour
situer le problème, il faut poser la confusion possible, la distinction cependant
essentielle, la fécondation réciproque et surtout, quant à la puissance religieuse
de l'un comme de l'autre, que l'Esprit souffle où il veut. Pour la vie d'un univers
1. Cf. l'allocution de Paul VI aux participants à la conférence des Nations Unies sur
le Tourisme, 31 août 1963 : « Le Tourisme intéresse la vie religieuse ; sa valeur péda
gogique, culturelle, morale et sociale », Documentation catholique, tome 60 (1963), 1377-
1382. Et l'allocution de Paul VI aux au IIIe symposium touristique, 6 juin
1964 : « Le Tourisme moyen de formation, aspects positifs et négatifs. Pastorale du
Tourisme », Documentation catholique, tome 61 (1964), 807-809. On trouvera une docu
mentation fort utile, et présentée avec netteté et sagesse, dans l'écrit récent du R. P.
François de Dainville, S. J., Tourisme et Pastorale, Tournai, 1965, 128 pages.
98 Tourisme et pèlerinage
de la foi, les voies de la grâce sont aussi infinies que mystérieuses. Dès lors, pour
quiconque, le croyant comme l'analyste, il n'y a plus lieu de juger, voire de
hiérarchiser, mais d'accepter l'expérience ou l'épreuve de chacune de ces deux
réalités fortement exprimées dans notre société contemporaine et par l'analyse
de ce dont séparément elles témoignent, d'atteindre aux portes du secret quant
aux pulsions de la migrance collective.
Analyse que les réflexions qui suivent n'aborderont pas de front ; mais peut-
être en ébaucheront-elles certaines démarches dans une première approche
simplement phénoménologique. Au partir du langage d'abord. « Tourisme » nous
apparaît, comme il est de fait, fort jeune, de contexture anglo-saxonne, et surtout
centré sur le plaisir ou le divertissement. Parfaitement laïque donc, et comme
l'un des aspects d'une quête collective ou individuelle de la joie dans une société
qui a perdu le sens de la fête et qui se découvre incapable de le retrouver, tant
elle est pauvre

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