Un dimanche à Évry autour de l « âme » de Tswv Pheej - article ; n°2 ; vol.79, pg 183-200
19 pages
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1992 - Volume 79 - Numéro 2 - Pages 183-200
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Hassoun
Un dimanche à Évry autour de l'« âme » de Tswv Pheej
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 79 N°2, 1992. pp. 183-200.
Abstract
A Sunday in Evry around the "Soul" of Tswv Pheej. A Hmong Christening: the Transformations of a Simple Ritual in France
by Jean-Pierre Hassoun
The paper deals with hmong birth rituals observed in Évry (Essonne) in May 1991. These Hmongs arrived in France from Laos at
the end of the seventies. The child name giving ritual is limited to a Sunday: a soul-call, early in the morning, then, around twelve
o'clock, a ritual named "bind the hands", and until mid afternoon, a lunch for the males where politeness and mutuality rituals are
stressed, alcohol being their central tool. Remarkable by their simple performance, however, these ritual operations have an
internal logic, and by the setting of separations and frames contribute to integrate the new-born child, but also the whole group, in
a symbolic order. They contribute also to promote norms and practices which reflect Hmong social ethos.
Citer ce document / Cite this document :
Hassoun Jean-Pierre. Un dimanche à Évry autour de l'« âme » de Tswv Pheej. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-
Orient. Tome 79 N°2, 1992. pp. 183-200.
doi : 10.3406/befeo.1992.1877
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1992_num_79_2_1877Un dimanche à Évry autour de Г« âme » de Tswv Pheej 1
La dation du nom d'enfant chez les Hmong :
un rituel simple transplanté en France2
Jean-Pierre HASSOUN
Après plus de quarante ans de guerre civile qui aboutirent en 1975 à la transformat
ion du royaume laotien en une république démocratique et populaire, plus de 150 000
Hmong décidèrent de quitter le Laos, où leurs ascendants directs, venant de Chine,
s'étaient établis dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Outre quelques dizaines de
milliers qui restent encore aujourd'hui dans les camps de réfugiés de Thaïlande, plus de
100 000 d'entre eux s'installèrent aux États-Unis, 2 000 ou 3 000 en Australie et au
Canada, un millier en Guyane Française et environ 10 000 en France métropolitaine.
Cette transplantation a, bien sûr, suscité des transformations dans la vie sociale et
culturelle de cette population. Ces transformations aux formes diverses (modifications,
réductions, accommodements ou abandons, mais aussi emprunts et réinterprétations) ne
sont pas nouvelles dans l'histoire de ce peuple sans écriture, organisé en clans, sans
espace politique de référence et dont la trajectoire peut aussi s'écrire comme une suite
de relations ou de contacts avec d'autres sociétés (chinoise, vietnamienne, laotienne,
française, américaine ou thaïe) ; il faut cependant noter que, pour la première fois, un
fragment de société hmong - société simple - s'est trouvé immergé au sein d'une
société complexe comme la française, avec des possibilités réduites de replis
géographique, culturel ou social. Dans ce cadre historique, nous avons choisi ici l'étude
des rituels suscités par la naissance et la dation du nom en nous fondant sur des
enquêtes réalisées en 1990 et 1991 3 et, plus particulièrement ici, sur les matériaux
recueillis à l'occasion de la dation d'un « nom d'enfant » (npe Muas) les 9 et 10 mai
1991 en région parisienne à Évry (Essonne), mais aussi sur des informations collectées
en Avignon (Vaucluse), lors de la dation d'un autre nom d'enfant, et à Carpentras, lors
de la dation d'un « nom d'honneur »4.
1 . Le système Barney-Smalley est utilisé pour transcrire le hmong blanc. La consonne finale ne se
prononce pas et indique un ton (cf. Bertrais, 1979 ; Yang Dao, 1980.)
2. Je remercie Txoov Tuam Tub Lis, qui a assuré la transcription des enregistrements hmong et a
collaboré à leur traduction, ainsi que Mme Maiv Txoov Tuam et toute la famille Txoov Tuam du clan
Muas, pour leur hospitalité, leur ouverture d'esprit et leur inlassable patience face à ma curiosité. Je
remercie également Lis No Suav pour sa collaboration lors des enquêtes réalisées dans le sud de la
France.
3. Ces enquêtes s'inscrivent dans l'« action concertée Anthropologie » : « Rituels hmong en milieu
urbain français » (ministère de la Recherche/CNRS, Centre d'ethnologie française).
4. Une fois marié et père d'un ou deux enfants, les hommes hmong reçoivent un nom supplément
aire. La dation de ce « nom d'honneur » ou « nom de maturité » (npe laus, « nom âgé »), généralement
choisi par les beaux-parents, suscite des rituels voisins de ceux qui vont être décrits ici.
BEFEO 79.2 (1992), p. 183-200. 184 Jean-Pierre Hassoun
Conceptions des âmes et rituel de naissance dans la société d'origine
Grâce aux recherches de plusieurs ethnologues ayant travaillé en milieu rural en
Chine (Graham, 1937, 1954), au Vietnam (Moréchand, 1955,1968), au Laos (Lemoine,
1972) et en Thaïlande (Chindarsi, 1976), nous avons connaissance des conceptions des
âmes qui avaient cours chez des Hmong de ces pays entre 1930 et les années 1980.
Comme dans le reste de l'Asie du Sud-Est et de l'Extrême-Orient en général, la
conception de l'homme chez les Hmong repose sur la multiplicité des « âmes ». Les
deux termes vernaculaires plig ou ntsuj désignent une force vitale consubstantielle à la
vie, ignorant la dichotomie mental/corporel. Si le nombre et les noms de ces « âmes »
varient d'un informateur à l'autre, la plus couramment évoquée dans la vie quotidienne
est l'« âme qui se réincarne » (tus plig thawj thiab, l'« âme qui va à la rencontre des
embryons »). Elle peut quitter le corps de l'homme lorsque celui-ci a subi un choc
matériel ou moral ou « lorsqu'il a subi une attirance irrésistible [...] qui a provoqué le
départ de son âme avec l'objet de son désir» (Moréchand, 1968 : 115). Ce départ
entraînant des troubles physiques ou psychologiques, il faut alors partir à la recherche
de l'âme fugueuse et la faire revenir dans le corps souffrant. Pour y parvenir, on pro
cède à un rituel non chamanique dénommé hu plig (« appel de l'âme »), puis, si le cas
est plus complexe, on a recours au chamane5. Nous savons également que le rôle de la
transe chamanique, présentée comme un changement d'état, s'oppose à la fonction, non
chamanique celle-ci, de l'assistant du mort qui, grâce à un chant initiatique (qhia keb
« enseigner le chemin »), aide le défunt à effectuer un long périple post mortem, au
cours duquel il traverse des mondes surnaturels avant que son « âme vitale » aille se
réincarner. Alors que le chamanisme est circonscrit au seul monde des vivants et à la
solution de leurs souffrances physiques ou psychologiques, le domaine des âmes
recouvre aussi bien la gestion des vicissitudes et des accidents quotidiens que la nais
sance et la mort. Pour les résumer à l'extrême, ces conceptions sont donc essentiell
ement fondées sur une multiplicité d'âmes polymorphes et sur la possibilité de dialoguer
avec elles. Elles concourent à forger l'idée d'un cheminement existentiel dont il n'est
certes pas question de maîtriser les directions principales, mais dont il est possible de
négocier certains passages.
Si tous les auteurs font référence aux rituels funéraires remarqués pour leur comp
lexité, mais aussi pour leur portée symbolique essentielle, les rituels suscités par la
naissance ne sont que marginalement mentionnés. Après que l'on a enterré son pla
centa 6 au pied du lit pour les filles, au pied du pilier central de la maison pour les
garçons7, l'enfant hmong, avant de recevoir un nom, se trouve sous la protection d'un
5. Outre les cas de difficultés physiques ou psychologiques et de dation ou de changement d'un
nom, F« appel de l'âme » est également pratiqué lors des mariages, du Nouvel An et dans d'autres
situations encore où se fait sentir le besoin de conforter l'équilibre du groupe ou d'opérer le retour à un
équilibre antérieur.
6. Cette pratique, qui est généralement accomplie par la mère du mari, ou par une de ses sœurs
(mais, dans bien des cas aussi, par le mari lui-même), n'est accompagnée d'aucune parole ou phrase
rituelle.

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