Un récit d interaction : les comptes-rendus de délégation syndicale - article ; n°74 ; vol.19, pg 93-122
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Description

Langages - Année 1984 - Volume 19 - Numéro 74 - Pages 93-122
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Bernard Gardin
Un récit d'interaction : les comptes-rendus de délégation
syndicale
In: Langages, 19e année, n°74, 1984. pp. 93-122.
Citer ce document / Cite this document :
Gardin Bernard. Un récit d'interaction : les comptes-rendus de délégation syndicale. In: Langages, 19e année, n°74, 1984. pp.
93-122.
doi : 10.3406/lgge.1984.1173
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1984_num_19_74_1173Bernard GARDIN
GRECSO-IRED, Université de Haute-Normandie
UN RECIT D'INTERACTION :
LES COMPTES-RENDUS DE DÉLÉGATION SYNDICALE
Dans une grande entreprise de construction d'automobiles (l'usine Renault de
Cléon, Seine-Maritime), des délégués du personnel rencontrent régulièrement des
représentants de la direction. L'objet de la rencontre est de discuter des revendicat
ions du personnel — revendications souvent déposées quelques jours auparavant.
Suite à cette réunion, des tracts d'origine syndicale fournissent aux travailleurs le
compte-rendu de cette interaction. Ce sont ces tracts qui constituent les documents
que nous étudions. L'étude qui suit n'est donc pas directement une étude d'interact
ion. Nous ne chercherons pas dans les comptes-rendus à reconstituer l'interaction
d'origine (travail d'historien), mais, à partir de la description dans les comptes ren
dus de cette première interaction, à déterminer la fonctionalité de ces textes au sein
de la nouvelle interaction dans laquelle ils interviennent.
1. Le corpus et les questions posées
Le corpus est ici constitué d'un corpus de base de comptes- rendus de délégation
couvrant l'année 1978 (numérotés de 1 à 16) et d'autres documents, notamment des
comptes-rendus produits hors de cette période et auxquels il est fait appel pour pro
longer les analyses. Ce corpus n'est ni clos ni exhaustif, notre pratique se rappro
chant par là d'autres positions sur la question du corpus, notamment celle de
J. J. Courtine (Langages 62) — parenté que nous ne pouvons ici que signaler.
Le corpus n'est pas exhaustif : il ne comprend pour la période considérée que des
documents émanant de la CGT, syndicat majoritaire dans l'entreprise ; le syndicat
CGT est le plus abondant producteur de textes et, à cette époque, déjà soucieux d'un
certain souci d'archivage de ses productions. Le syndicat CFDT ne pratique pas à ce
moment-là aussi systématiquement que la CGT le dépôt régulier des revendications et
n'a pas le même souci de conservation. Ajoutons que c'est par le syndicat CGT que
nous avons pénétré la vie syndicale de l'entreprise. Nous ne pouvons pas être sûr par
ailleurs de disposer pour la période concernée de tous les comptes-rendus publiés : le
souci d'archivage dont nous avons parlé se manifeste dans des conditions matérielles
qui ne peuvent offrir cette garantie. Reste que cette non exhaustivité due aux condi
tions mêmes de l'enquête est aussi pour nous une prise de position théorique liée à la
nature des documents étudiés. Les tracts syndicaux sont produits au jour le jour, se
recouvrent, ne constituent que rarement des références, ne sont pas sacralisés, d'où
leur disparition éventuelle : ceci les oppose par exemple aux documents confédéraux,
à tous les textes pourvus d'un statut élevé ; un souci d'exhaustivité serait inadéquat
concernant les documents que nous étudions.
Notre corpus n'est ni clos ni homogène. L'homogénéité du corpus de base (les
comptes-rendus) n'est qu'un point de départ vers d'autres recherches. Nous enrichis-
93 sons ce corpus au fur et à mesure que des pistes apparaissent, que nous précisons nos
hypothèses. Nous intéresse essentiellement l'étude des rapports au langage, à la lan
gue, à l'écrit, aux modèles linguistiques existants qui caractérisent ces locuteurs spé
cifiques que sont les militants syndicaux. Nous ne cherchons pas à contribuer à une
typologie de discours ; plutôt à montrer comment la pratique syndicale mène à trans
former les modèles existants. Comment du nouveau s'y fabrique et triomphe des
pesanteurs linguistiques et discursives. C'est pourquoi, si nous empruntons à
R. Lafont le concept de praxème, défini dans ce numéro par F. Madray, notre rap
port au Travail et la Langue ainsi qu'au « Pour une théorie globale du langage » de
L. Guespin veut être plus profond. Volochinov bien sûr... Il s'agit de contribuer à
l'élaboration d'une linguistique de la production du sens — et non du sens
produit — , une que peut-être la nature des textes que nous allons main
tenant aborder exige, si on ne veut pas manquer le type d'événement linguistique
qu'ils constituent.
En réalisant et en diffusant ces comptes-rendus, le syndicat se fait le rapporteur
du discours de la direction. Comment présente-t-il ce discours, quelle place lui
accorde- 1- il, comment assume- 1- il les risques inhérents à une telle attitude ? C'est ici
le niveau de l'hétérogénéité montrée du discours (selon la formule de J. Authier) qu'il
s'agit d'étudier.
Elus par le personnel sur liste syndicale, les délégués sont doublement des porte-
parole. Quels rapports les comptes rendus établissent-ils entre la parole des délégués,
la parole des travailleurs (mandants, et allocutaires du compte rendu), et la parole
syndicale ? Comment les comptes rendus gèrent-ils ici la question de cette hétérogé
néité spécifique (comme hétérogénéité montrée ou constitutive) ? D'une autre
manière, comment mettent-ils en scène la question de la représentativité ?
En opposition aux autres rapports que comporte la vie de l'entreprise, les rencont
res délégués-direction constituent des interactions où n'interviennent que des com
portements symboliques — essentiellement langagiers. Situation différente, bien sûr,
du travail même dans lequel les ouvriers répondent par des actes aux consignes de
l'encadrement, de la grève, de la manifestation. Comment s'articulent alors dans le
compte rendu l'acte de délégation et les autres formes du rapport de forces ? On voit
que la question posée est ici proche de celle que se pose J. Rancière pour le
XIXe siècle : quels rapports les comptes rendus établissent-ils entre langage et vio
lence ouvrière ?
Enfin, avant l'étude, notons les conditions de possibilité d'une telle rencontre : la
reconnaissance du fait syndical, l'institution des délégués du personnel ;
réglée par la législation du travail, législation qui traduit un certain rapport de forces
mais qui n'annule pas les stratégies particulières des participants. C'est ainsi que
notre corpus fait plusieurs fois état de comportements patronaux ou syndicaux met
tant directement en cause l'enjeu de cette interaction, et son existence même. Nous
ne ferons ici que mentionner, puisque nous les étudierons par ailleurs, les mises en
cause par la direction de la représentativité des délégués ; et du côté des délégués
l'interruption d'une réunion par l'intrusion dans le local des travailleurs eux-mêmes
(compte rendu n° 9). Incident significatif puisque mettant en cause les conséquences
contradictoires de la reconnaissance du fait syndical et de la délégation (en reconnais
sant les travailleurs comme groupe et en reconnaissant les délégués, la législation ins
taure un nouveau rapport personnel, individuel, délégué-patron, rapport qui peut
devenir contradictoire avec la constitution des travailleurs en collectif). C'est ici tout
un pan de la question du porte-parole qui émerge.
94 2. Il s'agit bien d'un affrontement
Une première lecture du corpus de base nous a incité à une étude à partir de la
structure du conte populaire, telle que les travaux de Greimas l'ont, à la suite de
toute une tradition, formulée. Des maux apparaissent dans la communauté des tra
vailleurs (salaires insuffisants, mauvaises conditions de travail, risques de licenci
ement, ...). Mandatés par les travailleurs, les délégués (qualifiés par l'élection) affron
tent la direction de l'entreprise — ou d'un atelier. Du déroulement de cet affront
ement dépend l'obtention du bien souhaité par la communauté. Il s'agit maintenant
d

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