La question de l'eau dans le bassin du Murray - article ; n°92 ; vol.17, pg 145-160

Paul Privat-Deschanel

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Annales de Géographie - Année 1908 - Volume 17 - Numéro 92 - Pages 145-160
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié le: 01 janvier 1908
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Paul Privat-Deschanel
La question de l'eau dans le bassin du Murray
In: Annales de Géographie. 1908, t. 17, n°92. pp. 145-160.
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Privat-Deschanel Paul. La question de l'eau dans le bassin du Murray. In: Annales de Géographie. 1908, t. 17, n°92. pp. 145-
160.
doi : 10.3406/geo.1908.18217
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1908_num_17_92_18217145
LA QUESTION DE L'EAU DANS LE BASSIN DU MURRAY1
Premier article '
(Photographies, Pl. VIII-X; Carte, Pl. XI)
II y a une question de Venu en Australie. Elle est la plus essentielle
de toutes celles qu'ont eu et qu'ont encore à résoudre les Australiens.
C'est à proprement parler une affaire de vie ou de mort.
Comme partout, il faut en Australie de l'eau pour les villes2, les
chemins de fer et l'industrie (lavage de la laine, traitement des miner
ais, etc.). En outre, certains besoins sont particuliers au continent
austral. Une bonne partie de l'intérieur, propre à la culture, ne peut
être cultivée faute d'eau; le sol, très riche, y reste sans valeur; la
colonisation, condition indispensable du développement économique,
y demeure stationnaire. L'existence et les progrès de l'élevage dépen
dent également de l'acquisition de grandes ressources en eau. Or,
l'élevage est actuellement la principale richesse du pays. En 1891,
l'Australie possédait 106 millions de moutons; malgré sept années de
sécheresse ininterrompue, il lui en reste 81 millions (46 en Nouvelle-
Galles du Sud, 13 en Victoria, 12 en Queensland, 10 en Australie
1. Cette étude fait partie d'un travail plus étendu qui paraîtra ultérieurement.
Elle a été commencée au cours d'un voyage que nous avons fait en Australie (1903-
1904) ; mais elle a été mise au courant des résultats de l'année statistique austra
lienne (1er juillet 1905-30 juin 1906), résultats publiés soit dans les derniers mois de
1906, soit dans les premiers de 1907. — Nous tenons, en débutant, à exprimer notre
reconnaissance aux diverses personnes qui nous ont prêté leur concours ou qui
nous ont fourni d'utiles renseignements : S. E. Lord Tennyson, G. C. M. G., gouver
neur général de l'Australie, et MM" James W. Boultbee, surintendant des abreu
voirs publics et des forages artésiens en Nouvelle-Galles ; Edward F. Pittman, sous-
secrétaire d'État au département des mines de ; le Prof. T. \V. Edge-
worth David, de l'Université de Sydney; T. A. Coghlan, statisticien du gouvernement
de Nouvelle-Galles; J. B. Henderson, directeur du « Water Supply Department » du
Queensland ; le Dr Rougher, de Sydney, etc. Une mention spéciale doit être faite
de Mr Biard d'Aunet, consul général de France à Sydney, et de ses collaborateurs,
MM" Nettement et de Peretti de la Rocca, dont l'aide nous a été très^précieuse.
2. Les villes australiennes sont toujours largement approvisionnées en eau. A
Sydney, par exemple, la fourniture journalière est de 181 1. par habitant, et le
principal réservoir couvre une superficie de S06 ha. A Coolgardie, l'un des deux"
principaux centres aurifères de la Westralie, on a amené l'eau de la région côtière
par un aqueduc de S23 km. Voir : Paul Privat-Deschanel, Le problème de l'eau à
Coolgardie [Australie occidentale) [La Géographie, XIV, 1906, p. 13-18).
ANN. DE GÉOG. — XVIIe ANNÉE. JQ 146 GÉOGRAPHIE RÉGIONALE.
Méridionale, en Australie Occidentale et en Tasmánie). Elle occupe à
cet égard le deuxième rang dans le monde, après l'Argentine (100 mil
lions) et avant la Russie (70 millions). En dehors des moutons, elle
élève 8 650 000 bêtes à cornes et 1625 000 chevaux. L'exportation de
la laine monte à 855 millions de fr. '. La valeur du troupeau est est
imée à 6 milliards de fr. 2.
L'Australie tout entière est intéressée à la solution de la question
de l'eau ; mais ses différentes parties ne le sont pas également. La
bande tropicale du N et la côte orientale, où la Dividing Range arrête
les vents pluvieux du Pacifique, sont bien arrosées; d'autre part, le
centre du continent et la plus grande partie des rivages méridionaux
et occidentaux sont constitués par un effroyable désert qui n'a et ne
peut pas avoir d'eau. Dans ces deux régions, il n'y a nul problème à
résoudre : la nature a fourni à l'une le nécessaire; elle a condamné
l'autre à une pauvreté sans remède.
Par contre, il existe un territoire, deux fois grand comme la France,
où l'eau manque naturellement, mais où il est possible de se la pro
curer artificiellement; suivant le cas, le pays restera pauvre ou de
viendra très riche. C'est le bassin du Murray. Ici un problème se pose :
il doit de toute nécessité être résolu. C'est l'acquisition et l'utilisation
actuelle et future de l'eau dans le bassin du Murray que nous nous
proposons d'étudier.
I. — LE CADRE GÉOGRAPHIQUE.
Le bassin du Murray s'étend sur 13 degrés de latitude (de 25° à 38Ф
lat. S) et sur 12 degrés de longitude, déterminant ainsi un triangle
qui, transporté par l'imagination en Europe, n'aurait pas des sommets
moins éloignés que Turin, Belgrade et Kœnigsberg. Sa superficie
égale 1060000 kmq. ; c'est le septième de l'Australie (7 631971 kmq.).
Il empiète sur quatre colonies : Nouvelle-Galles (58 p. 100), Queens
land (25 p. 100), Victoria (12 p. 100), Australie Méridionale (5 p. 100).
L'élevage du mouton à laine fait de cette région la plus riche en même
temps que Ja plus caractéristique du continent austral.
1. En 1904 (358 millions de kg.). En 1905, l'exportation a un peu diminué
(293 millions de kg., valant 700 millions de fr.). Il faut noter que ces relevés com
prennent le montant des frais de transport jusqu'au lieu d'embarquement.
2. Sur les conditions géographiques, la pratique et l'importance de l'élevage en
Australie, voir: Pacl Privat-Deschasel, Le mouton australien. La laine. La viande
congelée {La Nature, 22 sept. 1906, p. 263-267); — Id., L élevage du mouton à laine et
l'industrie de la laine en Australie [Le Génie civil, L, 1907, p. 196-199). — On
trouvera aussi d'intéressants détails sur ce sujet dans Biard d'Auxet, L'aurore
australe, Paris, 1907, p. 269-280 ; — Pierre Leroy-Beaulieu, Les nouvelles sociétés
anglo-saxonnes, Paris, 1901, p. 80-100; — Louis Vigoirocx, L'évolution sociale en
Australie, Paris, 1902, passhn. On pourra aussi consulter avec fruit Clarence Mac
-Ivor, The history and development of sheep farming, Sydney, 1893. QUESTION DE L'EAU DANS LE BASSIN DU MURRAY. 147 LA
Au N et à l'W, le bassin du Murray continue les plaines déser
tiques du Centre australien. On ne peut de ce côté lui tracer aucune
limite. Comment distinguer des versants dans ce pays où les rivières,
extrêmement rares d'ailleurs, meurent le plus souvent dans les sables
en des points variables avec les années? L'uniformité de la plaine, qui
se maintient au-dessous de 200 m., n'est interrompue que par quel
ques chaînons isolés : Warrego Range, Stokes Range, Grey Range
(M1 Arrowsmith, 600 m. ; M* Poole), Stanley ou Barrier Range (M1 Lyell,
610 m.), où se trouvent les fameuses mines d'argent de Broken Hill
et de Silverton.
Par contre, à ГЕ et au S, le bassin est nettement délimité par la
Cordillère australienne. Celle-ci, connue dans son ensemble sous le
nom de Dividing Range, reçoit suivant les lieux de multiples appella
tions. Au N, sont la Denham Range, les Darling Downs, la New En-
gland Range (Ben Lomond, 1 525 m.), la Liverpool Range (Pic Oxley,
1370 m.). Au Centre, les Blue Mountains s'élèvent jusqu'à 1249 m. ;
leur profil régulier et tabulaire, d'un admirable bleu violacé, born
l'horizon de Sydney. Au S, la chaîne, plus haute, prend un caractért
presque alpestre. Les Alpes australiennes doivent à leurs champs de
neige hivernale le nom de Snowy Mountains; le M1 Hotham y atteint
1 953 m., et le M1 Bogong, 1 982; le pic Townsend, dans le massif du
M1 Kosciuszko, est, avec ses 22И m., le point culminant de toute
l'Australie. Les Alps se terminent par les Pyrenees, qui ont encore
1 700 m. au M1 William et qui, se recourbant vers l'W, limitent au S
le bassin du Murray.
1° Le sol1. — Les montagnes sont formées de granite, plus ou
moins décomposé (growan), de porphyres feldspathiques, de schistes
sil