Observations glaciologiques en Suisse et en Savoie, il y a un siècle - article ; n°3 ; vol.36, pg 399-409

Henri Onde

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Revue de géographie alpine - Année 1948 - Volume 36 - Numéro 3 - Pages 399-409
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• Publié le: 01 janvier 1948
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Henri Onde
Observations glaciologiques en Suisse et en Savoie, il y a un
siècle
In: Revue de géographie alpine. 1948, Tome 36 N°3. pp. 399-409.
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Onde Henri. Observations glaciologiques en Suisse et en Savoie, il y a un siècle. In: Revue de géographie alpine. 1948, Tome
36 N°3. pp. 399-409.
doi : 10.3406/rga.1948.5435
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1948_num_36_3_5435OBSERVATIONS GLAGIOLOGIQUES
EN SUISSE ET EN SAVOIE, IL Y A UN SIÈCLE
par Henri . ONDE
Par l'ampleur de leurs massifs montagneux, la netteté des phé
nomènes dont elles sont le théâtre, la Suisse et la Savoie étaient "
prédestinées à devenir de véritables laboratoires, naturels. Les tra
ces que les glaciers ont laissées, bien en avant de leur front actuel,
ont suggéré aux observateurs l'hypothèse d'une époque glaciaire, de
même que la présence de puissants appareils dans l'Oberland, le
Valais, la région dé Chamonix, a orienté de bonne heure les recher
ches vers la découverte des lois auxquelles obéissent les glaciers
dans leur mouvement.
Au début du xixe siècle, les Alpes suisses et savoyardes sont le
siège d'une crue glaciaire énorme, ponctuée de débâcles provoquées
pan la. vidange .soudaine de lacs de barrage. La „même année,, en,
1818, se rompent les digues glaciaires du Gietroz, dans le Val de
Bagnes et de la Plagne, dans le bassin du Doron de Champagny.
Aussi ne faut-il pas s'étonner que l'idée de l'extension ancienne
des glaciers fût, d'ores et déjà, familière aux montagnards. C'est ce
que reconnaissent avec une belle franchise les pionniers de la
glaciologie, Venetz et Jean.de Charpentier, lorsqu'ils font état de,,
l'opinion de Perraudin, d'un bûcheron de Meiringen ou des villa
geois de Fiesch.en Valais. Perraudin, du Val de Bagnes, déclarait -
en 1815 à de Charpentier: « Toute notre vallée, jusqu'à une
grande hauteur au-dessus de la Drance, a1 été occupée par un vaste
glacier .qui se prolongeait jusqu'à Martigny, comme le prouvent
les blocs de roches qu'on trouve dans les environs de cette ville, "h. onde. * 400
et qui sont trop gros pour que l'eau ait pu les y amener > *. Il sem
ble même que Perraudin ait conclu à l'extension ancienne des gla
ciers en se fondant non seulement sur la présence de l'erratique,,
mais encore smvcelle des stries2. De leur côté, les montagnards de,
Fiesch croyaient au développement du front glaciaire jusqu'à Bri
gue et Lax, peut-être parce qu'ils avaient sous les yeux la moraine
de Bodmen, à 300-600 pieds au-dessus de la plaine3. Par ailleurs,
des savants étrangers, Playfair d'Edimbourg, Esmark de Christia
nia, avaient attribué dès 1815 le transport de l'erratique aux gla
ciers4. Mais si, comme le fait observer Forel, Playfair a précédé
Venetz, sa découverte, tombée dans l'oubli, n'a été révélée par
Forbes que longtemps après la communication des travaux de l'i
ngénieur valaisan 5 : ainsi la théorie glaciaire, telle qu'elle est entrée
dans la science, a pris naissance en Suisse et en Savoie, grâce à
une poignée de chercheurs dont la contribution est analysée dans
la présente. étude.
En 1807 la Société helvétique des, Sciences naturelles, préoccu
pée par la question des glaciers, met au concours le sujet suivant:
« Est-il vrai que, depuis un certain nombre d'années, le climat des
hautes Alpes et de la Suisse soit devenu plus froid et plus rigou
reux.? Adjoindre à cette dissertation des observations sur l'accroi
ssement et la diminution des glaciers, et en déterminer les anciennes
bornes ». Ce sujet allait inspirer à l'ingénieur valaisan Ignace Venetz
ses premiers travaux sur les glaciers, et, pár voie de. conséquence^
les recherches de Jean de Charpentier, ingénieur aux Salines de
Вех, de Louis Agassiz, médecin puis professeur d'histoire natu
relles Neuchâtel. L'activité scientifique ainsi déclenchée devait
aboutir à la publication, en 1840, des Etudes sur les glaciers
ď Agassiz, de 'la Théorie des glaciers de la Savoie du chanoine
Rendu, plus connu comme évêque d'Annecy, de l'Essai sur les gla-
i «Jean de Charpentier, Essai sur les glaciers et sur le terrain erratique du
bassin du Rhône. Lausanne, 1841, Ducloux, éditeur, in-8°, x + 363 p., 23 fig,,
1 carte et 8 pi. hors texte; p. 241-242.
г Forel, Perraudin, le précurseur glaciairiste. Eclogse Geol. Helvetiœ, VI,
Ш9, p. 169.
3 Ignace Venetz, Mémoire sur les variations de la température dans les
Alpes de la Suisse. Mémoires de la Soc. helvétique des Se. naturelles, vol. I,
partie 2, p. 1-28, 'Zurich, 1833; p. 17. Sur l'extension ancienne du glacier du
Grimsel d'après un bûcheron de Meiringen, cf de Charpentier, op. cit., p. 242-
243 (note). L. Agassiz (Etudes sur les glaciers, p. . 12, note) signale aussi
l'opinion de Deville,^de Chamonix.
- * s- Dé Forel, Charpentier, Perraudin, Essai le précurseur sur les* glaciers,- glaciairiste. op. Eclogse. cit., p. geol., 246-247. VI, 1899, p. 169.
Agassiz -semble- avoir été mis au courant des remarques de Playfair lors de
la réunion des naturalistes anglais à Glasgow, en 1840 (E. Desor, Excursions
et séjours "dans les glaciers, I, p. 435). GLACIOLOGIQUES EN SUISSE ET EN SAVOIE. 401 OBSERVATIONS
ciers de Jean de Charpentier, publié en 1841, des Excursions et sér
jours dans les glaciers d'Edouard Desor,. des Nouvelles études sur
les glaciers d'Agassiz, parues en 1847, de la brochure posthume de
Venetz, Mémoire sur V extension des anciens glaciers, rédigée en
1857 et 1858, publiée, en ,1861 6. . ;
Le Mémoire sur; tes variations de la température dans les Alpes
de la Suisse, rédigé en 1821 et publié en 1833, fait date dans l'his
toire de la glaciologie. Dans une première partie, Venetz passe en.
revue les preuves d'un refroidissement du climat, crue glaciaire du -
début du xixe siècle, déclin de la circulation à travers les cols à la
suite de^ l'aggravation de l'enneigement dans les hautes régions,
marche rétrograde de la végétation ligneuse, etc* Puis, dans une.
deuxième partie, l'auteur cherche à démontrer que le climat est
aujourd'hui beaucoup plus clément que dans un lointain passé, ne
serait-ce qu'en raison de la présence de. moraines disposées loin en
avant des appareils actuels, dans la vallée du Bonnant en Savoie,
dans- l'Allée Blanche, en Val d'Aoste, dans le Val de Bagnes, à
Fiesch, etc. Remarquable par l'accumulation même des exemples, le
mémoire de Venetz l'est plus encore par certaines de ses conclu
sions : 1) les moraines situées aune distance considérable des gla-.
ciers datent d'une époque « qui se perd dans la nuit des temps » ;
2) les faits prouvant un abaissement dé température sont plus ré
cents que ces moraines; 3) les moraines situées près dés glaciers
datent peut-être- des deux derniers siècles; 4) la température
s'abaisse et s'élève périodiquement; d'une manière irrégulière.
Ainsi était affirmée avec force l'existence d'une période glaciaire, et^
cela* contrairement à -l'opinion du grand de Saussure qui avait mis
en doute, un demi-siècle plus tôt, la possibilité d'une progression, .
générale des glaciers, à cause d'une prétendue compensation entre
les. accroissements et les retraits7.
6 Louis Agassiz, Etudes sur les glaciers. Neuchâtel, 1840, in-8°, v + 346 p.,
ouvrage accompagné d'un Atlas de 32 planches dues à L. Agassiz, A. Guyot
et E. Desor. Neuchâtel et Soleure, in-fol.; Jean de Charpentier, . Essai sur '.'es
glaciers, op. cit.; Rendu, Théorie des glaciers de la Savoie. Chambéry, Puthod, •
1840, 126 p., 2 cartes (Cf. aussi Mémoires de l'Académie royale de Savoie, X,
1841) Edouard Desor, Excursions et séjours dans les glaciers^ et les .hautes
• régions des Alpes, de M. Agassiz et de ses compagnons de voyage. Neuchtëtel
et Paris, 1845, vin + 266 p., 3 cartes et coupes h. texte; Ignace Venetz, Mé
moire sur l'extension des anciens glaciers renfermant quelques explications
sur leurs -effets remarquables. Zurich, 1861, brochure de 33 p., extraite des
Nouveaux Mémoires de la Soc. helvétique des Se. nat., XVIII, p. 1-23.
A cette premi