À l origine d une économie contractée : les crises du XIVe siècle - article ; n°2 ; vol.4, pg 167-182
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1949 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 167-182
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Edouard Perroy
À l'origine d'une économie contractée : les crises du XIVe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 4e année, N. 2, 1949. pp. 167-182.
Citer ce document / Cite this document :
Perroy Edouard. À l'origine d'une économie contractée : les crises du XIVe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 4e année, N. 2, 1949. pp. 167-182.
doi : 10.3406/ahess.1949.1716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1949_num_4_2_17161
DEBATS ET СОМ В Al S
A l'origine d'une Économie contractée
LES CRISES DU XIV SIÈCLE*
On convient d'ordinaire que, pendant la majeure partie du xrV siè
cle et au moins la première moitié du xve, l'Europe occidentale a souffert
d'une « « crise » économique d'une exceptionnelle gravité. Aucun accord,
par contre, sur les causes et les modalités de cette contraction.
En France, on accuse, sans plus, les ravages de la guerre, à qui l'on
attribue le ralentissement de 'la production et des échanges ; or, sauf
dans certaines régions — Bordelais, où M. Boutruche a. mon tré que la
guerre a sévi de façon presque endémique depuis 1294 ; Bretagne, théâtre
d'hostilités prolongées à partir de i34i — le royaume a peu souffert des
débuts de la guerre de Cent Ans, le plat pays n'ayant commencé à subir
les déprédations profondes des gens de guerre qu'après i356, à un moment
où l'économie connaissait depuis longtemps de graves difficultés. Les histo
riens anglais, de leur côté, ont souvent donné une place dominante à la
Peste Noire de i348-4o,, point tournant, à leurs yeux, de l'évolution écono
mique des derniers siècles du moyen âge ; on sait aujourd'hui, pourtant,
que la plupart des difficultés que l'on mettait naguère sur le compte de
cette ponction démographique lui sont largement antérieures. Plus récem
ment, MM. Calmette et Déprez attribuent tout le mal aux remuements
monétaires, qui auraient déclenché un mécanisme assez simpliste de
hausse désordonnée des prix, de contraction des échanges, de gêne matér
ielle suivie de crise morale. C'est pourquoi ils font commencer la « crise »
* Devant l'extrême complexité des faits économiques aux derniers siècles du
moyen âge, nous avons dû restreindre le champ de nos investigations à la France,
l'Angleterre et les РаувнВаз. Noue admettons volontiers que les pays méditerra
dû,' sinon échapper à l'évolunéens ou le monde contrôlé par les Hanséates ont
tion résumée ici, du moins la suivre di'aseez loin. Il va sans dire que notre esquisse
n'a d'autre prétention que de relier entre eux, par quelques hypothèses de travail,
une masse de faite encore trop fragmentaires. Les indications bibliographiques y
6ont volontairement réduites au minimum. 168 ANNALES
en France avec les premières manipulations de Philippe le Bel (1296) et ne
la décèlent en Angleterre qu'en i35i, car ils ignorent les dévaluations anté-/
rieures de i3o4 et de i344-46. Nous pensons qu'ils ont pris l'effet pour la
cause et que, au demeurant, toutes les manipulations monétaires n'ont
pas la même signification économique., Enfin Pirenne et son disciple
Henri Laurent, dont l'horizon était borné aux Pays-Bas, marquent le début
des difficultés / au tournant des xnr9 et xrve siècles, avec la douille déca
dence de la draperie flamande et des foires de Champagne.
Divergences. Ne viennent-elles pas du fait que le mot « crise » a été
employé pour désigner, indifféremment, deux phénomènes pourtant dis
tincts ? Tantôt il s'agit de brusques dépressions, limitées dans le temps,
et seules dignes d'être appelées « crises » — tantôt d'un mouvement d'af
faissement durable et prolongé de l'économie. Nous croyons que le
xiv* siècle a connu les deux phénomènes. Une série de crises rapprochées
— crise frumentaire de i3i5-2o, crise financière et monétaire de i335-45,
crise démographique de i348-5o — ont exercé une action paralysante sur
l'économie et l'ont maintenue, pour un siècle, dans un état de contrac
tion durable.
I
La conjoncture favorable qui s'est prolongée dans les premières déca
des du xive siècle mérite d'être tout d'abord caractérisée avec précision.
Elle avait été longtemps soutenue par un accroissement continu de la popul
ation, lequel avait permis, à la fois, les grands défrichements, — à peu
près achevés en France, mais se poursuivant encore au début du xrve siè
cle dans l'Angleterre du Nord, — la colonisation des pays neufs, les aven
tures coloniales des Croisades, la naissance et la croissance des villes. Cette
poussée démographique incitait à une production sans cesse accrue pour
nourrir et vêtir cette masse humaine toujours plus nombreuse ; inverse
ment, elle donnait à la production une main-d'œuvre abondante et relat
ivement peu coûteuse т— puisqu'on ne manquait pas de bras.
Même si, restant dans les limites d'une prudente vraisemblance, nous
n'attribuons à la France de 1З00 que 10 ou n millions d'âmes, et à l'An
gleterre qu'un peu plus de 3 5oo ooo1, nous faisons ressortir une densité
énorme, eu égard à une technique agraire et artisanale encore primitive.
Le point optimum largement dépassé, il y avait dans bien des régions
saturation de la population. Impossible de poursuivre "les défrichements,
qui ne se faisaient plus que sur des sols pauvres, des terres marginales de
faible rendement»; et d'ailleurs le déboisement avait atteint ses limites
au delà desquelles le pacage du bétail, la fourniture du bois de chauffage
et de construction risquaient de péricliter. L'amélioration de la technique
agraire, faute d'instruments aratoires et d'engrais, restait limitée. Ici et
i. Les célèbres conjectures de F. Lob, "d!'a(près l'état des feux de 1З28, aboutis
sent à compter i5 ou 16 millions di'âmes en France, d'où une densiité rurale de
35 à 38 habitants au km2, si forte que la survie de cette masse humaine n'aurait
pu être assurée. — Pour l'Angleterre, nous sommes parti du total, très modeste,
avancé par J.-C. Russel, British Mediaeval Population (Albuquerque, iq48) :
a aoo 000 âmps en 1З77, en tenant compte du fait que, entre 1З48 et 1З77, 35 à
ko p. 100 de la population avaient disparu du fait des épidémies. CRISES DU XIVe SIECLE 169 LES
là (centre de l'Angleterre), on passait de l'assolement biennal à la rotation
triennale ; ailleurs (Angleterre, Flandre), on augmentait la. proportion de
la culture des légumineuses, moins épuisantes pour le sol : ее n'étaient que
des palliatifs. Le morcellement des tenures s'accentuait dangereusement :
à Weedon Beck (Northants), on était passé, entre ía48 et 1З00, sans défr
ichements nouveaux, de 81 à 110 tenanciers ; la proportion des petits tenanc
iers, aux lopins insuffisants pour la subsistance d'une famille, était
montée de З9 à 7З p. 100 de la communauté totale1. Enfin, l'outillage com
mercial ne permettant pas l'importation massive des céréales des pays
neufs vers les régions surpeuplées, — notamment le blé balte, dont les
Hanséates font commerce, — cette population reste à la merci d'une sous-
alimentation permanente et de famines prolongées. Ainsi la conjoncture
favorable porte en elle-même les germes d'une crise, en rétrécissant à
l'extrême la marge de subsistance des masses rurales et artisanales.
En attendant, on jouissait depuis longtemps d'une remarquable stabi
lité monétaire. Les remuements de Philippe le Bel1 et de ses fils ne
l'avaient que temporairement dérangée, puisque, chaque fois, on revenait
ensuite à la « bonne » monnaie du temps de saint Louis. L'éviction pro
gressive de la faible seigneuriale ou ecclésiastique au profit
d'une monnaie royale de bon aloi, le fréquent décri des espèces destiné à
éviter l'usure et le rognage des pièces, la frappe d'une monnaie saine,
dont la valeur en monnaie de compte ne varie pas, favorisent l'expansion
et la régularité des échanges. La chose est d'autant plus remarquable qu'on
vit enco

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