A propos du pessimisme balzacien : nature et société - article ; n°30 ; vol.10, pg 13-28
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Description

Romantisme - Année 1980 - Volume 10 - Numéro 30 - Pages 13-28
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Arlette Michel
A propos du pessimisme balzacien : nature et société
In: Romantisme, 1980, n°30. pp. 13-28.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Arlette. A propos du pessimisme balzacien : nature et société. In: Romantisme, 1980, n°30. pp. 13-28.
doi : 10.3406/roman.1980.5417
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1980_num_10_30_5417Ariette Michel
A propos du pessimisme balzacien : nature et société
Le pessimisme balzacien dans la Comédie humaine paraît assez ac
cablant, et d'autant plus impressionnant du reste que, dès les premières
œuvres, ce semble porter sur la nature même. Ceci de deux
manières: D'une part, Balzac après Rousseau situe le problème du mal
dans une dialectique des rapports entre nature et société. D'autre part,
la méditation sur la nature chez Balzac se développe dans une perspect
ive métaphysique et religieuse : même s'il n'emploie pas ces mots,
Balzac s'interroge sur la nature et la grâce, la nature et la liberté (1).
Balzac trouve chez Rousseau un des points de départ de sa médit
ation sur les rapports de la nature et de la société. Cela va de soi mais,
fait notable, il accepte de le dire. La référence déclarée à Rousseau ap
paraît dès les romans de jeunesse, spécialement Sténie ; elle se renouv
elle dans la Physiologie du mariage et la Peau de chagrin ; elle occupe
encore une place privilégiée dans Y Avant-Propos de la Comédie humaine,
cette fois dans un texte où Balzac prend soin de noter en quoi il se dé
marque de Rousseau. On peut même estimer qu'alors notre auteur ex
prime l'écart maximum dont sa pensée est capable à l'égard des puis
santes réflexions du maître : « L'homme n'est ni bon ni méchant, il
naît avec des instincts et des aptitudes ; la Société, loin de le dépraver,
comme Га prétendu Rousseau, le perfectionne, le rend meilleur ; mais
l'intérêt développe alors énormément ses penchants mauvais. » (2)
Bien évidemment, la Comédie humaine illustre surtout le dernier
point de ce texte : cela est si évident que nous n'avons guère à en ap
porter la démonstration, si ce n'est pour situer ce thème de la déprava
tion de l'individu par la société dans la perspective des deux premières
idées soutenues par Balzac : l'homme n'est ni bon ni méchant ; la so
ciété le perfectionne.
1. Nous privilégions ici un des nombreux points de vue qui aient à rendre
compte du pessimisme balzacien, outre le découragement d'un homme et d'un créa
teur qui vieillissent, l'amertume et l'inquiétude politiques, etc..
2. Nous rappelons seulement ici quelques jalons : Physiologie du mariage,
le Partie, Méditation 6 : « Mais voulez-vous savoir la vérité ? ouvrez Rousseau, car il
ne s'agitera pas une question de morale publique de laquelle il n'ait d'avance indi
qué la portée •» ; introduction par Ph. Chasles aux Romans et contes philosophi
ques : « L'analyse, dernier développement de la pensée, a donc tué les jouissances
de la pensée. C'est ce que M. de Balzac a vu dans son temps : c'est le dernier résul
tat de cet axiome de Jean-Jacques : « L'homme qui pense est un animal dépravé » ;
nous rencontrons dans Le Père Goriot deux grands lecteurs de Rousseau : Bianchon
et Vautrin, tous deux porte-parole (opposés) de l'auteur (cf. Pléiade, t.III, p. 164
et 220). Vautrin voit très profondément qu'en Rousseau l'auteur du Contrat social
voisine avec le contestataire radical des réalités sociales. Ariette Michel 14
L'indifférence, ou plutôt l'indifférenciation de la nature, virtuell
ement bonne et mauvaise, bonne ou mauvaise, peut se vérifier dès le
Vicaire des Ardennes où cohabitent, aux forêts américaines, de bons et
de mauvais sauvages ; dans le Médecin de campagne, le docteur Benassis
définit ainsi les paysans du pays sous-développé qu'il est venu rendre à
la civilisation : « Je les ai acceptés pour ce qu'ils sont, de pauvres pay
sans, ni entièrement bons ni entièrement méchants, auxquels un travail
constant ne permet point de se livrer aux sentiments, mais qui parfois
peuvent sentir vivement. » (3)
L'idée la plus paradoxale du texte que nous citions est sans contest
e celle-ci : le rôle de la société est de perfectionner la nature. La nature
(dans cette page du moins) est spontanément sociale, et la société l'o
blige à la vertu - sociale entre toutes — de l'abnégation, de la généreuse
discipline, du dévouement. Balzac consacre au moins deux de ses r
omans à illustrer ce principe : le Médecin de campagne et le Curé de vil
lage, auxquels il faut joindre encore l'Envers de l'histoire contempor
aine. (4)
Mais il s'agit bien de principe, et d'un principe que la réalité socia
le contemporaine ne concourt guère à inscrire dans les faits. La société
présente dans la Comédie humaine offre tout au contraire l'image de la
perversion liée à un individualisme forcené, à l'égoïsme outrancier, à
l'intérêt personnel. C'est ce vice social que dénonce, dès 1831, la Peau
de chagrin sous le nom de la « personnalité ». La destinée de Raphaël
de Valentin qui « vit et meurt dans une convulsion d'égoïsme » est
symptoma tique : « C'est cette qui ronge le cœur et dévore
les entrailles de la société où nous sommes. A mesure qu'elle augmente,
les individualités s'isolent ; plus de liens, plus de vie commune. La per
sonnalité règne ; c'est son triomphe et sa fureur que la Peau de chagrin
a reproduits. » (5)
Peut-être faut-il comprendre que la vie sociale, par elle-même et en
elle-même, ne déprave pas la nature ; mais l'individu fait mauvais usage
de la société : c'est la passion dominante en lui du pouvoir et des biens
de consommation qui déprave la société et la convertit en « bagne ». A
3. Le Vicaire des Ardennes met en scène deux « Américains » : tous deux
sont dominés par le même tempérament explosif : Argow le pirate se comporte
comme le pire des mauvais sauvages ; Joseph paraît protégé assez longtemps par une
innocence native — le curé Gausse lui avait dit : « grave dans ton souvenir que l'on
n'est jamais criminel en obéissant à la voix de la nature » (« Bibliophiles de l'origi
nale » , t. III, p. 146) ; pourtant il achève une courte vie en prêtre renégat vivant dans
le concubinage et les tortures de la mauvaise conscience. Le Médecin de campagne,
Pléiade, t.IX, p. 415.
4. De ces trois romans, les deux premiers sont campagnards et illustrent par
faitement le propos d'ensemble des Scènes de la vie de campagne : montrer que
seule la « campagne » permet, après les dégradations inhérentes à la vie sociale, de
se reprendre, de « réparer » en exerçant une active philanthropie. L 'Envers de l'his
toire contemporaine, ou la partie de l'Interdiction consacrée aux œuvres du juge
Popinot, montrent que Paris même peut être le lieu de la rénovation sociale ; mais il
s'agit d'un îlot quasi provincial au sein de la capitale : le Paris des « douleurs de
l'une et l'autre rive » qui s'étend du faubourg Saint-Antoine au faubourg Saint-
Marceau.
5. Introduction aux Romans et contes philosophiques, t.X, p. 1 189. propos du pessimisme balzacien 15 A
la différence de Stendhal, Balzac n'est pas un révolté (6) : il ne refuse
pas le pacte social. Bien au contraire il place en lui sa confiance et c'est
au nom de cette conviction qu'il dénonce avec violence le mauvais usage
qu'en font les hommes de pouvoir et de désir — du désir asservi à la
possession et à l'intérêt.
Quoi qu'il en soit, le mal est donc lié, chez Balzac comme chez
Rousseau, à l'entrée dans l'univers social. C'est ce que fait apparaître
le curieux lien chronologique établi, dans l'architecture des Etudes de
mœurs, entre les Scènes de la vie privée, les Scènes de la vie de province,
les Scènes de la vie parisienne et enfin les de la vie de campagne.
Dans la vie individuelle, les premières expériences déterminantes coïnci
dent avec l'accession à l'existence sociale ; ce « début dans la vie

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