Absentéisme au travail : phénomène socio-professionnel en situation ou expression d événements de santé diffus ? (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.10, pg 67-73
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Absentéisme au travail : phénomène socio-professionnel en situation ou expression d'événements de santé diffus ? (Commentaire) - article ; n°3 ; vol.10, pg 67-73

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Description

Sciences sociales et santé - Année 1992 - Volume 10 - Numéro 3 - Pages 67-73
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Monsieur Sami Dassa
Absentéisme au travail : phénomène socio-professionnel en
situation ou expression d'événements de santé diffus ?
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 10, n°3, 1992. pp. 67-73.
Citer ce document / Cite this document :
Dassa Sami. Absentéisme au travail : phénomène socio-professionnel en situation ou expression d'événements de santé diffus
? (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 10, n°3, 1992. pp. 67-73.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1992_num_10_3_1234Sciences Sociales et Santé, Vol. X, n° 3, septembre 1992
Commentaire
Absentéisme au travail :
phénomène socio-professionnel
en situation ou expression
d'événements de santé diffus ?
Sami Dassa*
L'absentéisme comme objet pré-construit
Depuis quelques années, sociologues et épidémiologistes croisent
le fer à propos du sens et du statut épistémologique de l'absentéisme au
travail dans leurs disciplines respectives (Goldberg et al., 1983 ; Gold-
berg et Leclerc, 1983 ; Thébaud et Lert, 1983). Un pas important en
direction d'une compréhension mutuelle est déjà fait quand on convient
de ne pas considérer l'absentéisme mesuré dans les statistiques
d'entreprises comme le représentant exhaustif de l'absence au travail.
Le titre de l'article présenté ci-dessus nous paraît donc inadéquat par
rapport au matériel analysé. L'absentéisme n'est pas l'absence au tra
vail, mais au mieux l'une de ses mesures possibles, partielle et pré
construite. Le plus souvent, la pré-construction par un acteur social est
faite en vue de fins utilitaires, économiques ou sociales pour la gestion
de l'entreprise, du personnel ou des régimes de Sécurité sociale. On
peut d'ailleurs observer qu'à Électricité de France - Gaz de France, la
base de données sur l'absentéisme n'est pas installée dans le service de
* Sociologue, Centre de Recherche Mutations Industrielles : Rapports Sociaux, Homme
et Travail, CNAM-CNRS, 2, rue Conté, 75003 Paris. 68 SAMI DASSA
médecine du travail qui représente la médecine préventive, mais au
service de médecine de contrôle qui représente un régime de Sécurité
sociale particulier.
Quoi qu'il en soit, on s'accordera à reconnaître l'existence
d'absences et d'absents au travail non recensés dans ce qu'enregistre
l'absentéisme mesuré. Cette première remarque vise à montrer que n'est pas un donné « naturel », une chose de la réalité ;
il n'est pas non plus une construction conceptuelle scientifique élabo
rée à des fins de connaissances non directement finalisées. Il est une
construction sociale suffisamment floue pour intéresser des disciplines
qui trouvent dans l'analyse d'un même objet pré-construit une identité
de champ qui occulte les spécificités et particularités de ces disci
plines.
La deuxième remarque ne concerne plus l'écart entre la réalité, sa
mesure et son concept, mais le contenu interne et la signification de ce
qui est mesuré dans l'absentéisme, dans les données et matériaux enre
gistrés. Les épidémiologistes recherchent dans l'absentéisme des lia
isons avec la morbidité. On peut opposer à cela que par rapport à cet
objet morbidité, l'absentéisme est doublement inadéquat. On relève,
d'une part, l'existence de morbidité réelle non enregistrée dans ce que
mesure l'absentéisme et, d'autre part, des absences enregistrées mais
qui ne correspondent pas à une réelle morbidité. Sauf à considérer
l'absence comme une pathologie en soi, on ne peut pas traiter l'absen
téisme une mesure de morbidité adéquate à son objet. Il y a en
effet des malades non déclarés qui ne s'arrêtent pas de travailler et des
bien-portants déclarés malades qui pour diverses autres rai
sons. Bref, tous les ne sont pas absentéistes et tous les absen-
téistes ne sont pas malades. Si l'on considère l'évolution de l'absen
téisme dans une population donnée, il nous semble illicite de rapporter
cette évolution à une évolution corrélative et inverse de la santé de population quand on sait, par exemple, que l'instauration d'une
prime d'assiduité ou l'annonce non nominale d'un licenciement collect
if peut notablement modifier l'absentéisme enregistré.
Il est vrai que cet argument peut être retourné, avec encore plus
d'évidence, contre des sociologues qui ne voudraient voir dans
l'absentéisme qu'un indicateur connotant des rapports sociaux ou un
climat social de travail. Si les épidémiologistes sont mal venus de ne
voir dans l'absentéisme qu'un indicateur de santé, a fortiori les socio
logues le sont-ils de n'y voir qu'un signe de malaise social. Si, en
termes statistiques, un excès d'absentéisme peut indiquer une détério
ration du climat social, un malaise dans le rapport de l'homme à son
travail, à ses collègues, à ses supérieurs et à l'entreprise, un déficit ABSENTÉISME AU TRAVAIL 69
d'absentéisme n'indique pas, pour autant, une situation assurément
positive. Un bas niveau d'absentéisme peut accompagner aussi bien un
bon qu'un mauvais climat social. Tout dépend de la performance du
système social en termes d'allégeance ou d'indépendance de ses
membres, du succès de la répression ou de la liberté, de la soumission
ou de l'insoumission des personnes par rapport aux injonctions et aux
normes de l'entreprise et des groupes primaires de travail. Suivant le
type de pouvoir symbolique qui s'exerce dans l'entreprise, suivant aussi
les états de la conjoncture sociale à un moment ou à un autre, un bas
niveau d'absentéisme peut tantôt correspondre à une positivité du cl
imat social et tantôt à une efficacité de la répression et d'un climat autor
itaire. Un haut niveau d'absentéisme peut de même, si l'on en reste là,
tout aussi bien être analysé comme un signe d'insoumission ou une
volonté d'indépendance des personnels que comme la conséquence
d'une anomie ou d'un laxisme organisationnels. Sur cette base, l'a
bsentéisme que considèrent les sociologues, tout autant que celui que
considèrent les épidémiologistes, ne présente pas de vérité en soi et à
lui seul. Pour recevoir une connotation et une qualification sociolo
giques, l'absentéisme doit être examiné en complément et en liaison
avec d'autres mesures ou d'autres observations du rapport social de
travail dans l'entreprise. C'est pourquoi la sociologie, comme proba
blement l'épidémiologie, se doit de considérer en même temps que l'a
bsentéisme d'autres indications sur l'objet considéré. Nous pensons par
exemple au taux de turn-over, à la composition sociale et statutaire du
personnel, aux conflits du travail ouverts et informels, aux accidents du
travail, au taux de syndicalisation, à la nature des rapports sociaux
horizontaux et verticaux, etc.
À notre sens, le défaut majeur des études épidémiologiques sur
l'absentéisme est d'utiliser celui-ci isolément, comme si l'absentéisme
pouvait être en lui-même un résumé fiable de la morbidité d'une popul
ation réunie dans une unité de travail.
Un même mot pour des objets et des objectifs différents
Les sociologues n'ont pas le même objet que les épidémiologistes,
les uns s'intéressent aux rapports et climats sociaux, les autres à la
santé.
Dans ce cadre, les sociologues ont moins de mal à comprendre
l'absentéisme que la durable et massive présence et accoutumance au
travail. La persévérance pour accomplir une tâche qui vous est dictée 70 SAMI DASSA
par autrui, dont le produit est consommé par autrui, et dans une rela
tion sociale où vous êtes complètement de'pendant d'autrui, est plus
énigmatique et génératrice de morbidité que l'absence au travail qui
vous libère de cette dépendance et de cette aliénation, et peut donc vous
restituer cette dimension de santé que le travail vous avait reprise en
vous obligeant à 

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