Activité et emploi des femmes : des constructions sociétales différentes en France, au Royaume-Uni et en Suède - article ; n°1 ; vol.16, pg 125-143

Anne-Marie Daune-Richard

Description

Sociétés contemporaines - Année 1993 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 125-143
Investigation of the position of women in the labor market reveals different societal configurations in the countries that are sociologically and economically similar. The relationships between government employment, family, social and fiscal policies, and their articulation with different modes of the division of domestic and parental labor within the family, contribute to the development of different models of female participation in the labor market, relative to those of men. At the same time, this « contextualisation » of the gender construction of labor supply makes it possible to limit the value of some of these elements considered in isolation, such as that of part-time work for example.
En étudiant la place des femmes sur le marché du travail, on met en évidence des configurations « sociétales » différentes dans des pays pourtant sociolog iquement et économiquement proches. Les relations entre politiques publiques d'emploi, familiales, sociales et fiscales articulées aux modes départage du travail domestique et parental au sein de la famille contribuent à construire des modèles différents de participation des femmes, relativement aux hommes, à l'activité et à l'emploi. Dans le même temps, cette « contextualisation » de la construction sociale sexuée de l'offre de travail conduit à pondérer la valeur de certaines de ses composantes considérées isolément, celle du travail à temps partiel, par exemple.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: SOCIETES_CONTEMPORAINES
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 36
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Anne-Marie Daune-Richard
Activité et emploi des femmes : des constructions sociétales
différentes en France, au Royaume-Uni et en Suède
In: Sociétés contemporaines N°16, Décembre 1993. pp. 125-143.
Abstract
Investigation of the position of women in the labor market reveals different societal configurations in the countries that are
sociologically and economically similar. The relationships between government employment, family, social and fiscal policies, and
their articulation with different modes of the division of domestic and parental labor within the family, contribute to the
development of different models of female participation in the labor market, relative to those of men. At the same time, this «
contextualisation » of the gender construction of labor supply makes it possible to limit the value of some of these elements
considered in isolation, such as that of part-time work for example.
Résumé
En étudiant la place des femmes sur le marché du travail, on met en évidence des configurations « sociétales » différentes dans
des pays pourtant sociolog iquement et économiquement proches. Les relations entre politiques publiques d'emploi, familiales,
sociales et fiscales articulées aux modes départage du travail domestique et parental au sein de la famille contribuent à
construire des modèles différents de participation des femmes, relativement aux hommes, à l'activité et à l'emploi. Dans le même
temps, cette « contextualisation » de la construction sociale sexuée de l'offre de travail conduit à pondérer la valeur de certaines
de ses composantes considérées isolément, celle du travail à temps partiel, par exemple.
Citer ce document / Cite this document :
Daune-Richard Anne-Marie. Activité et emploi des femmes : des constructions sociétales différentes en France, au Royaume-
Uni et en Suède. In: Sociétés contemporaines N°16, Décembre 1993. pp. 125-143.
doi : 10.3406/socco.1993.1144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/socco_1150-1944_1993_num_16_1_1144♦ ♦♦♦♦♦♦ ANNI-MARII DAUNI-RICHARD ♦♦♦♦♦♦♦
ACTIVITÉ ET EMPLOI DES FEMMES :
DES CONSTRUCTIONS SOCIÉTALES DIFFÉRENTES
EN FRANCE, AU ROYAUME-UNI ET EN SUÉDE 1
sociales RÉSUMÉ économiquement configurations partiel, la relativement « de contextualisation valeur la famille par et : de En fiscales exemple. certaines contribuent étudiant aux « proches. sociétales articulées » hommes, de la de place à construction ses Les construire aux » composantes à des relations différentes modes l'activité femmes sociale des départage entre sur modèles considérées et dans sexuée le à politiques marché l'emploi. des du différents de travail pays isolément, l'offre du publiques pourtant travail, Dans domestique de participation travail celle le on d'emploi, sociolog même met conduit du et parental en travail temps, évidence iquement des familiales, à pondérer femmes, à au temps cette sein des et
La France, le Royaume-Uni et la Suède, comme tous les pays industrialisés, ont
connu dans les toutes dernières années une élévation considérable de l'activité
féminine. Dans ces trois pays, la ségrégation sectorielle et professionnelle entre
hommes et femmes, sur le marché de l'emploi, est très proche. Toutefois, au-delà de
ces grandes proximités, l'analyse des modes de participation des femmes au marché
du travail révèle des différences majeures qui s'ancrent dans des constructions
historiques et sociales chaque fois spécifiques.
Notre propos est ici de mettre en évidence des configurations différentes de
participation des femmes - relativement aux hommes - à l'activité et à l'emploi,
dans des pays économiquement et socialement proches, en nous inspirant des
propositions faites par les fondateurs de l'« analyse sociétale » (Maurice, Sellier,
Silvestře, 1982). Toutefois les différences hommes-femmes n'ont pas été abordées
par ces auteurs, et les niveaux d'analyse - la comparaison France-Allemagne
s'intéresse à la construction sociale de la hiérarchie dans les entreprises
industrielles - sont différents. Il s'agit moins ici de suivre leurs propositions à la
lettre, que de reprendre en partie leur démarche dans la mesure où elle permet de
dépasser à la fois une vision universaliste des sociétés (interdisant d'isoler un facteur
à fins de comparaison terme à terme) et une vision culturaliste se référant à des
ensembles flous de valeurs et de traits culturels, pour construire des systèmes
ď interrelations au principe de cohérences sociétales.
1 . Cet article est issu d'une communication présentée à la First European Conference of Sociology
(Vienne, 26-29 août 1992).
Sociétés Contemporaines (1993) n "16 (p. 125-143)
125 D A U N E - R I С H A R D ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦ ANNE-MARIE
L'approche « sociétale » présente plusieurs risques, en particulier pour ce qui
intéresse notre propos : celui de privilégier les différences entre sociétés d'une part,
la cohérence voire l'harmonie interne à chacun d'autre part (Rubery, 1988b) ; celui
enfin de développer une vision a- historique voire « statique » des sociétés (Lutz,
1989). Cependant, le travail des femmes a été si longtemps examiné à travers les
lunettes fixistes de l'approche biologico-naturaliste (Daune-Richard, 1988) qu'une
approche relativisté reste riche d'enseignements pour éclairer sa compréhension
sociologique. Ce faisant notre ambition est de mettre au jour les différences mais
aussi les proximités existant d'un pays à l'autre à cet égard. Elle est surtout de mettre
en évidence le sens différent que revêt un même fait (ici, par exemple, le travail à
temps partiel) quant à la participation des femmes au marché du travail et plus
généralement à la vie sociale, relativement aux hommes. Enfin, dans la quête de ces
différences, on tentera de repérer l'origine et le sens des évolutions récentes éclairant
potentiellement les inflexions et la dynamique de « l'effet societal » ainsi que les
tensions internes qui peuvent en émerger.
Nous partirons de l'idée que les différences hommes-femmes de participation à
l'activité et à l'emploi s'ancrent dans les modes d'articulation entre la production et
la reproduction (cf. Le sexe du travail, 1984). On analysera donc, au niveau
macrosociologique, les correspondances repérables entre les modes d'organisation
du marché du travail, à travers les clivages qu'ils opèrent entre catégories sexuées
de main-d'œuvre, et les modes d'organisation de l'offre de travail, à travers les
politiques publiques d'emploi, sociales, familiales et fiscales articulées aux modes
de partage du travail domestique et parental au sein de la famille.
Après avoir examiné les situations comparées d'activité et d'emploi et les formes
historiques, nationalement différentes, de « mise au travail » salarié des femmes (1.),
on étudiera ensuite les modalités actuelles de construction sociale de l'offre de travail
féminine (2.), en situant, pour finir, la signification du travail à temps partiel dans
les trois pays (3.).
1. DES SITUATIONS D'ACTIVITÉ ET D'EMPLOI CONTRASTÉES, ANCRÉES SUR DES FORMES
DIFFÉRENTES DE « MISE AU TRAVAIL » SALARIÉ DES FEMMES
En France et au Royaume-Uni les taux d'activité des femmes sont proches :
respectivement 57 % et 66 % d'entre elles sont actives. En Suède c'est le cas de plus
de 80 % d'entre elles. De plus, si dans les deux premiers pays il existe une différence
importante entre les taux d'activité des hommes et des femmes - de 20 points
environ - cela ne se vérifie pas en Suède : 86 % et 83 % respectivement (Tableau 1).
En évolution les tendances des vingt dernières années sont les mêmes dans les
trois pays mais présentent des intensités variables : diminution - importante en
France et au Royaume-Uni, faible en Suède - de l'activité masculine ; augmentation
de l'activité féminine particulièrement sensible en Suède (+ 23 points), moindre au
Royaume-Uni (+ 13 points) et plus faible en France (+ 7 points).
Les situations des trois pays au regard du chômage relatif des hommes et des
femmes sont contrastées. La Suède se distingue par des taux très bas depuis 20 ans,
de plus en plus proches pour l