Apollinaire-Orphée : Sur la poétique d Alcools - article ; n°33 ; vol.11, pg 91-108
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Description

Romantisme - Année 1981 - Volume 11 - Numéro 33 - Pages 91-108
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 76
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Daniel Grojnowski
Apollinaire-Orphée : Sur la poétique d'Alcools
In: Romantisme, 1981, n°33. pp. 91-108.
Citer ce document / Cite this document :
Grojnowski Daniel. Apollinaire-Orphée : Sur la poétique d'Alcools. In: Romantisme, 1981, n°33. pp. 91-108.
doi : 10.3406/roman.1981.4511
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1981_num_11_33_4511Daniel Gropwwski
Apollinaire-Orphée : sur la poétique à' Alcools
1
II ne va pas de soi que celui qui produit un message (quel qu'il
soit, et à quelque titre que ce soit) s'interroge sur la nature de celui-ci,
ses conditions d'énonciation, de transmission, de réception, d'interpré
tation. Interroge le champ qui lui revient — le champ du chant —
la fonction qu'il remplit (et celle à laquelle il prétend) au plan social
autant que langagier. En d'autres termes, il ne va pas de soi que celui
qui dit mette ce dire en miroir et en questionne l'image. Se demande
ce que dire veut dire, implique et met enjeu. Se désigne disant ce qu'il
dit, dans l'intention d'interroger ce dire. Fasse son œuvre des « Dits
du dire ».
Si la pratique actualise la théorie de manière plus ou moins cons
ciente et savante, si toute poésie se génère sur la trame d'une poétique
immanente qui la codifie en même temps qu'elle la détermine, il ne
revient pas nécessairement au même d'assumer le double registre
du discours et du méta-discours. L'objet « poésie » donne lieu à des
écrits sans commune mesure selon qu'ils concernent le poétique et
la poétique. Car le poète n'est pas le poéticien obligé de sa propre
parole. Au cas où il emprunte ce double rôle, il demeure deux per
sonnes qui, tour à tour, se dévouent, l'une à la production, et l'autre
au produit, ou, plus exactement, à la production d'un produit autre.
En l'occurence, ces chants alternés, si chers aux Muses, n'interfèrent
pas, du fait qu'ils procèdent chacun d'un autre ordre. Poéticien de
sa propre production, le poète pourrait l'être de sa poétique qui par
ticipe du texte poésie. Concernés selon toutes apparences (mais en
apparence seulement) par le même objet, tous deux parient d'autre
chose, dans un autre propos, et selon d'autres modes.
L'ambition, ou la prétention, du poète à se considérer comme le
lieu d'une effusion double, lyrique et théorique, peut être considérée
comme le mythe-témoin d'une impossible fusion. Tout comme l'An-
drogyne de l'amour platonicien rend compte d'une dissociation qui
apparaît irrémédiable... En revanche, ce qui prend valeur de symptôme,
c'est l'existence historique d'un tel mythe dans la poésie d'Occident,
le développement toujours plus insistant, voire obsessionnel, qu'il a
pu connaître à une époque donnée.
Dans le courant du XIXème siècle, la poétique se dissocie de la
rhétorique et délimite un territoire autrement vaste, dont les frontières
resteront floues. A l'idée d'un savoir-faire tributaire de modèles à 92 Daniel Grojnowski
imiter, se substitue la recherche d'une « originalité » conquise au
prix d'une émancipation. Unique car dissemblable, la voix du « moi-je »
s'exprime une fois libérée des contraintes héritées. Cette contestation
d'un art de dire, provoque la multiplication des diatribes et des profes
sions de foi. Le souci de prendre pour sujet du poème le Poème, le
Poète et la Poésie, de faire en sorte que le sujet qui écrit devienne
objet de l'écriture, assure à nos yeux la « modernité » d'esthétiques
diverses. On se trouve en présence d'un phénomène d'une étonnante
prolixité, dont l'inventaire et le classement restent à faire.
Il faudrait distinguer, pour mieux les confronter, la poétique des
rhéteurs, grammairiens et professeurs, de celle des praticiens. Et parmi
ces derniers, distinguer ceux qui postulent l'essence d'un langage poé
tique dont ils explorent la systématique (Mallarmé, Valéry), ceux qui
sous forme de traités, de manifestes, au nom d'impératifs tels la tradi
tion, la novation, l'inconscient, invitent à des pratiques caractérisées
(Banville, Breton), et ceux qui, de manière plus capricieuse, participent
à ces préoccupations dans des fragments de toutes sortes : comptes
rendus, préfaces, « arts poétiques », recueils, essais (Baudelaire, Verl
aine, Rimbaud, Lautréamont, Corbière, Laforgue). Théoriciens, chefs
d'écoles et adeptes, témoignent d'une inquiétude qui a pour effet
une mise en question permanente. « Depuis quelque quarante-cinq ans,
écrivait Paul Valéry, j'ai vu la Poésie subir bien des entreprises » (1) :
« La poésie est ce qu'il y a de plus réel... La poésie est à la fois musique,
peinture... Et le volume de la poésie future sera celui... La vieillerie
poétique avait une bonne part... La poésie personnelle a fait son temps...
Que ton vers soit la bonne aventure... il vivait en concubinage avec
les Muses... Des vers. Et puis, après ?... La poésie est un langage... »(2).
De tant d'actes de foi devenus pour une bonne part lieux communs
culturels, on pourrait former un joyeux florilège. En Poccurence, il
n'importe pas d'établir le répertoire des propos et d'en raisonner
convergences et divergences. Au niveau où nous situons notre obser
vation, l'essentiel est que leur formation compose la texture d'un
discours collectif, qui porte à la fois sur le poème en tant que thème,
le personnage du Poète, l'idée de poésie, la théorie du genre. Inflation
qui coïncide avec un resserrement notoire d'audience, prolifération
inversement proportionnelle aux tirages des recueils. Car les poètes,
de plus en plus, publient « à compte d'auteurs ». La crise du vers
est l'expression d'une crise plus profonde, qui les condamne à se
glorifier, faute de mieux, du discrédit qui les frappe. Maudits ou non,
ils ne peuvent ignorer cette marginalisation de fait, et réagissent de
manière d'autant plus véhémente que la menace se fait plus pressante.
Avec Apollinaire, on se trouve en présence, dans la séquence
historique « fin de siècle — début du siècle », d'un prototype qu'il
(1) P. Valéry : « Question de poésie » (Oeuvres, « Bibl. de la Pléiade », 1957,
t.I,p. 1280).
(2) Ces bribes sont empruntées à Baudelaire, Banville, Mallarmé, Rimbaud, Lau
tréamont, Verlaine, Corbière, Laforgue, Valéry. On consultera L'Art poétique
de J. Charpier et P. Seghers, éd. Seghers, 1 956. la poétique d V Alcools » 93 Sur
n'a cessé lui-même de considérer comme exemplaire. Chez lui, la pra
tique de la poésie (perpétuelle hantise) détermine empiriquement
une poétique. En une multitude d'oeuvres parfois journalistiques,
alimentaires ou « honteuses », par approximations successives, la
poésie s'interroge elle-même, se relate, se consacre, se met en scène,
à toute occasion, se perpétue par ricochets, se profère par échos.
Elle prend la forme d'un Arlequin cosmique dont le costume est méta
phore d'un chant composite cousu de fil blanc. Corps lacéré que les
Ménades éparpillent mais que remembre une figure archéty pique :
« Sur les tréteaux l'arlequin blême
Salue d'abord les spectateurs [...]
Ayant décroché une étoile
II la manie à bras tendus
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales [...]
Le nain regarde d'un air triste
Grandir l'arlequin trismégiste » (3).
Georges Duhamel comparait Alcools à une boutique de brocant
eur. On a traité à tort par le mépris ce compte rendu critique dont le
début mérite d'être cité intégralement. Non seulement Duhamel y
caractérise le recueil d'Apollinaire, mais il en explicite le baroque
avant-gardiste qui en concerte le désordre. Quelques armées plus tard,
dans L 'Esprit nouveau et les poètes, Apollinaire donnera en exemple
un autre lieu du bric-à-brac, la page du journal « qui traite dans une
seule feuille des matières les plus diverses, parcourt des pays les plus
éloignés » (4). L'appréciation, si pertinente, porté

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