Aspects linguistiques de l aphasie - article ; n°2 ; vol.5, pg 5-31
28 pages
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Aspects linguistiques de l'aphasie - article ; n°2 ; vol.5, pg 5-31

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Description

L'Homme - Année 1965 - Volume 5 - Numéro 2 - Pages 5-31
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

David Cohen
Michel Gauthier
Aspects linguistiques de l'aphasie
In: L'Homme, 1965, tome 5 n°2. pp. 5-31.
Citer ce document / Cite this document :
Cohen David, Gauthier Michel. Aspects linguistiques de l'aphasie. In: L'Homme, 1965, tome 5 n°2. pp. 5-31.
doi : 10.3406/hom.1965.366713
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1965_num_5_2_366713s
ASPECTS LINGUISTIQUES DE L'APHASIE
par
DAVID COHEN et MICHEL GAUTHIER
Le linguiste ne peut aborder l'étude de l'aphasie de façon neutre, désintéressée :
par-delà l'analyse des troubles du langage, la fonction elle-même est visée et, sous
les solidarités fonctionnelles, des autonomies relatives peuvent se révéler ; l'eff
icacité de la démarche du linguiste est liée ici à une interprétation spécifique des
constats cliniques accumulés par des générations de neurologues. Les classements
établis sont dominés par la notion suivante : puisque les régions cérébrales
qu'atteignent les lésions commandent en particulier l'activité langagière, le déficit
qui se manifeste le plus nettement ressortit à un syndrome neurophysiologique
multiple ; on ne trouve pas, dans toute la littérature médicale, un seul cas où
l'aphasie « d'expression » ne soit associée à des troubles moteurs. Dans la carac-
térisation de ce syndrome, les aspects linguistiques jouent donc un rôle privilégié,
mais non exclusif ; les localisations lésionnelles, et un ensemble de traits de comport
ement, interviennent également. Le premier problème à soulever est donc celui
de la concordance entre typologie clinique et typologie linguistique. Une nouvelle
répartition s'imposera-t-elle ou, au contraire, les traits linguistiques déterminés
par l'analyse pourront-ils s'agréger, de façon consistante, aux syndromes clas
siques ? Quelque réponse que l'enquête apporte, toute symptomatologie nouvelle
devra être mise en relation, d'un côté avec les autres formes d'altération du
fonctionnement cérébral et, en particulier, avec les troubles des fonctions dites
symboliques (apraxies, agnosies), de l'autre avec l'état des activités intellectuelles
en dehors de l'aphasie elle-même1.
Le problème est complexe. Il impose d'emblée qu'on substitue l'expériment
ation à l'observation. Pour que des structures caractéristiques apparaissent, et
i. Les remarques développées ici sont fondées sur l'observation de malades en traitement
à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, observation accomplie dans le cadre du groupe de « Recher
che concertée prioritaire » (C.N.R.S.) sur l'aphasie, dirigé par le Dr Henry Hécaen. 6 DAVID COHEN ET MICHEL GAUTHIER
pour que l'analyse statistique obéisse aux critères de fiabilité, des batteries de
tests doivent être constituées, qui jouent à tous les niveaux, — phonologique,
morphosyntactique, lexical — , auxquels s'articule normalement l'étude des
langues ; tests non seulement oraux mais écrits, l'objet de ces derniers étant,
entre autres, de mettre en lumière le degré d'autonomisation du code graphique.
Les troubles, considérés comme déficits de réalisation, se trouvent par là rapportés
à l'idiolecte1 supposé du malade, tel que la connaissance des antécédents, celle des
coordonnées géographiques et socio-culturelles du sujet et même, dans les limites
de précautions évidentes, l'entretien clinique, permettent de le reconstruire. Ils
sont aussi rapportés, naturellement, à travers ce parler ainsi défini, aux structures
du français commun.
On sent combien il est essentiel de porter la plus grande attention à la hiérar
chisation des faits linguistiques. Dans les observations de cas dont il sera question,
un premier temps de l'analyse a consisté dans la réduction de chaque « texte »
en segments premiers et dans la mise en évidence de leur agencement immédiat.
C'est dans le second temps qu'il s'agira de mettre au jour structures et distribu
tions ; cette étape consiste donc dans l'étude des ensembles et des modes de leurs
désorganisations (le cas échéant, de leurs réorganisations) : en phonologie, par
exemple, des oppositions fonctionnelles et des traits sur lesquels elles se fondent ;
en syntaxe, de la détermination mutuelle des segments et des niveaux de conca
ténation. Il y a là transposition dans un domaine nouveau d'une méthodologie
fondamentale en linguistique structurale : ne peuvent être pertinentes pour l'ét
ablissement d'une typologie les altérations des éléments de la langue, mais bien
les relations de ces éléments entre eux.
On sent aussi ce que ces procédures peuvent apporter à la pratique médicale
usuelle : une grande rigueur analytique, comme il vient d'être dit, et par là même
de meilleures possibilités de quantification ; l'idée d'une désorganisation de struc
tures se juxtaposant à celle, familière aux médecins, d'une de
comportements ; l'usage connexe d'outils intellectuels comme les notions de code
et de message, de paradigme et de syntagme. A cette valeur, qu'on pourrait dire
propédeutique, des techniques du structuralisme, s'en ajoute une autre qu'on
pourrait qualifier, elle, de prophylactique et sur laquelle nous reviendrons plus
i. Pour prévenir tout malentendu sur ce terme, disons qu'est désigné ici, peut-être un peu
improprement, par idiolecte, l'ensemble des hypothèses qu'on peut faire sur le type de parler
qui était celui du sujet avant sa maladie : l'idiolecte d'un individu est celui du groupe social
auquel il appartient, modifié par les particularités dues aux accidents de son histoire propre.
L'établissement d'un tel idiolecte hypothétique n'a qu'un objet négatif : empêcher de consi
dérer comme symptomatiques les traits linguistiques qu'il n'est pas impossible d'expliquer
par des habitudes antérieures.
Un questionnaire a été établi à Sainte-Anne pour préciser dans les moins mauvaises
conditions possibles les caractères de cet idiolecte. Sur l'ensemble des tests, voir D. Cohen
et al., « Aspects du fonctionnement du code linguistique chez les aphasiques moteurs »,
Neuropsychologia, 1963, I, pp. 165-177. ASPECTS LINGUISTIQUES DE L'APHASIE 7
loin : ces techniques permettent d'aborder, avec les précautions nécessaires, le
problème de la signification.
Un travail mené sur de telles bases ne peut être que de longue haleine. Le seul
établissement, par la transcription des bandes magnétiques et des protocoles
de consultation, des corpus nécessaires à l'analyse segmentale et distributionnelle
requiert un effort considérable. Il s'accomplit cependant, et la bibliographie des
contributions américaines, soviétiques, britanniques et maintenant, de plus en
plus, françaises, à l'étude structurale des aphasies s'accroît lentement, comme
lentement s'accroît celle de l'étude structurale des langues. Tout le problème,
pourtant, réside-t-il dans cet épuisement progressif de la matière ? Et d'ailleurs,
à quel niveau d'explication peut venir s'insérer la pure analyse descriptive du
corpus ?
* * *
Par souci de la plus grande rigueur méthodologique possible, on est tenté de
ne laisser entrer en ligne de compte que le texte énoncé. Or, dans cette mesure
même, la possibilité de caractériser les troubles atteint rapidement ses limites.
Le langage du sujet considéré cliniquement comme aphasique fonctionne sur
un code qui est, du point de vue formel, soit apparemment conservé, soit réduit
dans sa masse et dans sa structure ; dans ce cas les perturbations peuvent porter
sur la seconde articulation, c'est-à-dire sur la réalisation des phonèmes, ou sur
la première, c'est-à-dire précisément sur l'organisation des unités significatives1.
La distinction recoupe alors deux types de troubles définis, du point de vue cl
inique, comme anarthrie et comme agrammatisme2 :
APHASIE
CODE « CONSERVE » CODE REDUIT
2* ARTICULATION i™ ARTICULATION
(ANARTHRIE) (AGRAMMATISME)
etc.
1. Voir sur cette terminologie, André Martinet, Éléments de linguistique générale, Paris,
i960, pp. 17-19.
2. Le tableau simplifie à l'extrême, et n'est proposé que comme élément d'un

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