Au XIXe siècle : l alimentation en Nivernais - article ; n°6 ; vol.20, pg 1163-1184
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Au XIXe siècle : l'alimentation en Nivernais - article ; n°6 ; vol.20, pg 1163-1184

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1965 - Volume 20 - Numéro 6 - Pages 1163-1184
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Guy Thuillier
Au XIXe siècle : l'alimentation en Nivernais
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 6, 1965. pp. 1163-1184.
Citer ce document / Cite this document :
Thuillier Guy. Au XIXe siècle : l'alimentation en Nivernais. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 6,
1965. pp. 1163-1184.
doi : 10.3406/ahess.1965.421323
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1965_num_20_6_421323L'alimentation en Nivernais
au XIXe siècle
Traditionnellement, l'historien s'intéresse fort peu à l'histoire matér
ielle, à l'évolution du niveau de vie, aux coutumes alimentaires : ce
n'est point là une histoire qui se prête à discussions erudites ni à cons
tructions savantes de courbes. Pourtant cette histoire de la vie quoti
dienne est riche d'enseignements de toute nature. Certes la rareté des
documents, la difficulté d'interpréter certaines données, l'impossibilité
de dater les transformations limitent nécessairement la portée de toute
enquête de ce genre : de bonnes mercuriales de prix, au contraire, voilà
un terrain solide, ne prêtant point à contestation. Mais ne touche-t-on
pas là aux fondements mêmes de la vie sociale, des traditions et cou
tumes séculaires des groupes sociaux ? Est-il impossible de tenter à
propos du Nivernais une esquisse de cet « ancien régime » alimentaire
— qui a duré jusqu'au début du xxe siècle x ?
Le pain — cette réalité vivante, quotidienne — offre un bon exemple
des difficultés d'approche. En premier lieu on connaît très mal les diverses
qualités du pain, qui tiennent le plus souvent à des différences de groupes
sociaux : le pain blanc ne représente, à la fin du xvine siècle, qu'une très
faible partie de la fabrication 2 et le pain de froment est en Nivernais
« une friandise » : à Nevers les boulangers obligent parfois l'acheteur
de pain jaunet à prendre en sus du pain blanc 3. Le pain de méteil (un
tiers orge, un tiers blé, un tiers seigle) était le pain ordinaire des cam
pagnes ; dans le Morvan on ne mange traditionnellement que du pain
1. Aucune étude régionale ne semble avoir été tentée, en dehors de A. Poitri-
neatj, U alimentation populaire en Auvergne, au XVIIIe, Annales, 1962, pp. 323-
331. On se reportera aux quelques pages suggestives que R. Mandbotj consacre à l'al
imentation dans son Introduction à la France moderne, essai de psychologie historique,
1500-1640, 1961, pp. 15-35 et aux Bulletins de l'enquête sur L'histoire de la vie matér
ielle parus régulièrement dans les Annales à partir de 1961. Pour l'étude des consom
mations urbaines sur lesquelles nous possédons peu de documents, cf. R. Laurent,
L'octroi de Dijon au XIXe siècle, 1961. Sur le Nivernais, on trouvera quelques pages
fort utiles dans le Folklore nivernais de J. Drouiixet, t. II (1961), pp. 75-97.
2. Sur le pain à Nevers au xvnie siècle, cf. Louis Gueneaxj, L'organisation du
travail à Nevers aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1919, p. 215 et suivantes.
3. Le pain jaunet est un pain de deuxième qualité fabriqué moitié froment, moit
ié seigle. Sur les diverses qualités de pain, cf. Drouiixet, ouv. cité, p. 53 et suivantes.
On trouvait à Nevers 35 boulangers et 7 blatiers en 1789 (L. Gueneau, ouv. cité, pp. 592-
593), 36 en 1829 et 22 blatiers (dont : 1 cabaretier, 1 épicier, 2 blatiers, 35 en 1872...
Une petite ville comme Pougues avait 6 boulangers au xvine siècle (Massé Fougues
de 1674 à 1795, Mém. Soc. Acad. Nivernais, 1942, p. 34). Sur les fours particuliers,
une étude mériterait d'être menée à partir des recensements très précis effectués par
les officiers topographes qui indiquent pour chaque commune le nombre de fours et
moulins, leur capacité (Arch. Ministère de la Guerre, rapport du capitaine de Cas-
telneatj, sur l'arrondissement de Clamecy, publié par L. Mirot dans Bulletin Soc.
Scient, de Clamecy, 1940).
1163 ANNALES
de seigle, dont le son n'est même pas retiré 1, également des galettes de
sarrasin, de blé noir. La qualité du pain était la source profitable de
toutes les tromperies, des meuniers comme des boulangers. Souvent
les gros propriétaires faisaient trier le bon grain pour la semence, le
métayer se nourrissant des « mauvais grains » 2. Les meuniers trom
paient également sur la qualité du grain, sujet de longues contestations :
comme il était convenu qu'ils devaient rendre poids pour poids (sous
déduction d'un faible droit de mouture), ils s'ingéniaient à laisser le son
ou à mélanger de mauvais grains 3. Aussi bien la qualité du pain de
ménage était-elle souvent médiocre : aucun blutage n'était pratiqué4,
le pain était mal cuit, mal levé : dans le Morvan, le pain de seigle « trop
mou, gluant les premiers jours, ne tardait pas à durcir comme pierre » 6,
et l'on ne faisait souvent les fournées que toutes les deux ou trois semaines.
A Nevers, les ménagères avaient l'habitude de faire cuire leur pain chez
le boulanger, après avoir préparé elles-mêmes la pâte — ce qui les garant
issait des tromperies sur la qualité et le poids.
En second lieu, il est très difficile de connaître les quantités consom
mées : pourtant le pain représentait une part importante du budget al
imentaire, un tiers ou la moitié tout au long du siècle 6. On considérait
1. Dans le Moxvan « sur plusieurs points, les hommes sont aussi misérables que
le pays est ingrat. Ils se nourrissent communément d'un pain de seigle dont le son
n'est pas extrait, qui est aussi mal cuit et mal fermenté » (Notice sur le Morvan, in
Almanach de la Nièvre pour 1829). Rappelons Vauban : « Tout ce qu'on appelle bas
peuple ne vit que de pain d'orge et d'avoine mêlée, dont ils n'ôtent même pas le son,
ce qui fait qu'il y a tel pain qu'on peut lever par les pailles d'avoine dont il est mêlé...
Il n'y a que les plus aisés qui mangent du pain de seigle mêlé d'orge et de froment. »
2. Ainsi Isaïe Bonfils écrit-il vers 1730 dans ses Mémoires (publ. p. V. Gue-
neau, Mém. Soc. Acad. Nivernais, 1898, p. 71) : « Un bon laboureur en battant son
bled de seman doit faire deux bleds, savoir celui du bon de l'épi qui se trouve par le
milieu de la batte et celui qui se trouve des deux côtés. Celui du milieu est le plus beau,
le plus gros, le plus net et celui des côtés le plus sale, le plus petit et le moins nourri.
Le bon laboureur prend son bled du milieu pour semer et garde l'autre pour manger,
par la raison sensible que le bon et gros bled étant semé produit beaucoup mieux que
le petit (...) (Le) mauvais métayer dit : Si je semais le meilleur de mon bled, le petit
bled ne ferait pas de bon pain ; d'ailleurs le maître, lorsqu'il me rendra la moitié de
la semaille, ne me fera pas trier le bon bled pour le rendre. »
3. Sur les tromperies des meuniers et des boulangers sous la Révolution, on se
reportera au général Taverna, Une ville affamée : Nevers pendant la in
Mém. Soc. Acad. Nivernais, 1919, p. 134 et suivantes. En 1859 encore, le Conseil géné
ral dénonçait les exactions frauduleuses des meuniers qui « exploitaient » les petits
particuliers en substituant «le plus souvent des blés de qualité inférieure à ceux qui
leur ont été confiés » (Procès-verbaux du Conseil général, 1859, p. 93).
4. Les moulins étaient vers 1820 dépourvus de toute espèce de bluterie, note
Montalivet (Un heureux coin de terre..., 1878).
5. H. Bachelin, Le Sabreur, 1938, p. 63.
6. On se reportera au témoignage de Martin (infra, p. 1158), de E. de Toytot
(Faïenciers de Nevers, tâcherons propriétaires..., in Ouvriers des Deux Mondes, 1886) :
pour une famille de 5 personnes, on consomme, en 1864, 1 168 kg de pain, soit 292 frs
sur un total de dépenses alimentaires de 916 frs. Cf. également A. de Bourgoing,
Mémoire en faveur des travailleurs et des indigents de la classe agricole des communes
rurales de France..., Nevers, 1844, p. 14.
1164 ALIMENTATION EN NIVERNAIS
habituellement que les ouvriers en consommaient 2 1 par jour — le
double même pour les compagnons de rivière г et les ouvriers d'usine.
Le sous-préfet de Clamecy dans un rapport officiel tablait sur une
consommation de 357 kg de grains par personne (183 kg de froment,
103 d'orge, 43 de mé

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents