Byron et la mer - article ; n°7 ; vol.4, pg 60-76
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Description

Romantisme - Année 1974 - Volume 4 - Numéro 7 - Pages 60-76
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monique Brosse
Byron et la mer
In: Romantisme, 1974, n°7. pp. 60-76.
Citer ce document / Cite this document :
Brosse Monique. Byron et la mer. In: Romantisme, 1974, n°7. pp. 60-76.
doi : 10.3406/roman.1974.4969
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1974_num_4_7_4969MONIQUE BROSSE
Byron et la mer
Fenimore Cooper passe habituellement pour avoir déclenché, par la parution du
Pilot (1823) et du Red Rover (1828) la vague de fictions maritimes qui, en Grande-
Bretagne et en France, commencent à surgir à partir de 1829. Or, ces modèles ne
rendent pas compte de certaines des tendances d'un genre qui prend place par sa
date et ses caractères au cœur du romantisme. Bien qu'il ait le sens de la mer et
surtout des techniques de navigation, Cooper, conformiste, moral, optimiste, a
commis des corsaires trop convenables. Inventeur de la « loi » d'alternance des
scènes à terre et des épisodes en mer, si dangereuse, il fait prédominer les premières
et la platitude de son style, que ne trahit aucune traduction, demeure légendaire.
On pourrait penser à une influence plus éclatante, moins aisément cernable, tout
à la fois. Byron a été, antérieurement à Cooper, l'initiateur à la mer de la génération
de 1815. En France, son contemporain Chateaubriand parle souvent des côtes, des
tempêtes, des escadres et des felouques. Signaux clignotants et diffus de la présence
de la mer chez lui. Again to sea ! Or, il semble que sa voix tombe dans le vide *.
Reste donc George Gordon, Lord Byron, et son succès universel 2. Qu'on analyse la
thématique ou la sémiologie de l'invocation à l'océan du chant IV de Childe Harold 3,
très connue, on est renseigné sur les rapports que le poète entend entretenir avec
la mer. Ils s'organisent autour de l'étonnement admiratif, sanctionnant le divorce
entre les autres hommes et la nature, et la tentative de réduction du conflit que,
pour sa part, Byron a opérée. L'ambivalence est constante. Byron est stupéfié de la
puissance de renouvellement de l'élément, de son éternelle intégrité, que sillonnent
en vain les flottes des hommes, sans la marquer. L'océan qui se joue des armadas
et des dépouilles de Trafalgar continue à dérouler ses houles, immuable, intact,
1. Sur l'importance du « motif maritime в, voir l'analyse très éclairante de Jean-Pierre
Richard dans Paysage de Chateaubriand, Seuil, 1967, 112, plutôt que la thèse de Rosa
Vallese, répertorielle, Le thème de la mer dans l'œuvre de Chateaubriand, Milano, 1934.
L'intéressé énonce lui-même des symétries, et suggère sa propre antériorité :
« Byron élevé sur les bruyères de l'Ecosse, au bord de la mer, comme moi dans les
landes de la Bretagne, au bord de la mer ; il aima d'abord la Bible et Ossian, comme je
les aimai... Je voudrais que mes périples et le falot de ma barque gauloise aient montré
la route au vaisseau d'Albion sur des mers inexplorées » {Mémoires d'Outre-Tombe,
Pléiade, III, 317).
2. Edmond Estève, dans Byron et le romantisme français, Paris, Hachette, 1907, s'attache
à l'épidémie de corsaires et de satanisme dont est responsable l'œuvre de Byron. Voir
p. 299 et ss. pour une analyse de l'influence sur les marines de Hugo, et 335-337 pour
celle de quelques attitudes lamartiniennes. L'article de E. Preston Dargan, o Byron's fame
in France », Virginia Quarterly, 2, 1926, ne donne aucune indication sur la portée de
son influence sur le roman maritime autochtone. Eric Partridge (The French Romantics'
Knowledge of English Literature, Paris, 1924, 8), fait une très brève allusion au problème.
3. L'édition utilisée et citée est The complète works of Lord Byron, Paris, Baudry's
European Library, 1835. L'invocation à l'océan se situe aux strophes CLXxvin à clxxxvi,
154-55. Byron et la mer 61
depuis le jour de la création, encore diluvial, infini à la fois dans le temps et l'espace.
La prospective de l'époque ne comporte, bien entendu, aucune allusion possible à
la fragilité du milieu marin devant les entreprises contre celui-ci d'une civilisation
industrielle embryonnaire. Destructeur par ses naufrages, obstacle à l'orgueil humain
— lisons, à la navigation — , image de la divinité, mer-mère originelle, terrible et
abusive, toutes les valeurs véhiculées par les littératures antérieures (Bible, Homère,
Shakespeare, etc.) sont ici stylisées.
Intervient un nouvel accent, la familiarité. Le poète revendique son droit à l'exer
cice de la solitude en compagnie de cet interlocuteur choisi. Il dit avoir folâtré dès
l'enfance avec les breakers. Portrait de l'artiste en dompteur — non sans affectation
— il dit avoir flatté de la main la crinière des vagues. Chez Byron, le superlatif
privilégié est moins écriture ou langage que geste.
En dehors de cette théâtralité, le type du discours instruit sur les rapports de
domination que Byron entend instituer avec la mer. La « crinière » — mane —
connote à la fois la force et la noblesse du fauve-océan, et le contact ondoyant et
sensuel des vagues-chevelure. Ainsi, roar, le rugissement sauvage, se mue pour 1©
poète en music, en harmonie 4. L'apostrophe, le jeu parti entre le « je » et le « tu »,
tissent des rapports constants, intimes, de personne à personne, sans la moindre
possibilité d'abstraction.
Le propre de la formulation romantique des relations de l'homme à la mer tient
à ce déchirement nouveau devant le constat du conflit existant entre l'un et l'autre.
En réponse, il y a tentative de réduction du cosmos à l'unité, par la fusion panthéiste
de l'homme avec la nature. Voir la grande méditation lyrique, aiguë, emportée, que
Shelley — Ode to the West Wind — pratique sur le mode incantatoire. Or, il
convient de noter que Byron donne la préférence à l'océan, qui a raison contre la
créature humaine, position qui le distingue de Hugo ou de Michelet, et annoncerait
plutôt les options de Maldoror.
Si l'on sort de ce système de projections, qu'apprend-on sur la place que tiennent
les marins dans l'œuvre ? Petit-fils d'amiral 5 — ce qui ne signifierait pas grand-
chose, s'il n'en avait eu conscience — Byron est averti des réalités de la vie quoti
dienne des marins, par exemple, ceux de la frégate d'escorte qui l'amène de Gibraltar
à Malte 6, encore qu'il appréhende d'un peu haut les problèmes de la discipline, ceux
de l'astiquage des canons et de la netteté des ponts. Ce sont plutôt des impressions
de passagers, des anecdotes, que consigne l'œuvre. L'appareillage du Lisbon packet
fournit le prétexte à un récit pittoresque 7. Ailleurs, évocation amusée de l'atmosphère
du port de Douvres, formalités de la douane, auberges, ou allusion à la meilleure des
préventions du mal de mer8. Le passage de la Ligne se définit par une formule
évasive qui ne sent pas la « chose vue » : « the rough saturnalia of the tar 9 ». Le
navire du pirate qui emmène Juan captif file à six nœuds à l'heure. Une agitation
d'opérette signale sur la grève le départ de Conrad et de ses compagnons, et dans
l'accostage, aucune précision quant aux manœuvres, l'accent est mis sur les retrouv
ailles et la chaleur humaine. A noter qu'il n'y a pas un seul « travailleur de la
mer » nulle part, sinon le narrateur du Giaour, qui se trouve être un pêcheur turc
du golfe d'Egine, sur les activités professionnelles duquel on n'insiste pas. Cepend
ant, Ben Hunting, dans The Island, de 1823, au costume dépenaillé, armé jus
qu'aux dents, personnage très en progrès sur les figurants du Corsair, contribue avec
le Long Tom de Cooper à préciser la silhouette idéale du loup de mer, stéréotype
présent dans toutes les fictions maritimes des années 1830 10.
4. Childe, chant IV, CLXXvm, 154.
5. John Byron (1723-1786) avait la réputation de porter malheur à ses navires, témoin
son surnom parmi les équipages : Foulweather Jack (le Tempestaire).
6. Childe, II, xvnr à xx, 101.
7. Lines to Mr. Hodgson, 78-79, datées Falmouth Roads, June, 30, 1809.
8. Don Juan, X, lxtv, 859, et II, хш, 745 : il s'agit de l'absorption d'un beefsteack.
9. Island, XX, 682.
10. La genèse de la mutinerie de la Bounty est attribuée au dégoût que

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