Cannibales isolés et monarques sans histoire - article ; n°122 ; vol.32, pg 327-345
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Cannibales isolés et monarques sans histoire - article ; n°122 ; vol.32, pg 327-345

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 122 - Pages 327-345
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Guille-Escuret
Cannibales isolés et monarques sans histoire
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 327-345.
Citer ce document / Cite this document :
Guille-Escuret Georges. Cannibales isolés et monarques sans histoire. In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 327-345.
doi : 10.3406/hom.1992.369539
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_369539Georges Guille-Escuret
Cannibales isolés et monarques sans histoire
interprétation ouvre Georges cette Monde « et culturalisme théoriciens opposition ici demeure Guille-Escuret, la voie de » socio-écologique et, et une la à « par bestialité une écologisme terre là, analyse à Cannibales de en primitive, prédilection démystifier et ». comparative Le culturelle isolés thème lutte pour les et de à composantes. monarques qui l'exocannibalisme peine la lutte violence permet modifiée entre sans d'entrevoir La anthropophage. partisans histoire. critique dans est l'opposition propre méthodologique du le — bon début Le à amplifier Nouveau sauvage d'une entre
Bien des fantasmes légués de loin en loin par Hérodote et Pline impré
gnaient l'esprit des grands navigateurs et des conquistadors à l'approche
de l'Amérique (amazones, cyclopes, acéphales...), mais l'épreuve des faits aura
seulement confirmé celui qui était le plus à même de terrifier une société de
tueurs prudes, de tortionnaires civilisés et de pilleurs bien élevés : la violence
anthropophage. Celle des Caraïbes et des Tupi-Guarani tout d'abord, mais
aussi celle des Aztèques et des Iroquois. Aujourd'hui comme jadis, la possibil
ité d'une consommation coutumière de chair humaine trouble notre rationalet révèle les limites culturelles de sa sérénité. Autant, en effet, il est facile,
du point de vue de l'anthropologie, de relativiser l'attraction, l'espoir ou l'émer
veillement, autant les sujets d'horreur ou de répulsion sont des thèmes ethno
logiques embarrassants et équivoques. Notamment parce qu'ils nécessitent un
perpétuel va-et-vient entre le fait observé et les hantises de l'observateur. La
fascination renvoie l'éclairage apporté par le « regard éloigné » un peu à la
manière d'une réverbération : la cible éblouit ou bien se transforme en miroir.
Tenter d'éviter ces échos parasites en se consacrant à des questions moins
« sensibles », ce serait néanmoins oublier que ce type de résistance à l'analyse
ne fait que mettre localement au premier plan une insuffisance méthodolog
ique discrète. La vision scientifique est celle qui va « de l'autre côté du miroir ».
C'est ainsi que, bien au delà des débats particuliers sur l'anthropophagie,
le Nouveau Monde demeure une terre de prédilection pour la reproduction du
L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 327-345. 328 GEORGES GUILLE-ESCURET
clivage entre partisans du bon sauvage et théoriciens de la bestialité primitive :
qu'il s'agisse des interdits alimentaires, des guerres ou des infanticides, les envolées
audacieuses du déterminisme écologique et la défense résolue de l'autonomie
du culturel se replacent dans un rapport trop évidemment constant pour ne
pas être interrogé. Quand une querelle s'éternise ou se répète, il ne suffit pas
de dénoncer la teneur idéologique des discussions : il faut encore chercher les
préjugés communs ou les carences complémentaires qui permettent aux posi
tions opposées de se maintenir conjointement, voire de se conserver mutuelle
ment. A cet égard le cannibalisme, en raison même de sa propension à décupler
la rigidité des a priori, pourrait se révéler un support privilégié pour une « redé
couverte de l'Amérique » accompagnant une démystification concrète des vieux
antagonismes qui se construisent sous l'égide de notre ethnocentrisme.
Le but de cet article est donc de formuler des questions qui provoquent
des réponses non préfabriquées, ce qui serait parfaitement banal s'il ne s'agis
sait d'un domaine où l'on admet ni délai ni progression. Claude Lévi-Strauss
en a fait l'expérience à la suite de son article de 1965 sur « le triangle culi
naire » où il proposait une ébauche d'hypothèse de travail sur ce sujet : la notor
iété aidant, c'est en tant que théorie achevée que ces huit lignes furent aussitôt
perçues puis réfutées avec force arguments (Shankman 1968).
Révocation et évocations des chairs disparues
Pour pasticher le texte en question, on pourrait dire que les principales inte
rprétations ethnologiques du cannibalisme guerrier se calquent sur le triangle
dessiné à partir des oppositions élaboré/non élaboré et culture/nature. Mars
hall Sahlins et Marvin Harris par exemple, se retrouvant respectivement sur
les sommets « élaboré-culture » et « élaboré-nature ». Sur le pôle « non éla
boré », on se contente d'inverser la trivialité xénophobe supposant que le can
nibale considère son prochain comme une proie banale. Cette tendance a été
relancée par William Arens (1979) qui défend la thèse selon laquelle l'anthr
opophagie est, en règle générale, une rumeur calomniatrice diffusée par des enva
hisseurs soucieux de justifier leurs exactions. Une série de démentis catégoriques
et fort documentés lui ont été apportés à propos des Caraïbes (Whitehead 1984),
des Tupinamba (Forsyth 1983, 1985) et des Iroquois (Abler 1980).
Même s'il a donné à son entreprise une envergure planétaire inhabituelle,
Arens n'est pas le premier ethnologue à vouloir « disculper » des sociétés exo
tiques de leur réputation anthropophage. Souhaitons cependant qu'il soit le
dernier, car la générosité de cette intention est contestable.
Sans songer à confondre les motivations politiques, il faut noter que le pro
cédé est identique à celui qu'utilisent quelques pseudo-historiens pour nier la
volonté génocide des nazis : dans les deux cas, on soupçonne un immense complot
qui seul rend plausible la réfutation totale d'une énorme masse de témoignages
imparfaits. Et dans les deux cas il s'agit d'éviter l'analyse d'une horreur Cannibales et monarques 329
en la rayant des tablettes. Toutefois, si l'abomination nazie est définie et jugée
à l'intérieur de la société qui l'a subie, il n'en va pas de même pour l'exocanni-
balisme : s'engager avant toute analyse dans un procès sur son existence revient
à admettre tacitement la validité de 1'« accusation »!. Notre lointaine vigilance
résulterait donc d'un acte secrètement assimilable à un « crime contre
l'humanité ».
Quel est le point sensible ? L'anthropophagie sous toutes ses formes, la
consommation de viande humaine, ou le carnage cannibale ? La catégorie « can
nibalisme » n'est évidente que pour une perception culturelle qui associe une
phobie plutôt politique de la chasse à l'homme et une épouvante plutôt rel
igieuse quant aux mangeurs d'hommes. Les discussions ne portent guère sur
l'existence de l'absorption des ossements piles par les parents du mort, ni sur
celle des chasseurs de têtes. Arens ne cite pas non plus l'endocannibalisme car
nivore décrit par Pierre Clastres (1968) chez les Guayaki. La prédation complète
(chasser et manger) suscite seule notre fébrilité, et celle-ci ne peut être neutral
isée qu'à travers la confrontation de l'exocannibalisme, et
la chasse aux trophées. Avec, en toile de fond, ces peuples — amazoniens, par
exemple — qui effectuent une partie de la prédation sous forme symbolique
(Menget 1985). Le fait que ces trois pratiques voisinent régulièrement dans les
mêmes espaces culturels avive en outre le problème des limites d'une explica
tion isolée de l'une d'entre elles dans une société donnée.
Ce brouillard initial affecte différemment les deux pôles « élaborés » tout
en gelant leur antagonisme. Côté « culture », l'inspiration structuraliste au sens
large vise à dégager une logique psycho-sociale déductible de l'esprit d'un indi
vidu représentatif : en cas de succès, on obtient alors une &

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents