CÉSAR. AN DE ROME 710
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CÉSAR. AN DE ROME 710. ALPHONSE DE LAMARTINE. Soyons sans pitié pour la gloire, cette grande corruptrice du jugement humain, lorsqu'elle n'est pas le ...

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CÉSAR AN DE ROME 710. ALPHONSE DE LAMARTINE Soyons sans pitié pour la gloire, cette grande corruptrice du jugement humain, lorsqu’elle n’est pas le reflet de la vraie vertu. Telle est la première réflexion qui se présenté quand, après avoir étudié avec l’impartialité de la distance, le génie, les circonstances, l’époque, la patrie, les exploits, la politique de César, on entreprend de peindre le plus accompli, le plus aimable et le plus dépravé des Romains et peut-être des hommes. Mais il faut comprendre Rome pour comprendre César. Le principe de ce qu’on a appelé la république romaine, dans des siècles où le mot république signifiait seulement l’État, n’était ni le juste ni l’honnête : c’était le patriotisme. Le patriotisme se confond, quelquefois avec le juste et l’honnête, quand il se borne à aimer, à défendre, à conserver la patrie, c’est-à-dire cette portion héréditaire de sol, patrimoine de la portion de famille humaine qu’on appelle une nation. Mais le patriotisme ambitieux, envahisseur et insatiable, qui ne reconnaît que son intérêt personnel pour droit dans le monde, qui méprise et qui violente les autres droits de nationalités, égaux chez tous les hommes, et qui se fait de ces violences une gloire inique dans la postérité, ce patriotisme n’est qu’un égoïsme colossal, un principe court, brutal, improbe, portant dans ses succès mêmes sa condamnation et le germe de sa ruine. Les premiers Romains, horde de brigands avant d’être peuple, ayant été obligés par leur bannissement et leur expatriation de se réfugier dans les montagnes du Latium, d’y bâtir une ville, et d’y conquérir un à un tous les territoires de leurs voisins pour élargir leur patrie, avaient été naturellement induits par cette origine à faire de ce féroce patriotisme le principe unique, la vertu et presque la divinité de Rome. Comme toutes les fausses vertus, ce patriotisme avait légitimé ses crimes par des axiomes. La conquête sans limites, la subjugation incessante du monde, la spoliation de l’univers, les triomphes effrontés où la nation étalait, au lieu d’en rougir, ces dépouilles, avaient été de siècle en siècle la conséquence de ce principe ; la guerre perpétuelle en avait été le moyen. La fortune, et cela est fréquent, comme pour éprouver la foi et démentir la Providence, avait asservi une grande partie de l’univers alors connu des Romains. L’origine illégitime de ce peuple, qui explique l’insatiabilité de ses conquêtes, explique aussi la nature tumultueuse de son gouvernement. Comme tous étaient égaux de crime, d’exil et de brigandage dans leur repaire devenu depuis la ville éternelle, l’égalité de tyrannie entre les fondateurs de la cité, l’égalité de servitude entre les vaincus, s’étaient profondément imprimées dans leurs âmes. Ils n’avaient pas pu supporter longtemps la discipline de leurs rois ; ils avaient monopolisé dans un sénat le pouvoir, par droit de richesse et de prépondérance entre les membres de leurs principales familles, sans s’inquiéter des droits du reste du peuple. Peu à peu le peuple grandissant avait réclamé, les armes à la main, sa part de puissance. On lui avait accordé des comices, des tribuns, des droits électoraux, des magistratures propres, qui le rendaient l’égal du sénat ; mais ce peuple, aussi égoïste et aussi exclusif que les grands, avait borné à lui-même l’exercice des droits des citoyens romains. C’étaient deux oligarchies rivales, l’une dans le sénat, l’autre dans le Forum, se combattant pour s’arracher leurs privilèges, ou se conciliant pour imposer ensemble leur joug à la plèbe et aux provinces ; ce n’était point une république telle que nous entendons aujourd’hui, par ce mot, le gouvernement représentatif organisé du peuple tout entier. Cette idée d’égalité, de représentation dans le. pouvoir politique pour assurer l’égalité du droit dans l’ordre civil, n’était pas née encore dans le monde romain. Elle devait naître d’une religion meilleure, distributrice de l’équité divine entre les classes. Seul, l’esclavage, admis alors partout, protestait contre l’établissement d’une démocratie véritable. Rome, avec ses deux tribunes, ses deux aristocraties, ses deux consuls annuels, ses comices, ses tribuns, ses sénatus-consultes, ses plébiscites, ses brigues de suffrages, ses luttes intestines, ses guerres civiles, ses dictatures, tyrannie à temps pour interposer la force entre les anarchies, avait été un éternel orage. Mais cet orage avait répandu sur le monde les plus beaux éclairs d’éloquence, de génie, de courage et de vertu. Tant que Rome avait été à l’étroit dans l’Italie, ou tant qu’elle avait eu à conquérir en Sicile, en Espagne, en Grèce, en Asie Mineure, en Égypte, à Carthage, la nécessité du salut commun ou la tension de l’ambition commune avait ajourné les grandes luttes intestines, seule cause de mort des nations. Mais quand Carthage fut conquise par les Scipions, la dernière vertu de la république, le génie soldatesque nourri par Rome dans ses légions pour asservir l’univers se retourna contre elle. C’est la loi du talion contre les peuples libres qui veulent en même temps être des peuples conquérants : ils se blessent tôt ou tard et ils se tuent avec l’épée qu’ils ont tirée contre le monde. Le sénat et le peuple eurent à compter avec les légions et les généraux, habitués à commander chez les autres et ne sachant plus obéir aux lois dans leur patrie. Le temps, en outre, avait développé dans l’intérieur de l’Italie et dans la constitution même de la république des dissensions organiques et des questions sociales qui ne pouvaient se trancher que par la, guerre civile. C’est le jugement des causes insolubles. La plus grave de ces questions était la loi agraire. La loi agraire, levier habituel de tous les tribuns qui voulaient soulever le peuplé et la plèbe, depuis les Gracques jusqu’à Clodius, Catilina et César, n’était nullement ce rêve impraticable du partage arbitraire de la terre en portions égales, lit de Procuste où des législateurs chimériques prétendraient éternellement niveler ce que la nature tend éternellement à inégaliser selon le travail, l’épargne, le nombre et l’aptitude intellectuelle et physique de la famille. Le bon sens romain, essentiellement législatif et agricole, n’avait pas de telles aberrations du juste et du possible. La loi agraire signifiait seulement la distribution, soit gratuite aux familles de vétérans, soit par les enchères aux familles rurales, des territoires à cultiver conquis et possédés en Italie et ailleurs par l’État, et qu’on appelait l’ager publicus, les biens territoriaux de l’État. Ces territoires, non encore distribués ou vendus aux citoyens, étaient affermés à long bail par la république à des colons cultivateurs qui voulaient changer leur fermage contre un titre inaliénable de propriété. Les patriciens opulents s’étaient abusivement emparés, à titre d’usurpation, de ces terres, qu’ils faisaient cultiver par des métayers, leurs sous-fermiers, ou par
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