Chasse rituelle, divination et reconduction de l ordre socio-politique chez les Serer du Sine (Sénégal) - article ; n°1 ; vol.16, pg 5-32
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Chasse rituelle, divination et reconduction de l'ordre socio-politique chez les Serer du Sine (Sénégal) - article ; n°1 ; vol.16, pg 5-32

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Description

L'Homme - Année 1976 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 5-32
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marguerite Dupire
Chasse rituelle, divination et reconduction de l'ordre socio-
politique chez les Serer du Sine (Sénégal)
In: L'Homme, 1976, tome 16 n°1. pp. 5-32.
Citer ce document / Cite this document :
Dupire Marguerite. Chasse rituelle, divination et reconduction de l'ordre socio-politique chez les Serer du Sine (Sénégal). In:
L'Homme, 1976, tome 16 n°1. pp. 5-32.
doi : 10.3406/hom.1976.367613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1976_num_16_1_367613CHASSE RITUELLE, DIVINATION
ET RECONDUCTION DE L'ORDRE SOCIO-POLITIQUE
CHEZ LES SERER DU SINE (SÉNÉGAL)
par
MARGUERITE DUPIRE
La plus importante des cérémonies agraires des Serer du Sine, dont le but
principal est d'assurer une bonne saison des pluies, s'appelle « chasse à la battue »
(mis). Paradoxalement, la chasse ne joue plus qu'un rôle effacé dans un ensemble
rituel insécable qui comprend aussi des réunions de divination et des offrandes aux
puissances surnaturelles1. Devins, chasseurs, officiants opèrent conjointement au
moyen de techniques différentes, qui toutes prennent leur source dans une religion
animiste que les conversions au christianisme et à l'islam n'ont pas encore profon
dément ébranlée. Mais comme le mis tombe en désuétude dans bien des villages, les
rites et les croyances qui les sous-tendent ne sont pas toujours clairement explicites,
même pour les principaux acteurs du rituel et les responsables de la tradition.
Les Serer du Sine vivent d'une agriculture sédentaire (mils, sorgho, arachide)
associée à l'élevage, principalement bovin. La chasse ne représente plus pour eux
qu'une faible ressource d'appoint car le gibier se fait de plus en plus rare dans
cette région à densité de population assez forte (50 à 80 hab./km2). On se rappelle
néanmoins l'existence et les exploits de chasseurs professionnels dont certains
auraient été fondateurs de villages. La paysannerie animiste qui composait la
vague migratoire venue du fleuve Sénégal était organisée, à l'origine, en domaines
fonciers autonomes ayant à leur tête des lamanes, chefs supérieurs des terres.
Ceux-ci furent dominés, vers le milieu du xvie siècle, par un régime dynastique
étranger qui contrôla, sans les supprimer, les institutions villageoises. Bien que ne
disposant plus que de l'autorité de chef coutumier, Mahécor Diouf, dont le règne
commencé en 1923 s'acheva par sa mort en août 1969, doit être considéré comme
le dernier des rois du Sine.
1. Une mission du CNRS, en 1969, me permit d'observer dans différents villages les
séquences de ce rituel et d'enregistrer au magnétophone des réunions de divination.
L'Homme, janv.-mars 1976, XVI (1), pp. 5-32. MARGUERITE DUPIRE
Les Serer éprouvent constamment le besoin de recourir à la divination, qu'il
s'agisse de prendre une décision individuelle, d'interpréter un rêve, de guérir
certaines maladies mentales (Zempléni 1966 ; Ortigues 1966) ou de prédire des
événements collectifs. Ils connaissent diverses techniques divinatoires, pour la
plupart sénégalaises — position de bâtonnets, de cauris ou de noix de cola,
géomancie, inspiration par les pangol (pi. de fangol « serpent ») — , mais la plus
estimée et la seule publiquement utilisée à l'occasion de ce rite annuel est la
voyance.
A l'analyse, ces techniques frappent par leur caractère essentiellement inspi-
ratoire, car la plupart ne feraient que transmettre les réponses des pangol, génies
de lieux ou esprits ancestraux, sur lesquels nous reviendrons plus loin. Dans le
procédé qui consiste à utiliser des cauris qualifiés de mâles ou de femelles selon la
face, l'un d'eux, appelé fangol, possède un anneau et sert de fil directeur à l'inte
rprétation. Pour les devins serer, qui ne les comprennent pas, les noms arabes des
figures géomantiques sont ceux mêmes des pangol inspirateurs, dont ils ont
hérité le culte d'un parent.
A l'approche de la saison des pluies, les rêves de tous, hommes et femmes,
vieux et jeunes, peuvent avoir valeur de présages s'ils émanent d'un don réel de
divination. On attribue celui-ci à quatre catégories de devins qui, par ordre
décroissant de puissance, sont : le yaal xoh (« maître de la tête », celui qui sait) ,
le madag, le saltigi et le samel. Les deux premiers, qu'il est difficile de distinguer
l'un de l'autre, possèdent cette qualité de naissance. Ils la partageraient avec le
chien et le cheval qui prennent peur la nuit parce qu'ils « voient » des fantômes —
on croit que le pouvoir de ces animaux se transmet si on inj ecte leur chassie dans
les yeux d'un être humain. Le saltigi, par contre, est le devin officiel d'un ou de
plusieurs villages et sa nomination obéit à certaines règles.
Les samel se comportent en griots-devins et leur intervention, au lendemain de
funérailles, est redoutée. En effet, ils viennent en groupe réclamer à l'héritier d'un
défunt fortuné tels animaux ou valeurs que le moribond leur aurait légués au
cours d'une vision et d'un entretien nocturnes, et qu'ils doivent décrire avec pré
cision. Tous les hommes d'un patrilignage roturier (badoole) du village de Senghor
sont spécialisés dans cette technique rémunératrice.
Des enfants peuvent révéler très jeunes le don de voyance si les rêves qu'ils
racontent se réalisent. On croit d'ailleurs qu'ils communiquent plus facilement que
les adultes avec les puissances surnaturelles qui provoquent ces visions. "Le yaal xoh
serait souvent le plus fort de deux jumeaux2, et manifesterait parfois sa puissance
magique et ambiguë en « mangeant » l'autre, c'est-à-dire en le tuant. Lorsque ce
2. Au sujet des croyances sur les jumeaux, cf. Gravrand 1965 : 299. CHASSE RITUELLE ET DIVINATION J
don est très développé chez un jeune, inapte encore à le maîtriser, on essaie de
l'atténuer à l'aide de « bains », de médicaments végétaux et d'incisions, pour
éviter que l'enfant ne sombre plus tard dans la folie. En l'absence d'un tel trait
ement, il se comporterait comme un individu sombre, « aux yeux méchants »,
parlant peu, n'osant sortir seul la nuit et tombant facilement évanoui dans un état
cataleptique : c'est qu'il est assailli, pense-t-on, par des fantômes qui l'angoissent3.
Nul n'ose s'avouer publiquement yaal xoh ou madag par crainte des représailles
de devins ou de sorciers plus puissants ; c'est l'opinion publique qui confère ce
statut. Ceux des devins qui possèdent aussi des connaissances étendues sur les
événements du passé, sont censés les avoir acquises au cours d'une série de réin
carnations. Il existe un stéréotype du grand magicien-devin auquel on attribue
quantité d'actions surnaturelles ou simplement extravagantes — croquer du verre,
exhaler de la fumée par la tête, décrocher le pénis d'un ennemi, etc. — durant ou
même après sa vie ; il aurait le pouvoir de se transformer en animal, notamment en
charognard, double caractéristique du sorcier ; souvent aussi, il échapperait à
la mort biologique en disparaissant sous terre ou en s 'envolant au ciel après avoir
annoncé son départ et demandé que lui soit rendu un culte à l'endroit où seraient
découverts ses vêtements ou ses sandales ; les plus forts pourraient faire tomber la
pluie en période d'hivernage, en un lieu et à un moment donnés. Laba Ngom, dont
la mère, dit-on, fut enceinte pendant sept années, était un de ces grands devins,
et on l'invoque au village de Boof-Poupouye pendant les sécheresses qui coupent
la saison des pluies. Ces manifestations, considérées comme miraculeuses, ne sont
que des preuves de la puissance magique des devins, dont le rôle collectif consiste
à prévoir les pluies et les événements, surtout malheureux, qui doivent se produire
au cours de l'année à venir.
A la différence du madag, le saltigi ne peut être qu'un roturier {cf. infra, pp. 26-
27) de sexe masculin, élu par les villageois pour la justesse de ses prévisions, ses
connaissances et la confiance qu'il inspire. Représentant de la population, inter
médiaire auprès des puissances surnaturelles, on l'appelle dans les chansons « le
petit frère de Dieu ». Quoique électi

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