Chronique. « Un seul et même monde humanisable et moins inhumain déjà. »  ; n°5 ; vol.12, pg 818-829
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Revue économique - Année 1961 - Volume 12 - Numéro 5 - Pages 818-829
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Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Monsieur Henri Bartoli
Chronique. « Un seul et même monde humanisable et moins
inhumain déjà. »
In: Revue économique. Volume 12, n°5, 1961. pp. 818-829.
Citer ce document / Cite this document :
Bartoli Henri. Chronique. « Un seul et même monde humanisable et moins inhumain déjà. ». In: Revue économique. Volume
12, n°5, 1961. pp. 818-829.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1961_num_12_5_407482CHRONIQUE
" Un seul et même monde humanisable
" et moins inhumain déjà
Dans tous les domaines aujourd'hui la distinction entre les sciences
pures et les sciences appliquées tombe en désuétude. On a de la peine
à la retrouver même en physique, où pourtant elle prit naissance. Autref
ois, la science était considérée comme une simple recherche désintéressée
comportant quelques applications pratiques d'importance secondaire, et le
savant méprisait quelque peu l'ingénieur. Aujourd'hui, la science, direct
ement ou non, tend à remettre en forme toute l'existence humaine, et le
savant doit fréquemment se mettre à l'école de l'ingénieur. L'esprit scien
tifique classique était imprégné d'optimisme : la science était « la » vérité,
une sorte d'impatience se manifestait chez ceux qui apercevaient le reten
tissement possible de leurs découvertes ; nous sommes bien loin de cet opt
imisme, les plus hautes de la science s'accompagnent aujour
d'hui d'un sentiment d'angoisse devant les risques ou les destructions
qu'entraîne l'intervention scientifique. Nous ne pouvons plus esquiver la
question : nous hommes, que voulons-nous; de nous-mêmes ?
Les économistes peuvent difficilement répondre à une telle question
transposée dans leur sphère propre. Ils ont appris à concevoir l'économie
politique comme une science « neutre », science de moyens et non de fins.
Ils ont cru qu'il fallait pour construire une science économique élaborer
une économie «pure», dénuée de tout jugement de valeur, et ils n'ont
pas compris que cette pseudo-purification ôtait à l'économie politique son
caractère le plus fondamental, celui de projet. Ils ont cherché, selon la
sévère expression de F. di Fenizio, à « s'éloigner autant que possible de
la réalité du monde des vivants », et ils n'ont pas vu qu'ils se condamn
aient par le fait même à n'écrire que pour les morts. En un temps où
l'évolution même de l'initiative scientifique contraint les savants des diverses
disciplines à accepter les valeurs comme principe de choix dans les sciences
positives, comme fins ou comme associées aux fins dans les sciences pré-
ceptives, ils éprouvent quelques difficultés à relier l'économie et la morale
et sacrifient volontiers à un néo-scientisme vain ou à un moralisme désuet. CHRONIQUE 819
II est grand temps, si les économistes veulent à leur plan répondre
aux aspirations des hommes d'aujourd'hui et donner à l'initiative scien
tifique, pour la part qui leur incombe, une orientation correcte, de nous
rappeler que rien n'est plus pernicieux que de séparer la vertu de la raison.
Dire que l'acte économique doit être rationalisé, nous jette en pleine morale.
Au moment où la science économique est en voie de mériter son statut
de science et où. bien qu'embryonnaire, elle est appelée à remplir dans
la Cité un rôle de médiation entre des projets contraires ou divergents, il
est urgent de nous rappeler que la moralité n'est autre que la rationalité
de l'homme total.
Le « rationnel » comporte toujours deux pôles : le pôle de l'œuvre à
faire et des moyens à employer, le pôle de la conscience et des exigences
motrices de l'action. Ces deux pôles ne sont pas dissociés sans graves incon
vénients : les moyens peuvent être très « rationnels » et la fin ne pas
l'être, le système moral proposé peut être parfait mais n'embrayer sur
aucune réalité. De là de vraies perversions de l'esprit, la justification des
moyens par la fin ou de la fin par les moyens.
Il nous est demandé en tant qu'économistes de ce temps de comprendre
que l'acte moral ne peut être qu'immanent à l'acte scientifique, que la
rationalité inclut l'acte moral et l'acte scientifique parce que c'est le même
esprit qui reconnaît les valeurs et invente les moyens de les inscrire dans
l'histoire. Faire entrer l'homme en ligne de compte c'est voir en lui, en
tant qu'être engagé dans des nécessités vitales, l'origine des déterminismes
socio-économiques, mais aussi le responsable de leur usage. L'homme ne
peut ni se décharger sur un destin, ni invoquer une providence quelconque,
extérieurs à sa liberté pour se justifier. Il doit saisir les valeurs morales
au niveau de la décision et tenter d'organiser l'exploitation de la nature
dans la fidélité aux impératifs de sa conscience, compte tenu de la connais
sance scientifique qu'il a des déterminismes. Si morale veut dire présence
à la conscience de valeurs, il n'est nul besoin à l'économiste de s'y référer
de façon explicite, il suffit que les valeurs morales émergent au cœur
même du savoir.
Oserai-je dire que de cela témoignent les récents écrits de F. Perroux
dont il m'incombe de présenter le compte rendu (1) ?
Le propos de F. Perroux est clair : contribuer à l'élaboration de cette
économie généralisée dont les systèmes capitalistes et les systèmes marxistes
ne sont que des cas particuliers, briser les conceptualisations hypocritement
ou implicitement normatives et rappeler que « toujours, les armistices
1. La coexistence pacifique, Paris, Presses Universitaires, 1958; tome I,
192 p. ; tome II. 207 p. ; tome III, 234 p. — Economie et société, Paris,
Presses Universitaires, 1960, 186 p. 820 REVUE ÉCONOMIQUE
sociaux seront rompus parce que la justice, l'ordre et l'amour exigent inla
ssablement des traductions renouvelées et concrètes de l' équivalence, de
l'ordination totale et de la participation» (E. et S., p. 178), proposer des
actions positives.
F. Perroux écrit Coexistence pacifique, « soutenu par une foi inébran
lable et raisonnée dans les ressources inépuisables de l'esprit et du cœur
humain» (C. P., t. I, p. x), et l'ouvrage s'achève par un appel à «l'enga
gement total dans une lutte totale qui tire son efficacité de l'invention de
sociétés neuves, et son sens de la conviction que le combat pour l'homme
nouveau est le contraire de la guerre contre une coalition » (C P., t. III,
p. 637). Economie et société s'adresse «avant tout» aux jeunes hommes :
ils ont « le privilège de jeter autour d'eux un regard neuf », « leur plus
haut devoir est de prouver qu'ils se savent responsables, et garants de la
paix et de la jeunesse du monde » (E. et S., p. 2). Le tour de Perroux est
proche de celui de Mounier. Mounier liait sa manière de philosopher à la
prise de conscience d'une crise de civilisation et osait viser, par-delà toute
philosophie d'école, une nouvelle dans sa totalité; Perroux sait
mener de pair la compréhension des « amples mouvements de l'économie
de notre temps » avec des travaux très délimités et très techniques, et
demander aux « économistes de métier » qu'ils renoncent aux « apologies
implicites auxquelles ils ont communément recours ».
C'est à une critique en profondeur de la société marchande que F. Per
roux s'adonne dans Economie et société, tout en essayant, selon ses propres
paroles, «d'échapper à sa mauvaise foi» (p. 2). La même critique et la
même volonté animent La coexistence pacifique. Dès les premières pages
de l'Avertissement, nous savons que les faits de l'économie ne se réduisent
plus à des phénomènes de marché ou à des échanges marchands, et qu'ils
ne se définissent plus par les prix que le marché forme. Quant à la recher
che, tout le long de l'ouvrage elle est conduite « à contre-courant des apo
logétiques, des réquisitoires, et même des conceptualisations implicitement
normatives » (C. et P., t. I,

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