Comédie et philosophie : Le style du Rêve de D Alembert - article ; n°1 ; vol.22, pg 7-23
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Comédie et philosophie : Le style du Rêve de D'Alembert - article ; n°1 ; vol.22, pg 7-23

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1997 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 7-23
Stephen Werner : Comedy and philosophy : the style of Le Rêve de D'Alembert.
Comedy and philosophy are at the heart of Le Rêve de D'Alembert and give this work its unique Socratic feel. Comedy's presence is revealed through use of the dialogue de sourds
technique as it is in the presentation of D'Alembert as a philosophos gloriosos. It is conveyed with greatest originality and critical force in the language of Diderot's three-act playlet. Diderot not only spiced his story with colorful expressions such as le marbre comestible or off-centered verbs like verbiager and marmotter. In the scene of D'Alembert's dream (the high point of the text) he brought satire and comic language in line with the prose lyrique previously endorsed in the one-man band scene of Le Neveu de Rameau. He did so, however, with a radically changed focus. Comic prose, the prose of Aufklärung, was now sparked by dreams and a materialistic conception of nature rather than by opera and the relative standards of culture. It gave birth to a paradoxical mood of lyrical serenity and visionary calm. Here is surely the most original feature of this text, the reason for its standing as one of the three canonical writings in the œuvre.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stephen Werner
Comédie et philosophie : Le style du Rêve de D'Alembert
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 22, 1997. pp. 7-23.
Résumé
Stephen Werner : Comedy and philosophy : the style of Le Rêve de D'Alembert.
Comedy and philosophy are at the heart of Le Rêve de D'Alembert and give this work its unique Socratic feel. Comedy's
presence is revealed through use of the dialogue de sourds
Abstract
technique as it is in the presentation of D'Alembert as a philosophos gloriosos. It is conveyed with greatest originality and critical
force in the language of Diderot's three-act playlet. Diderot not only spiced his story with colorful expressions such as le marbre
comestible or off-centered verbs like verbiager and marmotter. In the scene of D'Alembert's dream (the high point of the text) he
brought satire and comic language in line with the prose lyrique previously endorsed in the one-man band scene of Le Neveu de
Rameau. He did so, however, with a radically changed focus. Comic prose, the prose of Aufklärung, was now sparked by dreams
and a materialistic conception of nature rather than by opera and the relative standards of culture. It gave birth to a paradoxical
mood of lyrical serenity and visionary calm. Here is surely the most original feature of this text, the reason for its standing as one
of the three canonical writings in the œuvre.
Citer ce document / Cite this document :
Werner Stephen. Comédie et philosophie : Le style du Rêve de D'Alembert. In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie,
numéro 22, 1997. pp. 7-23.
doi : 10.3406/rde.1997.1374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1997_num_22_1_1374Stephen WERNER
Comédie et philosophie :
Le style du Rêve de D'Alembert
qui lettre frivole sur philosophe la constitue Récit adressée science : Le d'une Rêve avait l'emblème et à très Sophie de bien le matérialisme D'Aletnbert grande reconnu Volland de rigueur l'œuvre l'originalité dès incarne qui philosophique 1769 littéraire y sont le : mélange et développées, de la en Diderot, force raison de sérieux créatrice des mélange récit interrogations et bouffon dans de dont badin une et le
J'ai fait un dialogue entre D'Alembert et moi. Nous y causons assez
gaiement et même assez clairement, malgré la sécheresse et l'obscurité du
sujet. A ce dialogue, il en succède un second, beaucoup plus étendu, qui sert
d'éclaircissement au premier. Celui-cy est intitulé Le Rêve de D'Alembert.
Les interlocuteurs sont D'Alembert rêvant, Mlle d'Espinasse l'amie de
D'Alembert, et le docteur Bordeu [...] Cela est de la plus haute extravagance
et tout à la fois de la philosophie la plus profonde. Il y a
quelqu'adresse à avoir mis mes idées dans la bouche d'un homme qui rêve.
Il faut souvent donner à la sagesse l'air de la folie, afin de lui procurer ses
entrées. J'aime mieux qu'on dise : Mais cela n'est pas si insensé qu'on
croirait bien, que de dire : Écoutez-moi, voici des choses très sages1.
La valeur de ce comique philosophique est soulignée par la manière
dont Diderot met en scène Jean-Baptiste le Rond D'Alembert, « héros »
éponyme du divertissement théâtral qui porte son nom. Car il s'agit d'une
représentation on ne peut plus parodique : portrait d'un mathématicien de
renommée mondiale ravalé au statut d'un écolier à qui on donne des leçons
élémentaires dans la nouvelle science du matérialisme pour laquelle il n'a
1. Corr. IX, 126. Le mélange du sérieux et du comique dans la prose des philosophes
fait l'objet de l'étude combien suggestive de Herbert Dieckmann, Die Kùnstlerische For m des
Rêves de D'Alembert, Kôln, Westdeutscher Verlag, 1966 (pp. 155-157 en particulier). Voir
aussi Roland Mortier, « Rhétorique et discours scientifique dans " Le Rêve de
d'Alembert " », Wolfenbuttler Studien Zur Aufklàrung, 3 (1976), pp. 327-329.
Recherches sur Diderot et sur V Encyclopédie, 22, avril 1997 8 STEPHEN WERNER
aucune aptitude, personnage hésitant (pour ne pas dire, dans la scène du
rêve, balbutiant) : le philosophos gloriosos bien aimé de la satire française
depuis ses origines les plus reculées2.
Un mouvement comique anime les entretiens qui forment l'armature
de ce texte combien alerte et délié. Car ils pivotent autour de l'emploi du
procédé du « dialogue de sourds » et exploitent les questions faussement
naïves, les méprises (les redites et les contradictions surtout) qui sont le
propos de ce mode-procédés où, de Micromégas à Candide, du Supplément
au Voyage de Bougainville à La Philosophie dans le boudoir, l'esprit
philosophique a toujours puisé le meilleur de ses effets dramatiques et
polémiques.
Quand, dans la partie du texte intitulée « Le Rêve de D'Alembert », le
docteur Bordeu prend le pouls d'un D'Alembert en proie à une
« convulsion » (« Bordeu, après s'être approché du lit de et lui
avoir tâté le pouls et la peau »3), ou quand ce dernier en vient à « se tâter
partout » (« ...en disant cela, il se tâtait partout »4), le comique est favorisé
avec non moins d'ardeur. Car pareils incidents soulignent l'intérêt d'un
ridicule gestuel auquel Diderot s'est toujours complu et qui finit par investir
le texte du prestige de la farce : un comique spontané et universel centré sur
cette « scène de théâtre » qu'est le corps humain.
Les propos avancés vers la fin du récit sur l'idée de faire baptiser des
orang-outangs dotés comme par miracle de la faculté de parler mettent en
évidence eux aussi l'attrait d'un comique philosophique par leur irrévérence
bien sûr, mais aussi par l'insolite de leur provenance (pareilles boutades
ayant été mises dans la bouche du cardinal Melchior de Polignac, croyant
fervent, auteur d'un Anti-Lucrèce où les philosophes matérialistes étaient
violemment pris à part et dénoncés) :
Bordeu : Et la question de leur baptême ?
Mlle de I'Espinasse : Ferait un beau charivari en Sorbonne.
Bordeu : Avez-vous vu au Jardin du Roi, sous une cage de verre, un orang-
outang qui a l'air d'un St-Jean qui prêche au désert ?
Mlle de I'Espinasse : Oui, je l'ai vu.
Bordeu : Le cardinal de Polignac lui disait un jour : Parle, et je te baptise5.
2. Comique d'autant plus saississant en raison des dons de parodie et de satire dont
jouissait D'Alembert lui-même. Voir, à ce propos, DPV, xyil, p. 30 (« Présentation et
commentaire » de Jean Varloot). « C'est à un rude adversaire que Diderot se mesure :
brillant causeur, parfois cocasse en société (selon Mme Geofrrin, il y parodiait les
comédiens), passionné de contradiction et maniaque de logique. Bref le seul " philosophe "
qui ait fait inscrire son nom dans le titre de deux grandes œuvres du siècle, la Lettre à
D'Alembert sur les spectacles et le Rêve ».
3. DPV, XVII, p. 115.
4.p. 117.
5. DPV, XVII, p. 206. A lire évidemment à ce propos, l'étude de Jacques Schérer, Le
Cardinal et l'orane-outang. Essai sur les inversions et les distances dans la pensée de
Diderot. Paris, SEDES, 1972. COMEDIE ET PHILOSOPHIE : LE STYLE DU REVE DE D 'ALEMBERT 9
Les résonances comiques du texte, l'on pourrait en prolonger
l'inventaire sans grande difficulté en faisant intervenir bien d'autres aspects
du dialogue dont, par exemple, la présence d'un « Diderot » qui, une fois
engagé dans le récit, s'en dérobe par un de ces mouvements d'auto-parodie
familiers aux lecteurs de Jacques le fataliste, ou le passage — d'une
drôlerie impayable — dont le sujet est le statut d'un D'Alembert « en
ventre sa mère » :
Je veux dire qu'avant que sa mère, la belle et scélérate chanoinesse
Tencin, eût atteint l'âge de puberté, avant que le militaire La Touche fût
adolescent, les molécules qui devaient former les premiers rudiments de
mon géomètre étaient éparses dans les jeunes et frêles machines de l'un et
de l'autre, se filtrèrent avec la lymphe, circulèrent avec le sang, jusqu'à ce
qu'enfin elles se rendissent dans les réservoirs destinés à leur coalition, les
testicules de son père et de sa mère. Voilà ce germe rare formé ; le voilà,
comme c'est l'opinion

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents