Comment peut-on être persane
2 pages
Français

Comment peut-on être persane

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
2 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

1 «Comment peut-on être Persane ?» La question que les Français du XVIIIe adressent à Rica et Usbek, les deux protagonistes des «Lettres persanes» de Montesquieu, nous nous la posions –mais au féminin- quand, dans le cadre d’un projet de soutien aux réseaux de femmes, nous débarquâmes à Téhéran*. Comment une femme peut-elle vivre dans un pays où le droit et les mœurs ont, au nom de l’Islam, imposé une version extrême de domination masculine ? Comment, en plus de la législation discriminatoire en matière de mariage, de divorce, de responsabilité civile et parentale, d’héritage et j’en passe, supporter les contraintes sociales (code vestimentaire), la morale puritaine (interdit des relations hommes/femmes en public) et les pressions gouvernementales récentes (rester au foyer pour y accomplir sa vocation maternelle) ? La condition de Persane ne renverrait-elle qu’au seul statut de victime d’une oppression sociale et économique brutalement imposée par la révolution islamique? Si nos rencontres avec diverses associations ont malheureusement confirmé la réalité de cette forme archaïque de patriarcat qui fait de la femme une éternelle mineure, elles nous ont par contre révélé la force du mouvement des femmes en Iran balayant du même coup toute une série de clichés. Dans notre ignorance, nous ne pensions pas que la contraception serait gratuite et que le nombre d’étudiantes à l’université dépassait celui des étudiants. Mais surtout, nous ne mesurions ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 76
Langue Français

Extrait

1
«Comment peut-on être Persane ?» La question que les Français du XVIIIe adressent à Rica et Usbek, les deux protagonistes des «Lettres persanes» de Montesquieu, nous nous la posions –mais au féminin- quand, dans le cadre d’un projet de soutien aux réseaux de femmes, nous débarquâmes à Téhéran*. Comment une femme peut-elle vivre dans un pays où le droit et les mœurs ont, au nom de l’Islam, imposé une version extrême de domination masculine ? Comment, en plus de la législation discriminatoire en matière de mariage, de divorce, de responsabilité civile et parentale, d’héritage et j’en passe, supporter les contraintes sociales (code vestimentaire), la morale puritaine (interdit des relations hommes/femmes en public) et les pressions gouvernementales récentes (rester au foyer pour y accomplir sa vocation maternelle) ? La condition de Persane ne renverrait-elle qu’au seul statut de victimed’une oppression sociale et économique brutalement imposée par la révolution islamique? Si nos rencontres avec diverses associations ont malheureusement confirmé la réalité de cette forme archaïque de patriarcat qui fait de la femme uneéternelle mineure, elles nous ont par contre révélé la force du mouvement des femmes en Iran balayant du même coup toute une série de clichés. Dans notre ignorance, nous ne pensions pas que la contraception serait gratuite et que le nombre d’étudiantes à l’université dépassait celui des étudiants. Mais surtout, nous ne mesurions pas la force de celles et ceux qui travaillent à améliorer le sort et le statut des femmes. Si quelque chose nous a frappées et émerveillées au cours de notre séjour, c’est bien la vitalité, l’énergie et le courage des militant-e-s, en grande majorité bénévoles et pour une bonne part très jeunes. Et cela qu’il s’agisse d’associations fournissant des services d’aide ou de soutien (aux personnes socialement fragilisées, orphelin-e-s, mères célibataires etc.) ou de groupes féministes (tel celui de la revueZanan, large forum de discussion rassemblant laïques et religieuses, instrument de lobbying et lieu de formation de journalistes). Partout nous avons retrouvé le même engagement, la même volonté d’indépendance financière par rapport à l’Etat et le même souci de disposer de savoirs et d’expertise en matière de genre. La récente campagneUn million de signatures pour changer les lois discriminatoires**illustre bien la double stratégie des Iraniennes qui cible d’une part les hommes et les femmes politiques afin de modifier la législation et d’autre part le grand public afin de le sensibiliser à la question des droits des femmes. Elle fait suite à la manifestation pacifiste du 12 juin dernier à Téhéran à laquelle participèrent des milliers de personnes réclamant des droits égaux pour les femmes et qui fut brutalement réprimée par la police. Le 27 août, les participantes au séminaire surL’impact des lois sur les vies des femmes, interdit en dernière minute, lancèrent la campagne en descendant dans la rue pour récolter des signatures. Depuis, le mouvement qui réunit des femmes et des hommes venu-e-s d’horizons divers allant de mouvements laïcs proches du féminisme occidental à des mouvements se réclamant de l’Islam, s’est amplifié et structuré. La création de comités de formation des bénévoles, de contact avec les médias, de publications et de relations publiques prouve que l’objectif de la campagne dépasse de loin la récolte d’un million de signatures à remettre aux Parlementaires. En effet, l’enjeu réside dans la prise de conscience par l’ensemble de la population desacapacitécollectiveà changer les lois. La campagne est par conséquent conçue comme une action permanente dans le dialogue, «face à face» avec les gens. Il faut savoir que les quelque trois cents bénévoles sur le terrain ont été formé-e-s à maîtriser parfaitement l’argumentaire juridique et à établir une communication optimale avec toutes sortes de publics. Bref, un travail en profondeur à partir de la conviction qu’un changement réel et durable ne peut être réalisé s’il n’est pas voulu par l’ensemble de la communauté. Ce rapide exposé de la campagne dumillion de signaturesmontre que la force du mouvement des femmes en Iran tient en grande partie au fait qu’il a pu mettre d’accord sur des revendications communes des personnes ne partageant pas nécessairement les
2
mêmes analyses (en matière de stratégie par exemple), ni la même philosophie (à propos des rôles masculins et féminins) et encore moins le même référentiel (laïque ou religieux). Ce dernier point en particulier nous interpelle car chez nous aussi des femmes et des féministes se revendique de l’Islam pour mener leur combat. Pouvons-nous dès lors nous en tenir au modèle de libération des femmes qui est le produit denotrehistoire ou allons-nous construireensemble, égales et différentes, un mouvement multiple dont nous ne connaissons pas les traits car ils sont encore à inventer ? Nadine Plateau, Présidente de Sophia (réseau belge de coordination des études féministes) * Le projet «Femmes et sociétés en transition», mené par Amazone, est soutenu par la Ministre Onkelinx dans le cadre de la diplomatie préventive. Des délégations de femmes juristes, politiques et représentantes des mouvements de femmes se sont succèssivement rencontrées à Casablanca, Istamboul et Téhéran dans le but de créer un réseau international de soutien aux associations de femmes dans quatre pays : Maroc, Turquie, Iran et Belgique. Le projet sera clôturé en mars 2007 à Bruxelles. ** inspirée de celle des femmes marocaines pour la réforme du code de la famille
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents