Compte-rendu de L eau et ses enjeux au Sahara dans la revue des mondes musulmans et de la méditerranée
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Compte-rendu de L'eau et ses enjeux au Sahara dans la revue des mondes musulmans et de la méditerranée

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L'eau et ses enjeux au Sahara dirigé par Ali Bensaad a été publié en 2011 aux éditions Karthala.

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Publié le 26 juin 2012
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Langue Français

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18/04/12 Bensaâd Ali (dir.), L’eau et ses enjeux au Sahara, Iremam, Karthala, 2011, 242 p. Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée Lectures inédites BENSAÂD Ali (dir.), L’eau et ses enjeux au Sahara, Iremam, Karthala, 2011, 242 p. JEAN-LOUIS MARÇOT Texte intégral 1 Je dirai en premier ma déception. Comme le suggère Ali Bensaâd à l’entrée du livre qu’il a dirigé, l’enjeu de l’eau au Sahara n’est ni plus ni moins que la conservation de la vie dans ce milieu qui lui est particulièrement hostile - la vie sous tous ses aspects. Or cet enjeu « vital » a été négligé au profit d’une approche micro-géographique. C’est pourtant par cette entrée que le travail collectif aurait pu légitimement intéresser un vaste public. Comment l’eau existe-t-elle à l’état naturel dans le Sahara ? Où se situe-t-elle ? Suffit-elle ? À quelles conditions ? Et dans le champ de ces questions générales serait apparue avec plus d’éclat l’alternative majeure : l’eau, ressource ou patrimoine ? 2 Au lieu de quoi, le lecteur parcourt, souvent avec difficulté, un assemblage d’études spécialisées dénué de centre. En guise de « Sahara », il doit se contenter de sa frange maghrébine, principalement du Bas-Sahara septentrional, et de données, remarquablement précises, mais qui datent d’au moins dix ans sur un sujet dont les auteurs s’accordent à souligner l’évolution très rapide. 3 Ce rétrécissement n’est pas la seule cause de ma déception. De même que, contrairement à ce que laisse croire le titre, ce n’est pas tout le Sahara qui est étudié sinon survolé, le livre ne rend pas plus compte de tous les enjeux de l’eau. L’enjeu « idéologique » est purement ignoré. L’eau dans l’imaginaire du colonisateur (enjeu de la prétendue « conquête pacifique »), dans celui de l’indépendantiste (Bouchama, 1984), dans celui du productiviste d’aujourd'hui, joue un rôle qui méritait d’être sondé. C’est à peine si Kassah, par citation interposée, évoque les valeurs culturelles, sociales, mémorielles remmm.revues.org/7264 1/3 18/04/12 Bensaâd Ali (dir.), L’eau et ses enjeux au Sahara, Iremam, Karthala, 2011, 242 p. et sy mboliques liées à l’eau (p. 94), que Lakdari et Dubost mentionnent les « mirages » (p. 166) drainés par la GRA (Grande Rivière Artificielle) ou que le regretté Rognon croit un peu vite « l’utopie » « reverdir le désert » en passe de se réaliser. L’eau a irrigué le délire des ingénieurs, continue de le faire et le rappel de quelques-uns de leurs grands projets récurrents aurait été sans doute bienvenu. 4 Et encore, ce n’est pas toute l’eau dont le livre fait sa substance. Il manque l’eau du dehors, savoir entre autres le produit du dessalement de la Méditerranée (seulement citée par Kassah, p. 103) porté à un niveau supérieur dans le projet SFP (Sahara Forest Project), ou encore l’eau de la mer saharienne (inondation des chotts algéro-tunisiens) que Jean Bisson a par ailleurs analy sée au titre de ce qu’il nomme les « utopies techniciennes », et l’eau du Nil et du Niger. 5 Ces réserves et ces critiques me conduisent à penser que L’eau et ses enjeux aux Sahara ne prend toute sa valeur que comme acompte sur une véritable étude à venir. Son principal mérite est de collecter à partir d’un terrain que chaque auteur connaît à merveille (outre les géographes susmentionnés, Côte, Citeau, Oudada, Khiari, Ballais, Le Houérou), des informations en général dispersées. Elles permettent de renseigner quelques questions clés. 6 Comment l’eau, considérée naguère comme patrimoine, avec ses « clôtures » traditionnelles, devient ressource, à l’égal du pétrole auquel elle se trouve du reste associée, historiquement (la découverte des nappes profondes et des techniques de forage découle de la prospection pétrolière), matériellement (les motopompes marchent souvent à l’essence), naturellement (aquifères profonds et gisement d’hy drocarbures ne sont pas renouvelables), politiquement (intervention massive de l’État et/puis des grandes compagnies)… Cette transformation, tous les auteurs le montrent, s’effectue sans réflexion, sans vue sur l’avenir. 7 Au Sahara, la pénurie nécessite que l’eau soit produite. Bensaâd note bien que la foggara est autant que la sonde un « forçage du milieu » (p. 27 ) basé sur le travail là servile ici mécanique. Mais elle ne puise pas dans une richesse limitée. Si elle demande un savoir complexe, elle ne fait pas appel à une technique, une machine, un carburant étrangers au milieu en question. Elle ne menace pas son équilibre interne. L’intention reste la même : produire assez d’eau pour entretenir un foy er de vie. Mais les moy ens diffèrent radicalement. Et ces moy ens sophistiqués, coûteux, supposent l’intervention d’une puissance elle aussi étrangère : l’État, la compagnie, la multinationale… Dès lors, se pose la question, s’agit-il plus de gagner sur le désert que de fixer au sol et de contrôler la population saharienne ? 8 La production accélérée d’eau favorise le développement de besoins nouveaux, urbains, touristiques, agricoles, industriels, qui à leur tour réclament de plus en plus d’eau. Pour rompre ce cercle vicieux, Romagny invite les Sahariens à « se servir mieux de l’eau pour en prélever moins » (p. 132). Mais n’est-ce pas toute la chaîne qu’il faut repenser ? Quel avantage présente sur le fond l’accroissement de la population ou l’exploitation forcenée du milieu ? Quelle source de richesse à long terme apportent les « fronts pionniers » que Bisson étudie dans le Sud tunisien ? 9 Les dangers de l’extraction incontrôlée ou intensive des eaux des nappes profondes sont pointés : tarissement de ces gisements, leur pollution, effets collatéraux de la surproduction. En leur temps, les effets pervers de la multiplication des puits artésiens avaient été prédits. Ils se sont bien accomplis. Et sans la découverte du continental intercalaire ou terminal, la situation dans l’Oued Righ serait critique. Assistons-nous, là comme ailleurs, à l’époque coloniale comme à l’époque des nations émergentes, à la même fuite remmm.revues.org/7264 2/3 18/04/12 Bensaâd Ali (dir.), L’eau et ses enjeux au Sahara, Iremam, Karthala, 2011, 242 p. en avant ? Celle-ci est soutenue par la croy ance dans la capacité de la technique à résoudre les problèmes qu’elle crée à mesure. Y arrivera-t-elle toujours ? 10 La fertilité de L’eau et ses enjeux aux Sahara me semble résider dans ces questions. Au-delà de l’enjeu de l’eau se pose in fine celle du Sahara lui-même. Qu’est-il ? Le dépôt des sources d’énergie les plus polluantes de la planète (pétrole, gaz, uranium…) ou à l’inverse, la réserve des ressources les plus propres (l’espace, le soleil, le vent, l’eau) ? Un « espace spectacle » (Kassah, p. 104) loué aux touristes en mal d’absolu ? La chasse gardée des terroristes et des trafiquants ? Un milieu plus naturel qu’humain, où la survie tient à l’épargne de l’eau ? Soumis à « l’exploitation du globe » telle que l’ont conçue eles hommes du XIX siècle, il s’est transformé. Par un spectaculaire paradoxe, le voilà rattrapé par une urbanisation galopante, rendant fébrile la recherche d’eau potable. Est-ce là un progrès ? Son avenir dépend-t-il d’une production de plus en plus intensive et assistée comme pouvoirs, aménageurs et entrepreneurs l’ont théorisée et la pratiquent, ou bien de la volonté de produire mieux et avec le moins d’apport technique et de travail possible ? Pour citer cet article Référence électronique Jean-Louis Marçot, « BENSAÂD Ali (dir.), L’eau et ses enjeux au Sahara, Iremam, Karthala, 2011, 242 p. », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], Lectures inédites, mis en ligne le 21 novembre 2011, consulté le 18 avril 2012. URL : http://remmm.revues.org/7264 Auteur Jean-Louis Marçot Droits d’auteur © Tous droits réservés remmm.revues.org/7264 3/3
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