Conjonction féminine et disjonction masculine chez les Tetum (Timor, Indonésie orientale) - article ; n°94 ; vol.25, pg 23-36
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Conjonction féminine et disjonction masculine chez les Tetum (Timor, Indonésie orientale) - article ; n°94 ; vol.25, pg 23-36

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Description

L'Homme - Année 1985 - Volume 25 - Numéro 94 - Pages 23-36
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

David Hicks
Conjonction féminine et disjonction masculine chez les Tetum
(Timor, Indonésie orientale)
In: L'Homme, 1985, tome 25 n°94. pp. 23-36.
Citer ce document / Cite this document :
Hicks David. Conjonction féminine et disjonction masculine chez les Tetum (Timor, Indonésie orientale). In: L'Homme, 1985,
tome 25 n°94. pp. 23-36.
doi : 10.3406/hom.1985.368561
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1985_num_25_94_368561Hicks David
Conjonction féminine
et disjonction masculine chez les Tetum
(Timor, Indonésie orientale)1
David Hicks, Conjonction féminine et disjonction masculine chez les Tetum
(Timor, Indonésie orientale) . — Le propos du présent travail est de montrer
que la population tetum confère au sexe masculin des responsabilités de
caractère plutôt « disjonctif » au sein de l'organisation sociale, tandis que
les femmes en gouvernent les aspects « conjonctifs » et ont la charge de
maintenir la vie. Les Tetum étant une société bien représentative de
l'Indonésie orientale, et l'élaboration de la notion de genre un trait fort
répandu dans l'archipel, l'auteur émet l'hypothèse qu'en cette partie de la féminité et la masculinité sont conçues en fonction de cette
polarité à la fois sociale et cosmologique.
Les chercheurs qui tentent actuellement d'interpréter la pensée collec
tive des sociétés indonésiennes choisissent souvent de privilégier l'élabo
ration culturelle de la notion de genre, car — et, semble-t-il, surtout dans
la partie orientale de l'archipel — la classification sexuelle, omniprésente,
informe toute l'organisation sociale et la cosmologie. Un exemple instructif
d'une société de ce type s'observe à Timor, chez les Tetum2. A y examiner
sommairement la distribution des rôles féminins et masculins, il est conce
vable d'imputer un statut sexuel à telle ou telle division du cosmos
indigène, et des appréciations d'ordre moral, comme le qualificatif de
« supérieur » ou d' « inférieur », paraissent même susceptibles, dans certains
contextes institutionnels, de convenir électivement à des homme ou à des
femmes3. Une analyse plus fouillée interdit toutefois ce type de générali-
1. Une version abrégée de ce travail a fait l'objet d'une communication au
LXXXIIe American Anthropological Meeting à Chicago, en novembre 1984.
Pour un supplément d'information sur le rôle des femmes dans les rituels et
les mythes tetum, voir Hicks 1984.
2. Connus aussi sous les noms de « Têtu », « Teto », « Tetun », « Belu » et « Fehan ».
Dans la région où j'ai mené mon enquête de terrain, on préférait « Tetum »,
d'où mon choix de cette dénomination.
3. Corrélations très générales auxquelles ont abouti des chercheurs, tels J. J. Ba-
chofen (1967) et Robert Briffault (1931). On leur opposera Marina Warner
(1976) et James J. Preston, ed. (1982).
L'Homme 94, avr.-juin 1985, XXV (2), pp. 23-36. DAVID HICKS 24
sation. Et pourtant, nous croyons qu'au moins une corrélation idéelle,
formulée en termes sexuels, fonde à l'évidence les manifestations cultu
relles et sociales de la pensée classificatoire tetum. Notre propos ici est
d'élucider cette corrélation. Nous commencerons notre enquête par
l'inventaire des propriétés — un jeu de symboles matériels et une série
de représentations immatérielles — de la déesse mère, figure d'importance
majeure dans la vie religieuse, pour en venir à considérer dans quelle
mesure son rôle opératoire dans la religion tetum affecte les places respec
tives des hommes et des femmes au sein de la société. A ce point de notre
développement, la corrélation mentionnée ci-dessus aura pris corps, et
nous serons à même de formuler une hypothèse qui devrait se révéler de
quelque utilité aux chercheurs travaillant sur la constitution de la notion
de genre ailleurs en Indonésie.
I. LA DÉESSE MÈRE
Thème récurrent dans l'étude comparative des religions, la déesse mère
est attestée aujourd'hui dans des régions aussi distantes les unes des autres
que les Amériques, l'Europe, l'Afrique de l'Ouest et l'Asie du Sud-Est, et
son ancienneté se lit sur une période d'au moins vingt-sept mille ans. En
Indonésie également, on relève sa présence, et la littérature portant sur
la partie orientale de l'archipel comporte de nombreuses références à une
série de divinités qui méritent la dénomination de « déesses mères ».
Parmi les populations qui ont élaboré la conception d'une divinité fémi
nine, citons les Koki, les Sumba de l'Est, les Rindi, les Tanebar-Evav et
les Kédang.
Le personnage est doté de propriétés qui varient considérablement d'un
groupe à l'autre. Prenons quelques exemples. Au Sumba occidental, l'être
suprême a nom « Mère-la-Grande », « Père-le-Grand » ; chez les Rindi du
Sumba oriental, la création du monde est le produit d'un ciel masculin
copulant avec une terre féminine, puis s'en dissociant. Les Atoni croient
que leur divinité (masculine) a la lune pour épouse ; les Kédang assimilent
apparemment la terre à une femme ; et les populations du Tanebar-Evav
font de la terre féminine l'épouse du soleil masculin4. Toutefois, aucun de
ces peuples, ni aucun autre à ma connaissance, ne donne à la notion de
divinité féminine l'ampleur et la cohérence qu'elle possède dans la pensée
collective tetum. Il se peut que chez les Tetum, cette catégorie du divin
tienne une place beaucoup plus grande dans le rituel, la mythologie et la
cosmologie que partout ailleurs en Indonésie orientale et, si tel est le cas,
Voir respectivement : Onvlee 1980 : 47 ; Forth 1980 : 90 ; Schulte Nordholt
1971 : 142 ; Barnes 1974 : II2 ; Barratjd 1979 : 234. Conjonction et disjonction 25
il n'y a pas lieu de s'étonner qu'aucune tentative systématique n'ait été
faite pour isoler les propriétés distinctives de cette figure considérable, au
moins sous l'une quelconque de ses modalités, ou pour examiner comment
la croyance en une puissante déesse mère peut influer sur les rôles des
femmes dans la société locale et les organisations religieuses5.
Les Tetum ont fait l'objet d'une controverse quant à la nature même
de leur divinité. B. A. G. Vroklage (1952) semble considérer que ces gens
croient en un dieu unique, maromak, dieu masculin et céleste qui, orig
inairement, les aurait tous créés et auquel ils rendent actuellement un
culte. Wortelboer (1952 : 90-92) juge, pour sa part, plus vraisemblable
qu'une certaine figure chthonienne du nom de rai, tenue pour passive et
féminine, ne relève pas simplement de la catégorie des esprits ordinaires,
fort communs dans la théologie tetum, mais n'est que la contrepartie
(féminine) du dieu masculin. Aux niveaux supérieurs du cosmos, on discer
nerait donc une divinité duelle : l'une, masculine, associée au ciel ; l'autre,
féminine, associée à la terre. Or, bien que mes propres recherches aient
porté sur des Tetum vivant à l'est de la branche des populations de langue
tetum dont parlent Vroklage et Wortelboer, et que, dans une certaine
mesure, la société que j'ai étudiée se distingue par des particularités cou-
tumières et idéologiques, la culture tetum est suffisamment homogène
pour que nous puissions admettre que, selon toute apparence, les résultats
de mon enquête valent aussi bien pour les Tetum occidentaux, objet des
travaux de Vroklage et de Wortelboer, que pour la branche orientale.
Ainsi peut-on désormais fournir une réponse à la question posée par Wort
elboer dans le titre de son étude, « Monothéisme bij de Belu's op Timor ? ».
Il convient de mentionner également une source plus ancienne : H. J. Grij-
zen (1904 : 74) a ébauché sommairement la figure d'une divinité des
Tetum occidentaux, dont la représentation coïncide mieux avec celle de
Vroklage qu'avec celle de Wortelboer. Grijzen n'accorde apparemment
aux Tetum que le seul maromak, être lointain auquel on ne sacrifie point.
Et comme à titre de confirmation, en ce qui concerne également les Tetum
orientau

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