Consomption d esclaves et production de « races » : l expérience caraïbéenne - article ; n°122 ; vol.32, pg 209-234
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Consomption d'esclaves et production de « races » : l'expérience caraïbéenne - article ; n°122 ; vol.32, pg 209-234

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Description

L'Homme - Année 1992 - Volume 32 - Numéro 122 - Pages 209-234
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Luc Jamard
Consomption d'esclaves et production de « races » :
l'expérience caraïbéenne
In: L'Homme, 1992, tome 32 n°122-124. pp. 209-234.
Citer ce document / Cite this document :
Jamard Jean-Luc. Consomption d'esclaves et production de « races » : l'expérience caraïbéenne. In: L'Homme, 1992, tome 32
n°122-124. pp. 209-234.
doi : 10.3406/hom.1992.369533
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1992_num_32_122_3695332 o
Jean-Luc Jamard
Consomption d'esclaves
et production de « races » :
l'expérience caraïbéenne
ne particulièrement proposée d'une caraïbéenne. importées dynamique confrontant Jean-Luc est saurait d'abord analyse enfin Jamard, et faire tracé. entre de les comparative — une l'esclavage totalement types, vive La classes Vient interprétation Consomption à « création une les ensuite et de dérives, histoire l'impasse. transformiste « plantation races » la des d'esclaves contre-épreuve elle-même les » conséquences Un sociétés sociales abolitions confère sur modèle et laquelle si production caraïbéennes dans particulière. aux : de une études tout aucune les l'esclavage comparaison sociétés ce de antillanistes L'auteur qui anthropologie à « partir précède races mercantile (et antillaises. leurs intracaraïbéenne esquisse » de une : sur populations l'expérience effets). des la sensibilité caraïbéen le relation Antilles cadre Est
Première découverte américaine de Colomb, les Antilles devancent aussi
les autres territoires du Nouveau Monde par la liquidation rapide et quasi
intégrale des populations du cru sous l'action des envahisseurs européens. Ce
triste apanage a longtemps valu aux recherches antillanistes d'occuper une
place à part dans les classements académiques. Leur caractère, sauf peut-être
à l'acquérir par contagion dans l'étude exclusive de la magie ou de la parenté,
n'est jamais « vraiment » anthropologique, semblait-on penser dans quelques
prytanées de la citée savante. Elles y apparaissaient (apparaissent encore ?)
soumises à l'attraction démesurée de l'histoire et de la sociologie ou de l'éc
onomie, irrésistible en raison de la spécificité même de leur objet empirique.
Un objet impur, inauthentique...
Et ce, peut-on penser, parce que l'origine des sociétés insulaires postcolom
biennes de la région caraïbe serait par trop artificielle : création de toutes
pièces qui rassemble — une fois détruites les sociocultures amérindiennes —
des populations importées de loin, européennes et africaines pour l'essentiel,
au moins dans les débuts, afin de répondre aux besoins des métropoles occi
dentales. De sorte que, passé un délai presque partout fort bref et sauf dans
les colonies restées surtout « de peuplement », les Occidentaux y ont édifié
des sociétés strictement modelées sur l'institution totalitaire de la grande
L'Homme 122-124, avr.-déc. 1992, XXXII (2-3-4), pp. 209-234. 210 JEAN-LUC JAMARD
plantation dévolue à la monoculture d'exportation ; mais sans devoir compos
er — comme ce fut le cas ailleurs — avec les nécessités requises pour que
persistent sur place des peuples plus « indigènes » susceptibles d'être exploités
durablement (d'autres problèmes se posèrent cependant, auxquels nous
reviendrons).
D'où l'évolution très largement hétéronome de pareils systèmes sociaux :
leur histoire est pilotée de l'extérieur, plus encore que celles d'autres sociétés
colonisées. De là également l'inexistence d'une aire culturelle qui les circonscrive
géographiquement en un seul tenant puisque, on l'a maintes fois souligné,
entre les Mascar eignes ou les Seychelles de l'océan Indien et telle zone de
plantations — fruits d'un même projet colonial — du bassin Caraïbe, les
analogies sont autrement profondes que l'apparente unité de ce dernier.
Rien d'étonnant, par suite, à ce que dans l'étude des Antilles une démarche
ethnologique attentive comme il se doit à tout le savoir disponible n'entende
ni ne puisse se passer de celui des autres sciences sociales forcément sollicitées
par de si spéciales réalités historiques et socio-économiques. Mais cette démarche
tend dès lors à s'écarter des voies frayées par la « science des sociétés primi
tives », l'anthropologie classique, qui, faute d'information autre que les don
nées d'observation directe ou des témoignages incertains, a bien souvent fait
cavalier seul — et de nécessité vertu.
De telles recherches ethnologiques sur la région caraïbe, d'ailleurs long
temps restées en souffrance, n'en donnent pas moins aujourd'hui du grain
à moudre à la réflexion anthropologique générale. Celle-ci voudrait embrasser
aussi bien toutes les variétés que toute la variabilité de la socioculture humaine.
Or, sur ces questions, les sociétés antillaises, de leur récente origine à nos
jours, constituent en quelque sorte une expérience toute faite aux yeux du
social scientist : cas certes particulier, mais cas limite, donc hautement révéla
teur de structures et de processus qui font loi aussi ailleurs, possibilité étant
toutefois octroyée ici à l'observateur de les saisir sous des dehors plus manif
estes ou de les exonder plus facilement. Par ailleurs, les études antillanistes
et plus généralement les travaux sur « l'Amérique des plantations » ont sus
cité des catégories inédites qui font parfois problème.
« Esclavage mercantile américain », « cultures plurielles », « métisses » ou
« multiraciales », « classes contre races », outre l'idée de « société de planta
tion » comme type général, sont de ces notions ou thématiques qu'ont ainsi
produites et illustrées lesdites recherches. Sont-elles compatibles ou même
commensurables ? Certaines réduisent l'investigation à un simple bertillon-
nage du social. Les mettre à l'épreuve, c'est jauger leur champ de validité,
et d'abord dans l'espace caraïbéen lui-même. S'esquissera du même coup un
cadre d'analyse comparatif et transformiste indispensable pour qui veut
comprendre en ethnologue la réalité observable hic et nunc. L'Expérience caraïbéenne 211
Grands habitants, jardins-cases et portions congrues
L'ensemble technique et socio-économique constitué par la plantation sucrière
esclavagiste n'est pas né dans le Nouveau Monde. Aux Canaries espagnoles,
mais aussi dans les colonies longtemps portugaises de l'Atlantique (Madère,
les Açores, le Cap-Vert, Sao Tomé) et çà et là en Afrique de l'Ouest, s'était
ébauché avant la Découverte le modèle qui sera transplanté en Amérique et
y déploiera ses formes extrêmes : propriétaires européens, monoculture d'export
ation, main-d'œuvre asservie d'origine africaine pour l'essentiel. En employant
des esclaves, ces plantations prolongeaient le long passé méditerranéen de la
culture sucrière. Un tel état d'esclave, outre quelques précédents médiévaux,
est au Portugal comme en Espagne imposé dès les débuts du XVe siècle à une
domesticité et une main-d'œuvre — qui travaillait notamment certaines terres
andalouses — d'origine mauresque ou négro-africaine1, dont les Portugais
avaient alors le monopole de la traite (Garcia 1976 ; Benoist 1978 ; Mintz 1984 ;
Barbiche 1989 ; etc.).
Tout en nous limitant d'abord à un espace de référence, la Guadeloupe et
la Martinique2, esquissons les traits saillants de ce type de production esclavag
iste considéré dans toute l'ampleur qu'il a prise aux Antilles.
L'attribution à l'espace antillais, par la Métropole, d'une fonction d'expor
tation bien définie, voilà ce qui transforme profondément la société coloniale
déjà édifiée dans les deux îles. Toutes les possessions de la Caraïbe — quand
l'écologie et Pédaphologie n'y faisaient pas obstacle — ont ainsi vu leur rôle
de colonie d'exploitation remplacer ou supplanter, dans un délai variable selon
les cas, leur condition p

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