Contribution à l étude de la complexité du système mnésique humain -  CONCLUSION
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Contribution à l'étude de la complexité du système mnésique humain - CONCLUSION

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Conclusion générale CONCLUSION GENERALE Ce travail aborde un domaine captivant, tant pour le chercheur psychologue que pour l'homme de la rue : celui de la mémoire humaine. Pour preuve de cet intérêt commun, constatons la parution récente de trois revues diffusées auprès du grand public : Science et Vie (hors-série n° 212, septembre 2000 ; Les performances de la mémoire humaine), La Recherche (n° spécial 344, juillet/août 2001 ; La mémoire et l'oubli : comment naissent et s'effacent les souvenirs) et Pour la Science (Dossier hors-série n°31, avril/juillet 2001 ; La mémoire : Le jardin de la pensée). Si la recherche scientifique peut apporter des éléments objectifs de connaissances sur le fonctionnement de la mémoire, il paraît particulièrement intéressant d'étudier les théories naïves bâties par les sujets eux-mêmes, les connaissances subjectives bâties au fil de l'expérience quotidienne. Ces dernières constituent la métamémoire, ou la connaissance de la mémoire. La problématique des relations entre mémoire et métamémoire émerge alors avec des questionnements et des hypothèses spécifiques. Notamment, la connaissance qu'une personne possède sur son propre système mnésique (contenu et processus) pourrait jouer un rôle déterminant sur ses comportements d'encodage et de récupération des informations. Il semble donc qu'une meilleure compréhension du fonctionnement de la mémoire humaine passe par la prise en compte des connaissances que ...

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Extrait

  
C ONCLUSION G ENERALE  
Conclusion générale
     Ce travail aborde un domaine captivant, tant pour le chercheur psychologue que pour l' homme de la rue  : celui de la mémoire humaine. Pour preuve de cet intérêt commun, constatons la parution récente de trois revues diffusées auprès du grand public : Science et Vie (hors-série n° 212, septembre 2000 ; Les performances de la mémoire humaine ), La  Recherche  (n° spécial 344, juillet/août 2001 ; La mémoire et l'oubli : comment naissent et s'effacent les souvenirs ) et Pour la Science (Dossier hors-série n°31, avril/juillet 2001 ; La mémoire : Le jardin de la pensée ). Si la recherche scientifique peut apporter des éléments objectifs  de connaissances sur le fonctionnement de la mémoire, il paraît particulièrement intéressant d'étudier les théories naïves bâties par les sujets eux-mêmes, les connaissances subjectives bâties au fil de l'expérience quotidienne. Ces dernières constituent la métamémoire , ou la connaissance de la mémoire. La problématique des relations entre mémoire et métamémoire émerge alors avec des questionnements et des hypothèses spécifiques. Notamment, la connaissance qu'une personne possède sur son propre système mnésique (contenu et processus) pourrait jouer un rôle déterminant sur ses comportements d'encodage et de récupération des informations. Il semble donc qu'une meilleure compréhension du fonctionnement de la mémoire humaine passe par la prise en compte des connaissances que possèdent les sujets sur leur propre mémoire. Notre thèse examine cette question, en considérant plus particulièrement les situations d'encodage intentionnel, c'est-à-dire les situations où le sujet, au contact d'une information, se fixe un objectif de récupération future.  Dans le premier chapitre , nous avons parcouru la littérature sur la modélisation de la mémoire humaine selon différentes perspectives : mémoire organe, mémoire structure, mémoire contenu, mémoire processus et mémoire aptitude. Pour résumer brièvement, il apparaît que la mémoire n'est pas une structure ou un processus unitaire, ne peut pas être assimilée à un enregistrement conforme des expériences vécues, n'est pas un processus tout ou rien , mais répond toutefois à un certain nombre de lois ou principes solidement établis.  L'analyse que nous avons faite des théories de la mémoire s'oriente à plusieurs égards vers l'introduction de la problématique de la métamémoire.
  
 
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Conclusion générale
  (1) Tout d'abord, l'étude scientifique de la mémoire humaine révèle une question d'un intérêt particulier suscitant de plus en plus de travaux : celle de la relation entre mémoire et conscience . Si les premiers travaux scientifiques évitaient soigneusement d'aborder le champ de la conscience (Ebbinghaus, 1885), on assiste depuis quelques dizaines d'années à un renversement de situation, notamment grâce aux apports de la neuropsychologie. En effet, comment ne pas reconnaître l'existence de la conscience face à des patients qui en sont visiblement privés (Shimamura, 1994) ? La démonstration d'une forme de mémoire inconsciente préservée et d'une altération des phénomènes mnésiques conscients (cela est vrai aussi pour d'autres fonctions, comme la perception, Schacter, 1989 ; Schacter et al., 1988 ; Shimamura, 1994) est une des découvertes les plus intrigantes de la neuropsychologie. La psychologie expérimentale montre que cette dissociation n'existe pas uniquement chez les amnésiques mais qu'elle est aussi présente chez le sujet normal. Une information peut être mémorisée en toute ignorance ou bien donner lieu à une expérience consciente de souvenir. Dans ce deuxième cas uniquement, le sujet sait qu'il utilise sa mémoire et a l'impression subjective de revivre un épisode du passé (Jacoby et al., 1989). Dans l'apprentissage sans conscience, au contraire, des événements vécus antérieurement influencent le comportement et la performance actuels alors que le sujet n'a pas connaissance de cette influence. L'expérience consciente du souvenir se manifeste au moment de la récupération de l'information en mémoire ; lorsque cette récupération échoue, le sujet ressent le sentiment, parfois tenace et agaçant, d'avoir "le mot sur le bout de la langue", d'être sur le point d'accéder à l'information recherchée. Il sait qu'il sait ; cette expérience métacognitive associée à la mémoire sémantique est l'une des plus communes et a inspiré de nombreux travaux et réflexions en psychologie. (2) Concernant les effets de l'encodage intentionnel su la performance, nous avons constaté que l'étude expérimentale de la mémoire aboutit à une conclusion unanime : l'intention de retenir n'est pas un facteur pertinent pour la performance. D'autres facteurs, comme la profondeur de traitement (Craik et Lockhart, 1972) ou la spécificité de l'encodage (Tulving et Thomson, 1973) sont des variables explicatives beaucoup plus puissantes. Nous remarquons toutefois que ces conclusions prennent source dans des expériences de laboratoire laissant peu de contrôle au sujet sur ses activités mnésiques (instructions données aux sujets, durées de présentation fixées, opérations d'encodage ou de récupération forcées ). Si le cadre expérimental permet effectivement de mettre à jour les lois  de la mémoire de manière rigoureuse, il peut comporter certaines limites pour décrire les phénomènes réellement en jeu dans la vie quotidienne. Le problème de la validité écologiques des modèles de la mémoire est soulevé à plusieurs reprises ; il est par exemple utile de s'interroger sur la notion même de performance mnésique (quantité ou précision ?, Koriat et Goldsmith, 1996a), ou encore sur les mécanismes de contrôle mis en uvre intentionnellement par les sujets (Nelson et Narens, 1994). Ce problème est d'autant plus crucial dans notre problématique que la métamémoire se développe à partir des expériences quotidiennes du sujet, expériences qui n'ont pas nécessairement de similitude avec les situations
  
 
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Conclusion générale
  expérimentales (en termes de tâches, matériels, contexte, implication émotionnelle et motivationnelle). (3) La connaissance du fonctionnement de la mémoire et de ses lois  permet d'identifier les stratégies de mémorisation efficaces pour améliorer la rétention et la restitution des informations. Une importante exploitation est faite de ces connaissances dans des perspectives de terrain, notamment en éducation (Pressley et al., 1985). La notion de métamémoire englobe la connaissance du sujet sur les stratégies de mémoire et la manière dont il les met en uvre. Le champ des stratégies réfère aux mécanismes de contrôle sélectionnés par le sujet pour optimiser la rétention des informations jugées importantes. Un débat est soulevé concernant le caractère stratégique de certaines opérations cognitives de base comme la répétition ou l'organisation sémantique qui ne sont pas nécessairement utilisées consciemment et volontairement par le sujet (Harris, 1980). Ainsi, l'utilisation d'une stratégie de mémoire efficace peut avoir lieu avec ou sans intention, avec ou sans conscience de la part du sujet. (4) Parmi les connaissances et représentations stockées en mémoire, il en est une forme qui mérite une attention particulière : la connaissance de soi. La métamémoire constitue l'une des composantes de la connaissance de soi et devrait en conséquence subir les mêmes règles de fonctionnement que l'ensemble des connaissances relatives à soi (aspects autobiographiques et sémantiques : Brewer, 1988a ; biais cognitifs : Greenwald, 1980, in Piolat et al., 1992). Cet aspect de la connaissance est associé à des facteurs affectifs (estime de soi), d'auto-évaluation et de comparaison sociale. (5) L'aspect aptitude  de la mémoire, couramment usité dans la vie quotidienne, est abordé à travers l'examen des recherches sur les différences individuelles dans la mémoire, notamment les différences induites par le vieillissement. Parmi les facteurs explicatifs des différences, on identifie un ensemble de phénomènes relevant de la métamémoire et du contrôle comportemental. Concernant le vieillissement, cette explication particulière du déclin mnésique n'est pas solidement défendue, contrairement aux conceptions de détériorations cognitives plus centrales (Light, 1991 ; Syssau, 1998).  Aborder les relations entre mémoire et conscience nécessite une réflexion sur la notion de conscience qui peut revêtir plusieurs significations (Cavanaugh, 1989). A un premier niveau, la conscience de la mémoire peut tout simplement être sa connaissance  ; la mémoire devient donc un objet de connaissance parmi d'autres. Au second niveau, la conscience est un phénomène personnel et auto-réflexif  ; le sujet construit une représentation de sa propre mémoire. Enfin, à un dernier niveau, la conscience concerne l'inspection des activités cognitives en cours  ; cette inspection permet notamment de réguler et d'adapter le comportement de manière volontaire. La notion de métamémoire englobe l'ensemble de ces conceptions de la conscience sur la mémoire. Au second chapitre , nous présentons les principales recherches dans ce domaine et considérons deux axes principaux de modélisation : le premier cherche à
  
 
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  définir le contenu de la métamémoire et le second cherche à comprendre les relations entre mémoire et métamémoire.  Concernant la définition du concept, on retiendra que la métamémoire comporte au moins trois dimensions (Hertzog et Dixon, 1994) : la connaissance , l' auto-efficacité  personnelle, la surveillance  de la mémoire. Par cette conceptualisation, on introduit des dimensions conatives (motivation, attribution, affects), intervenant au niveau de l'auto-évaluation mais aussi au niveau du contrôle de la mémoire. La fonction de connaissance concerne les représentations subjectives et collectives des variables qui influencent le fonctionnement mnésique (sujet, tâches stratégies, Flavell et Wellman, 1977). L'auto-efficacité fait référence aux croyances entretenues plus spécifiquement sur la variable "sujet" de la connaissance : on se sent plus ou moins compétent pour résoudre les tâches mnésiques. La fonction de surveillance des processus en cours et des contenus mnésiques ( memory monitoring) constitue une base pour le contrôle comportemental et stratégiques (Nelson et Narens, 1994). L'étude des relations entre surveillance mnésique et mémoire se préoccupe tout autant de déterminer les bases des jugements subjectifs, d'établir les conditions de leur validité ou de leur non-validité, que d'examiner leur rôle sur les processus exécutifs (gestion de l'apprentissage, décisions, stratégies).  Sur le plan des relations mémoire / métamémoire, l'hypothèse la plus répandue consiste à dire que la métamémoire, connaissance de la mémoire, influence la performance, notamment grâce à la mise en uvre de processus exécutifs efficaces ; meilleure est la métamémoire, meilleure est la mémoire . Nous remarquerons que cette vision simpliste des relations, causales et unidirectionnelles, n'est pas souhaitable et qu'il vaut mieux concevoir les deux dimensions comme interdépendantes pour mieux saisir toute la complexité des phénomènes. Flavell et Wellman (1977) avaient eux-mêmes émis des réserves sur les connexions entre mémoire et métamémoire, du fait de l'intervention d'un grand nombre d'autres facteurs (développementaux, affectifs et motivationnels). Le rejet de cette hypothèse forte dans nombre d'études permet à la fois de mieux définir le contenu de la métamémoire et de déterminer les conditions optimales d'observation de ses relations avec la performance.  Si l'on s'en tient à la dimension connaissance générale (connaissance des lois du fonctionnement de la mémoire, connaissance des stratégies et des facteurs qui influencent la performance), le manque de relations avec la performance peut avoir plusieurs sources. (1) Tout d'abord, la mesure de la connaissance est faite avec des outils (questionnaires et interviews) sensibles à la capacité linguistique, évoquant des tâches hypothétiques, elles-mêmes différentes des tâches utilisées pour mesurer le niveau de performance. (2) De plus, la connaissance peut être adéquate sans pour autant être transformée en procédures exécutives efficaces (déficit de production) ; d'où la nécessité, comme le
  
 
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  soulignent Cavanaugh et Perlmutter (1982) de distinguer les aspects connaissance  et comportements exécutifs  (seule la connaissance appartient à la métamémoire). Dans d'autres cas, la connaissance ne semble pas présente (pas explicitée ou peu articulée) alors que les attitudes du sujet semblent stratégiques et méthodiques. (3) Le manque de relation, mesuré par des corrélations peut simplement venir d'un manque de variabilité dans les mesures mises en correspondance (par exemple un effet plafond sur la mesure de connaissance en cas de questionnaire trop facile). (4) Enfin, les facteurs motivationnels à l'uvre lors de la réalisation d'une tâche ou lors de la réponse à un entretien (pas d'efforts) peuvent voiler ou affaiblir des relations pourtant existantes.  A propos de l'aspect d'auto-efficacité, il est utile de distinguer deux hypothèses différentes sur les relations entre mémoire et métamémoire. (1) La première hypothèse énonce que les sujets sont exacts dans leur auto-évaluation, qu'ils perçoivent correctement leur propre compétence mnésique (forte auto-efficacité Æ  forte performance). Les études menées à partir des questionnaires d'auto-évaluation de la mémoire quotidienne ne permettent pas de retenir cette hypothèse. Le manque de relation peut venir de ce que la métamémoire est constituée d'une part non négligeable de croyances (auto-efficacité personnelle ou stéréotypes sociaux) qui peuvent être erronées ou consécutives à l'application de jugements biaisés. Le manque d'objectivité des jugements expliquerait donc leur incapacité à prédire correctement le niveau de performance. D'autre part, le manque de validité prédictive de l'auto-évaluation peut tout simplement venir de ce que les situations d'auto-évaluation quotidienne (tâches, matériels) sont totalement différentes des situations utilisées pour mesurer la performance réelle (tâches de laboratoire). Cette première hypothèse est également testée dans les expériences de prédiction directe de performance ( monitoring ) lors d'une épreuve mnésique. Là encore, les corrélations sont faibles ; cela provient notamment du manque de connaissance des tâches, de l'application d'heuristiques de jugement (due à la méconnaissance des tâches), du manque de points de référence pour émettre les jugements (pouvoir se situer par rapport à une norme), et des limites inhérentes à l'utilisation de mesures d'association basées sur les corrélations. (2) La seconde hypothèse envisageable concernant l'auto-efficacité énonce que l'exactitude de l'auto-évaluation (par exemple, l'exactitude de la prédiction) est liée au niveau d'efficience mnésique. Ici, les mesures corrélationnelles posent un certain nombre de difficultés et doivent être évitées (Hasselhorn et Hager, 1989). Cependant, dans ce cas, l'hypothèse forte ne tient plus car on peut très bien envisager qu'un "mauvais" sujet fasse des prédictions exactes (bonne métamémoire), c'est-à-dire qu'il soit conscient de ses lacunes. Cette réflexion est soutenue par l'absence de preuves pour l'existence d'une compétence métamnésique stable permettant de différencier les individus (Weaver et Kelemen, 1999). L'approche se complexifie encore si l'on considère l'influence de facteurs affectifs ou motivationnels : par exemple, la
  
 
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  dépression peut induire une sous-estimation des capacités réelles, une baisse des efforts de mémoire éventuellement suivi d'une faible performance ; finalement, on observera dans ce cas, une meilleure exactitude des prédictions (métamémoire) chez les sujets les moins efficients. La prise en compte des aspects motivationnels et affectifs apportent cependant un éclairage important sur la perception qu'ont les sujets de la mémoire en général et de leur propre mémoire en particulier. Par exemple, les croyances attributionnelles (internalité, stabilité du contrôle) font partie intégrante de la connaissance des sujets et déterminent très probablement leurs orientations stratégiques et leurs comportements de prise et de récupération d'information. Pour avoir une vision complète des relations entre métamémoire et performance, il apparaît donc essentiel d'élargir le domaine de définition de la métamémoire à la sphère conative.  Le troisième volet de la métamémoire, défini comme la surveillance des contenus et des processus mnésiques ( monitoring ) donne lieu à des recherches qui se concentrent sur la connaissance que les sujets peuvent développer au cours de la réalisation d'une tâche mnésique (connaissance spécifique opérationnalisée par des activités de jugement). Il s'agit encore de mettre en relation les jugements subjectifs et les performances et de tester l'hypothèse selon laquelle les sujets ont une bonne appréhension de leur contenu mnésique. Sans adopter de perspective différentielle (meilleure métamémoire Æ  meilleure mémoire), les recherches développées dans ce champ tentent de mettre à jour les bases des jugements et leurs conditions de validité. Elles tentent également de cerner comment le résultat de la surveillance mnésique influe sur les mécanismes de contrôle mis en jeu lors de l'apprentissage et lors des décisions de report mnésique (Koriat et Goldsmith, 1996b ; Mazzoni, 1999 ; Nelson et Dunlosky, 1991 ; Nelson et Narens, 1990, 1994). C'est dans ce cadre, qui a connu les développements théoriques et méthodologiques les plus récents, que l'on trouve les meilleures relations entre connaissance, performance et comportements de contrôle.   Un facteur semble particulièrement déterminant pour l'observation des relations entre mémoire et métamémoire : l'expérience de l'individu avec les tâches et la possibilité d'observer ses propres comportements. Cette conclusion est tirée à plusieurs moments de notre analyse de la littérature. La validité des questionnaires d'évaluation de la mémoire quotidienne (Shlechter et al., 1990), la relation entre performance mnésique et connaissance des stratégies (Andreassen et Waters, 1989 ; Wang, 1990), l'exactitude des jugements prédictifs globaux (Hertzog et Dixon, 1994 ; Hertzog et al., 1990) sont d'autant meilleurs que le sujet a l'occasion de s'observer en situation réelle au cours des tâches à évaluer. La bonne validité des jugements effectués sur chaque item d'une liste (avant ou pendant le test) traduit ce même phénomène d'une base expérientielle contribuant à améliorer la validité du jugement (Dunlosky et Nelson, 1997 ; Nelson et Dunlosky, 1991 ; Koriat, 1997).  
  
 
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Conclusion générale
  Notre analyse de la littérature montre plusieurs axes de recherche se réclamant tous de l'étude des relations entre mémoire et métamémoire. Toutefois, la disparité des problématiques et des hypothèses sous-jacentes, des paradigmes et méthodes, conduisent à une vision morcelée des phénomènes. Comme le soulignent Hertzog et Dixon (1994), il est utile de concevoir des recherches qui envisagent les différentes facettes de la métamémoire : connaissances générales et théories naïves, auto-efficacité personnelle et attributions sur la réussite et l'échec, surveillance de la mémoire en cours de tâche. L'ensemble de ces phénomènes peut être étudié en relation avec le niveau de performance mnésique et les comportements de régulation et de contrôle.  Notre second chapitre se termine par la considération des différences individuelles dans la métamémoire. Il est envisagé que les troubles de mémoire présentés par certains patients ou que le déclin mnésique associé au vieillissement prennent source dans une altération de la métamémoire. Bien qu'elles ne contribuent pas à expliquer la totalité de la baisse d'efficience mnésique (voir chapitre 1), les modifications de la métamémoire et de ses relations avec la mémoire chez les personnes âgées restent dignes d'intérêt (Hertzog et Dixon, 1994). Si les personnes âgées ne présentent ni de troubles dans la connaissance des lois de la mémoire, ni dans la capacité à surveiller leurs contenus mnésiques, il s'avère qu'elles se différencient sensiblement des sujets jeunes sur la dimension d'auto-efficacité et de contrôle de leur mémoire. Une partie de leurs difficultés pourrait être prise en charge par l'auto-observation et l'analyse objective des performances et de leurs déterminants. Concernant le champ neuropsychologique, il apparaît que dans l'amnésie classique , les patients ne sont pas perturbés dans leur auto-évaluation et dans leurs jugements métamnésiques. Par contre, dans la pathologie de Korsakoff, les troubles mnésiques sont observés en association avec des troubles de la connaissance des stratégies (Hirst et Volpe, 1984), de l'auto-évaluation des déficits et de la surveillance des contenus mnésiques (Shimamura et Squire, 1986) : leurs troubles de mémoire pourraient donc en partie être imputés à un trouble de la métamémoire. Des déficits de jugements similaires chez les patients porteurs de lésions frontales (sans trouble de la mémoire) permettent de supposer que le lobe frontal entre en jeu dans l'aptitude d'observation des activités mentales (Beatty et Monson, 1991 ; Janowsky et al., 1989a).   Nous avons proposé différentes hypothèses de travail dans le contexte de la problématique des relations entre mémoire et conscience, tout en essayant de considérer les différentes dimensions du construct  de métamémoire. Partant de l'idée que la métamémoire avait plus de chances d'être utilisée lorsque le sujet poursuit un objectif mnémonique conscient (Flavell, 1981), nous avons proposé l'hypothèse générale d'un effet de l'encodage intentionnel sur la performance de mémoire et
  
 
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Conclusion générale
  sur la qualité (exactitude, ou objectivité) des jugements de métamémoire . Cette hypothèse a été testée dans deux expériences de laboratoire menées avec des sujets adultes. Dans les deux cas, les sujets étaient invités à apprendre un matériel verbal en vue d'un test de mémoire futur et à émettre des jugements à propos de leur performance (dimension surveillance ou monitoring  de la métamémoire). Dans la première expérience, l'intention d'apprendre était manipulée dans un plan intra-sujet et les jugements métamnésiques étaient des évaluations de certitude sur les réponses ; nous avons étudié les performances et jugements de sujets jeunes et de sujets âgés afin de déceler les différences dues aux vieillissement sur la performance, les jugements et l'exactitude de la métamémoire. Dans la seconde expérience, l'intention était manipulée dans un plan inter-sujets et les jugements métamnésiques étaient des prédictions et des évaluations qualitatives de la performance. Afin d'obtenir une vision plus complète des phénomènes, nous avons défini deux autres séries d'hypothèses explorant respectivement les théories naïves  de la mémoire et les relations entre conation et métamémoire  ; ces deux axes complémentaires nous permettent d'envisager la complexité des phénomènes mnésiques tout en sortant du cadre strict du laboratoire par souci de validité écologique. Dans une première étude se voulant surtout exploratoire, nous avons conçu un questionnaire composé de questions ouvertes et de questions d'auto-évaluation de la mémoire quotidienne. Il nous a paru intéressant d'explorer les théories naïves de sujets tout-venant sur le fonctionnement de la mémoire et de mettre en évidence les situations quotidiennes de mémorisation intentionnelle et leurs stratégies connexes. Nous abordons ici les dimensions connaissance  et auto-efficacité  de la métamémoire et les mettons en relation avec les connaissances scientifiquement fondées de la mémoire. Dans une perspective de validité écologique, nous avons recueilli, lors de la seconde expérience de laboratoire précédemment mentionnée, différents types de données susceptibles de nous informer sur les relations entre mémoire, métamémoire et conation. Les aspects conatifs regroupent ici des évaluations subjectives sur des dimensions ayant une base affective (bien-être, stress face à l'expérience, motivation, intérêt et déception), les attributions causales de la performance et la manière d'être habituelle des sujets dans deux domaines (anxiété, locus de contrôle). Ces dimensions conatives nous permettent d'aborder le versant affectif et motivationnel de la dimension d' auto-efficacité  en association avec la réalisation d'une tâche mnésique en session expérimentale. La métamémoire générale, mesurée par un questionnaire d'évaluation de situations quotidiennes est aussi intégrée dans ce chapitre sur les dimensions écologiques.  
  
 
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Conclusion générale
Revenons sur nos hypothèses et sur les conclusions que nous avons tirées de nos études.  Concernant tout d'abord les représentations naïves  de la mémoire et les situations quotidiennes de mémorisation intentionnelle, nous pouvons accepter l'idée que les sujets possèdent une connaissance compatible avec la connaissance produite par les théories scientifiques. Nous relevons toutefois un certain nombre de distorsions dans la représentation de la mémoire. (1) La mémoire est vue comme un processus  (l'idée d'action prime sur l'idée de contenu) de récupération  portant sur des contenus  de nature épisodique  (événements, souvenirs) et sémantique . La prise de conscience de la mémoire a lieu au moment de la récupération des informations et cela se ressent dans la définition donnée par les sujets. L'encodage est considéré dans une perspective passée ; la définition prototypique n'est pas " la mémoire est ce qui me permet de me souvenir des choses dans le futur " mais " la mémoire est ce qui me permet de retrouver ce que j'ai appris auparavant ". De cette représentation de la mémoire, on peut conclure que la conscience et l'intention sont essentiellement associées à la récupération des informations en mémoire. La prise de conscience pourrait d'autant plus se produire qu'il y a échec de récupération, donnant lieu aux expériences communes de sentiment de savoir et surtout de "mot sur le bout de la langue". Ainsi, dans la plupart des situations vécues au quotidien, la conscience intervient au moment de la récupération. Ce point de vue centré sur la récupération apparaît aussi dans les questions visant à faire émerger les situations quotidiennes de mémorisation intentionnelle (plus de situations rétrospectives concernant des contenus d'informations que de situations prospectives impliquant des actions) et les stratégies consciemment utilisées par les sujets dans la vie courante (plus de stratégies internes et rétrospectives). Ce primat de la récupération nous autorise à penser que la représentation de la mémoire est incomplète et déformée par l'expérience consciente quotidienne. (2) La grande diversité des associations émises face au terme mémoire démontre le caractère intime et personnel de la mémoire. La métaphore informatique et la métaphore cérébrale ressortent dans ces associations spontanées. De même, l'oubli fait partie intégrante de la représentation de la mémoire. (3) Nous constatons un manque de perception de dimensions scientifiquement établies : pas de distinction entre mémoire à court terme et mémoire à long terme, pas de mentions de l'aspect implicite ou procédural de la mémoire (4) Les sujets soulignent l'importance de l'affect dans la mémoire, notamment dans les attributions causales de la performance et dans l'auto-efficacité ( je mémorise mieux ce qui me touche  ; voir effet de référence à soi ; Rogers et al., 1977). L'auto-efficacité se manifeste par une croyance unanime de contrôle  sur la mémoire : les sujets pensent qu'ils sont capables d'améliorer leur performance s'ils font les efforts suffisants et s'ils la préservent par un entraînement régulier. Paradoxalement, interrogés sur les différences individuelles, ils mentionnent des effets stables et
  
 
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Conclusion générale
  incontrôlables (comme les capacités) pour expliquer les effets de l'âge et de la condition sociale. Individuellement, les sujets possèdent donc un sentiment de maîtrise de leur mémoire alors qu'ils nourrissent volontiers des croyances (stéréotypes sociaux) sur les effets déterministes de certains facteurs comme le vieillissement. (5) La connaissance de la mémoire apparaît à travers l'auto-évaluation qualitative de la mémoire dans diverses situations quotidiennes. Tout d'abord, les évaluations font ressortir une forme de connaissance de l'effet de certains facteurs sur la performance : familiarité des informations, supériorité du visuel sur le verbal, effet des tâches (reconnaissance, rappel indicé, rappel libre). De plus, les trois facteurs qui émergent d'une analyse factorielle évoquent un premier aspect de connaissance générale , un second aspect de connaissance personnelle  et un dernier aspect de complexité des informations . Enfin, les situations de mémoire évaluées se situent sur un continuum de difficulté perçue, elle-même reliée à la variabilité des auto-évaluations : les tâches perçues comme difficiles globalement par l'ensemble des sujets donnent lieu à une plus grande variabilité des auto-évaluations (et donneraient probablement lieu à une plus grande variabilité de performance si on testait les sujets) alors que les tâches perçues comme faciles donnent lieu à un plus grand consensus interindividuel. Nous avons envisagé que ces observations concourent à l'hypothèse d'une connaissance objective du fonctionnement de la mémoire. Nous aboutissons à une conclusion similaire au chapitre 7, portant sur une analyse des inter-relations entre performance, jugements de métamémoire et dimensions conatives (voir ci-après). Bien que l'auto-évaluation de la mémoire quotidienne semble très sensible au contexte dans lequel elle est émise (expérience préalable avec une situation vécue comme un échec), elle traduit une forme de connaissance objective des situations et tâches de mémoire ; quel que soit le contexte, les sujets classent de façon identique les situations à évaluer en fonction de leur déclenchement de difficultés mnésiques. Ces résultats sont intéressants car ils nous montrent qu'une évaluation de la composante efficacité  de la métamémoire apporte indirectement des renseignements sur la composante connaissance . Cette réflexion ouvre de nouvelles perspectives de mesure pour la facette connaissance de la métamémoire.   Les effets de l'encodage intentionnel  sur la performance mnésique et sur les  jugements de métamémoire ont été testés dans deux expériences différentes associant des mesures de performance et de jugements ( monitoring ).  L'hypothèse d'un effet bénéfique de l'intention sur la performance est défendue, mais sous certaines conditions. En particulier, l'âge des sujets, la familiarité avec le matériel et les tâches, le type de matériel et d'épreuve, la liberté de contrôle sur le processus d'apprentissage, les contraintes lors de l'encodage sont des facteurs qui peuvent empêcher l'observation de cet effet.
  
 
Conclusion  628
Conclusion générale
  Dans la première expérience, des sujets jeunes et des sujets âgés devaient lire des paires de mots entretenant des relations plus ou moins profondes (non-reliés, relation phonétique et relation sémantique) au cours de trois phases consécutives. Dans la première phase, les sujets n'étaient pas avertis du test de mémoire futur (rappel libre puis rappel indicé par le premier mot de chaque paire). Dans la seconde phase l'encodage était intentionnel et dans la troisième phase, le sujet devait citer, après lecture de chaque paire, le type de relation entre les deux mots (condition d' analyse du matériel). Il s'avère que dans de telles conditions (manipulation intra-sujet de l'intention), l'encodage intentionnel améliore la performance en rappel libre chez les sujets jeunes uniquement, suggérant un effet de la familiarisation avec le matériel et la tâche de mémoire sur l'efficacité de la prise d'information. De plus, une analyse systématique du matériel n'apporte aucun bénéfice en rappel libre ; ce résultat semble provenir d'une stratégie délibérée consistant à orienter l'attention sur le traitement des items non-reliés et à négliger le rappel des mots plus faciles, en comptant sur la tâche suivante de rappel indicé. L'encodage intentionnel améliore la performance en rappel indicé pour tous les types de stimuli chez les sujets jeunes et pour le matériel hautement intégré chez les sujets âgées. L'encodage intentionnel associé à une analyse explicite du matériel est utile pour les sujets âgés lorsque le test de mémoire présente un indice de récupération. Ainsi, la performance de mémoire est similaire dans les deux groupes pour le matériel sémantique, encodé intentionnellement et analysé de façon explicite, et pour lequel un indice de récupération est fourni. Nos données suggèrent que les personnes âgées ont des difficultés à tirer partie de leur expérience avec le matériel et les tâches pour améliorer leur performance ; elles ont besoin d'un support extérieur à la fois lors de l'encodage et lors de la récupération des informations. Cette observation défend l'idée d'une perturbation des mécanismes de contrôle du processus mnésique chez les personnes âgées. Dans la seconde expérience, des sujets jeunes devaient apprendre une liste de trente mots, présentés individuellement mais relevant de 5 catégories naturelles (mammifères, oiseaux, fleurs, fruits et légumes), sous trois conditions différentes. L'intention de retenir était manipulée selon un plan inter-sujets. Un premier groupe de sujets devaient répondre à une question pour chaque mot présenté ; les questions induisaient différents niveaux de traitement : orthographique, phonétique ou sémantique (tâche d'orientation ; encodage incident). Le second groupe réalisait la même tâche tout en étant averti que leur mémoire des mots serait testée suite à la phase de décision (encodage intentionnel avec tâche d'orientation). Le troisième groupe gérait le défilement des mots à l'écran, sans avoir de décision à prendre sur ces stimuli, et tout en étant avertis du test futur (condition contrôle). Dans cette expérience, nous montrons que la tâche d'orientation, habituellement utilisée dans les recherches sur la mémoire (Craik et Tulving, 1975) perturbe sensiblement la performance mnésique par rapport à la condition contrôle. Les sujets ne prennent pas conscience de l'organisation de la liste à apprendre et ne peuvent pas adopter de stratégies d'encodage et de récupération très efficaces. L'encodage intentionnel assorti de la tâche d'orientation
  
 
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